annales

 

 

sujet Nouvelle-Calédonie 2011

 

   PREMIERE PARTIE : SYNTHESE (40 points).
       Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :

Document 1 : Christian Combaz, Eloge de l'âge (2001)
Document 2 : Bernadette Puijalon et Jacqueline Trincaz, « Le sage et le fardeau », Courrier de l'Unesco (janvier 1999)
Document 3 : Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée (1987).
Document 4 : Raphaël, détail de « L'Incendie du Bourg », fresque peinte en 1514.

 

   DEUXIEME PARTIE : ECRITURE PERSONNELLE (20 points).
       Selon vous, les relations entre les générations les plus âgées et les jeunes générations sont-elles satisfaisantes dans la société d'aujourd'hui ?
  Vous répondrez à cette question d'une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l'année et vos connaissances personnelles.

 

 

DOCUMENT 1.

  Quand j'avais dix ans, je posais ma main sur celle de mon grand-père. Je trouvais miraculeux que nous fussions si dissemblables et pourtant de la même espèce. C'était une chose si troublante qu'il m'arrivait d'enfiler la veste de son costume afin de voir si, par hasard, ma peau n'allait pas devenir grise et ressembler comme la sienne à celle des tortues, mais je restais lisse, blafard et songeur devant la glace, et je me disais qu'un jour, j'aurais moi aussi les cheveux blancs, des plis aux coins de la bouche et un costume rayé.
  Cette idée me causait une grande satisfaction. Atteindre la vieillesse représentait l'accomplissement d'une ambition. Ce n'était pas la chute, mais le sommet. Mon grand-père se plaignait bien un peu de la fatigue, mais je trouvais que c'était un prix modeste à payer pour la satisfaction de porter une canne et de jouir enfin du privilège d'être vieux, car je ne doutais pas que ce fût un privilège. Nous étions même assez nombreux à le penser encore, à cette époque. Le hasard a voulu que je naisse avant le temps de la télévision de masse. Je suis allé à l'école chez les bons pères1. Ma famille n'était pas d'avant-garde. J'ai donc été élevé à l'abri de la modernité.
  A table, on n'interrompait pas les grandes personnes. Mon père n'interrompait pas mon grand-père. Dans les livres, on célébrait l'âge et l'expérience comme de grandes vertus. Les illustrations qui ornaient nos manuels d'histoire représentaient un tas de vieillards célèbres, et la sagesse avait pour moi la tête de Victor Hugo.
  Plus tard, vers quatorze ou quinze ans, j'ai fait l'expérience d'une réalité différente. En vérité, ma génération entière, soit, grossièrement, celle de l'après-guerre, a découvert qu'on lui avait menti. Le temps est venu des voitures à crédit, de la consommation, des vacances au soleil. Nos parents n'ont pas vieilli comme ils l'auraient dû. En fait, ils n'ont pas vieilli du tout. Ils ont acheté des électrophones. Ils ont découvert les chemises imprimées. Ils sont allés danser. Nos grands-parents eux-mêmes auraient, à cette époque, donné toute la sagesse du monde pour une croisière. Un peu plus tard, le prix des croisières ayant baissé, ils sont partis visiter la planète dans le but de nous accabler, ensuite, avec leurs projections de diapositives. Les enfants de ces milieux qu'on appelle « simples », dont les grands-pères avaient encore une moustache jaune, des copains de bistrot, un bout de jardin et un atelier, ne connaissaient pas leur bonheur.
  Les autres, comme moi, en étaient réduits à visiter deux fois l'an un couple de vieillards amers et pointilleux dans une résidence en béton qui portait un nom de fleur. Et surtout, ils ne voyaient pas trace de cette sagesse dont Cicéron, célèbre auteur de versions latines, nous disait qu'elle était le propre de la vieillesse : les feuilletons télévisés, l'entretien de la voiture, les visites chez le médecin, voilà plutôt ce dont on parlait chez nous.

Christian Combaz, Eloge de l'âge (2001).

1. Ecole religieuse des Jésuites.

 

DOCUMENT 2.
 
Le sage et le fardeau

  La vieillesse est tout autant une construction historique et culturelle qu'un fait naturel, obéissant à une infinité de variables personnelles. Elle se construit certes sur une réalité qui comprend des éléments d'ordre biologique, démographique, ou économique et politique. Mais elle se construit aussi sur la représentation plus ou moins positive, inscrite dans l'imaginaire, que secrète chaque société en fonction de ses valeurs et du modèle d'homme idéal qu'elle se fixe. Certaines cultures ont positivé la vieillesse en faisant de la croissance de l'être humain un processus permanent, où l'individu qui vieillit cumule qualités et expériences. Un exemple peut en être donné par les sociétés rurales de l'Afrique traditionnelle, où la différenciation s'opère selon le critère d'âge qui instaure une supériorité des aînés sur les cadets. Les vieux y sont numériquement peu nombreux mais jouent un rôle considérable.
  Dans ces systèmes où triomphe l'oralité, le savoir est l'apanage des plus anciens. I ne s'agit pas tant d'un savoir technique, vite assimilable par tous, que du « savoir mythique » qu'aucun jeune ne saurait ravir1. Posséder le secret du mythe, récit sacré des origines, équivaut à connaître le sens profond des choses et la Loi des Pères, c'est-à-dire le principe qui régit et régule l'ordre social. Dans le même mouvement, le mythe crée le rite, répétition du geste primordial, faisant des vieux les officiants2 du culte domestique, capables de prononcer les paroles sacrées, de déclencher les puissances vitales, bénéfiques ou maléfiques, de bénir ou de maudire. Cette suprématie face au savoir confère aux vieux un rôle éducatif fondamental. Car, outre la connaissance du mythe, ils se doivent de transmettre aux plus jeunes l'histoire du groupe et les règles sociales dont ils sont les détenteurs. Cette transmission se fait par paliers successifs, notamment lors de cérémonies d'initiation, moments forts dans l'éducation. Ils permettent aux vieux de conserver le plus longtemps possible une partie du savoir secret afin d'assurer leur hégémonie culturelle, religieuse et politique. Le pouvoir gérontocratique3 naît de cette progression. « Le procédé s'avère simple, souligne l'anthropologue français Louis Vincent Thomas. Il consiste à confisquer le savoir fondamental, puis le servir aux classes montantes, selon les intervalles bien calculés et un dosage précis, par le moyen d'une langue riche en symboles et en résonances hautement affectives ».

Des bienfaits à l'infini

  Le vieillissement devient ainsi un processus d'acquisition, et la représentation du vieux apparaît hautement positive. Il est le sage, le modèle à atteindre, celui qui a su résister à la mort en s'inspirant des valeurs du groupe. La mort d'ailleurs, il ne la craint pas : elle lui permettra de rejoindre les ancêtres pour continuer à être utile à la communauté en répandant ses bienfaits à l'infini sur sa descendance.
  Envisager la vie comme une progression permanente qui se poursuit au-delà de la mort amène à concevoir la vieillesse comme l'ultime étape d'une ascension vers la plénitude du savoir et du pouvoir.
  Ce que les sociétés occidentales nomment pertes, handicaps, voire déchéance, sont alors les preuves d'une métamorphose vers un stade supérieur. Le vieux divague ? Il parle avec les ancêtres. Il devient sourd, aveugle ? Il écoute et voit les esprits. Il se tasse, se meut difficilement ? Il devient lui-même esprit... Personne accomplie, proche de Dieu et des ancêtres, il se vit lui-même comme un élu. Dans une telle société, on aime à se vieillir, à se dire vieux, très vieux. Le terme est pleinement valorisé. Lui ajouter « sage» serait un pléonasme.

1. Voler, dérober.
2. Se dit de ceux qui pratiquent un culte, un rite
3. Relatif au pouvoir qu'exercent les personnes âgées.

Bernadette Puijalon et Jacqueline Trincaz, « Le sage et le fardeau », Courrier de l'Unesco (janvier 1999).

 

DOCUMENT 3.

  La mode est jeune ; le cinéma et la publicité s'adressent prioritairement au public des quinze-vingt ans ; les mille radios libres chantent, presque toutes sur le même air de guitare, le bonheur d'en finir avec la conversation. Et la chasse au vieillissement est ouverte : tandis qu'il y a moins d'un siècle, dans ce monde de la sécurité si bien décrit par Stefan Zweig1, « celui qui voulait s'élever était obligé d'avoir recours à tous les déguisements possibles pour paraître plus vieux qu'il n'était », «les journaux recommandaient des produits pour hâter la croissance de la barbe », et les jeunes médecins frais émoulus2 de la Faculté tâchaient d'acquérir un léger embonpoint et « chargeaient leurs nez de lunettes à montures d'or, même si leur vue était parfaite, et cela tout simplement pour donner à leurs patients l'impression qu'ils avaient de l' "expérience" », – de nos jours, la jeunesse constitue l'impératif catégorique3 de toutes les générations. Une névrose chassant l'autre, les quadragénaires sont des « teenagers » prolongés ; quant aux Anciens, ils ne sont pas honorés en raison de leur sagesse (comme dans les sociétés traditionnelles), de leur sérieux (comme dans les sociétés bourgeoises) ou de leur fragilité (comme dans les sociétés civilisées), mais si et seulement si ils ont su rester juvéniles4 d'esprit et de corps. En un mot, ce ne sont plus les adolescents qui, pour échapper au monde, se réfugient dans leur identité collective, c'est le monde qui court éperdument après l'adolescence. Et ce renversement constitue, comme le remarque Fellini5 avec une certaine stupeur, la grande révolution culturelle de l'époque postmoderne : « Je me demande ce qui a bien pu se passer à un moment donné, quelle espèce de maléfice a pu frapper notre génération pour que, soudainement, on ait commencé à regarder les jeunes comme les messagers de je ne sais quelle vérité absolue. Les Jeunes, les jeunes, les jeunes... On eût dit qu'ils venaient d'arriver dans leurs navires spatiaux [...] Seul un délire collectif peut nous avoir fait considérer comme des maîtres dépositaires de toutes les vérités des garçons de quinze ans ».

1. Ecrivain autrichien (1881-1942).
2. Qui viennent de sortir de l'école de médecine.
3. Commandement moral absolu.
4. Juvénile : adjectif qui signifie "qui appartient à la jeunesse".
5. Federico Fellini :cinéaste italien (1920-1993).

Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée (1987).

 

DOCUMENT 4.

Le Troyen Enée fuit la ville de Troie pillée et incendiée par les Grecs, accompagné de son fils Ascagne et portant son père Anchise sur son dos.
Détail de "L'incendie du bourg", fresque peinte par Raphaël (1514). Palais du Vatican.

 

 

sujet Nouvelle-Calédonie 2012

 

 

PREMIÈRE PARTIE : SYNTHÈSE ( /40 POINTS) :

  Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 : Alain Billouin, Henri Charpentier, Serge Laget, Les Déesses du sport, 2007
Document 2 : Jacques Defrance, « Les pratiquants du sport. Mise en perspective historique », Le sport en France, Paris 2008
Document 3 : Catherine Louveau, « Femmes sportives, corps désirables. » Le Monde Diplomatique, octobre 2000.

DEUXIÈME PARTIE : ÉCRITURE PERSONNELLE ( /20 POINTS) :

 Selon vous, l'utilisation de l'image des championnes et des champions par la société est­ elle compatible avec l'esprit sportif ?
 Vous répondrez à cette question de façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l'année et vos connaissances personnelles.

 

 

DOCUMENT 1

  L'année 1936, qui a marqué la fusion hommes-femmes au sein de l'athlétisme international, aura été aussi celle d'une médiatisation nouvelle du sport féminin dans le cadre de Jeux par ailleurs de triste mémoire à Berlin1. C'est même une égérie2 d'Hitler, Leni Riefenstahl qui, dans Les Dieux du stade, long métrage réalisé sur les compétitions olympiques, a sublimé l'image féminine dans l'accomplissement du geste sportif. Le cinéma puis la télévision - par satellite à partir de 1964 - vont se charger ensuite de donner une dimension encore plus spectaculaire au sport féminin tout en effaçant les derniers préjugés. La sportive moderne se fera élégante, voire glamour, en vraie héroïne populaire du petit écran... A l'approche du XXle siècle, le sport féminin n'en a pas moins acquis une autre dimension.
 Les championnes sont de plus en plus admirées. Depuis le titre olympique d'Alice Coachman en 1948 à la hauteur et les exploits tennistiques d'Althea Gibson, « l'enfant de Harlem », dans les années 1950, les femmes de couleur captent désormais aussi l'attention. Les contrats atteignent des sommes bientôt équivalentes à celles des sportifs masculins les plus célèbres comme dans le tennis. Elles font les couvertures des magazines, apparaissent dans des spots publicitaires, s'exhibent dans des défilés de mode. Les plus grandes compétitions féminines sont retransmises à la télévision. Les meilleures championnes olympiques sont sacrées « reines des Jeux » comme Nadia Comaneci3 en 1976. Aux J.O., le boom du sport féminin se traduit d'ailleurs dans les chiffres. En 1912 aux J.O. de Stockholm, on dénombrait 57 femmes sur 2540 athlètes engagés, soit 2% des concurrents.
 En 2004, à Athènes, 4306 athlètes féminines représentant 40,7% des concurrents ont participé aux épreuves. Les femmes aujourd'hui sont représentées dans vingt-six disciplines sur vingt-huit au programme olympique. Elles participent ainsi brillamment au succès populaire et au renom de la compétition sportive la plus suivie au monde sur les écrans de télévision avec une audience cumulée de 40 milliards de téléspectateurs. Elles ont atteint une notoriété planétaire équivalente à celle des hommes.
 Au sein même du CIO4, après le Congrès du centenaire à Paris en 1994, une commission « Femme et sport » a été créée en 1995. La charte olympique exprime ainsi désormais la volonté du mouvement olympique d'œuvrer en faveur de la femme : « Le rôle du CIO est d'encourager et soutenir la promotion des femmes dans le sport, à tous les niveaux et dans toutes les structures, dans le but de mettre en œuvre le principe d'égalité entre hommes et femmes. » Si en ce début de XXIème siècle la femme plus que jamais se sent libre, créative, en mesure d'accroître son influence dans les sociétés modernes et à même de faire entendre sa voix et de démontrer qu'elle n'est inférieure à l'homme dans aucun domaine, elle le doit aussi au sport qui a contribué à revaloriser son image. La stature minimisée, voire refoulée de la femme, a été restaurée. Les Déesses du sport le prouvent : les sportives aussi sont actrices de leur destin. Le sport ne les empêche pas de plaire et leur permet de triompher !

Alain BILLOUIN, Henri CHARPENTIER, Serge LAGET, Les Déesses du sport (2007)

1. Le Troisième Reich voit dans ces Jeux olympiques une occasion de célébrer la puissance de la « race aryenne » et du régime nazi.
2. Inspiratrice, conseillère.
3. Gymnaste roumaine qui a donné une dimension plus médiatique à cette discipline.
4. Comité International Olympique.

 

DOCUMENT 2

   La structure par sexe des populations sportives reste très déséquilibrée en faveur des hommes jusque dans les années soixante-soixante-dix, bien qu'elle évolue. À chaque époque, l'accès des femmes à des sports dépend de l'état des conventions culturelles relatives aux rôles sexuels, du développement matériel des lieux de pratique où des femmes peuvent être reçues et, pendant longtemps, de l'assentiment de certains hommes bien placés dans le sport. Ainsi, une étude a montré dans quelles conditions et circonstances des femmes ont pu devenir des sportives pratiquantes en 1946-1948 dans le Val-d'Oise : l'influence du père sportif et dirigeant sportif ou, au contraire, la volonté de s'affirmer face au père ou de rompre avec le rôle féminin incarné par la mère suscite un investissement de la jeune fille dans le sport, détermine par surcroît la rencontre avec son futur mari au sein du club, mais la naissance du premier enfant interrompt cette dynamique. Le bilan établi par Catherine Louveau et Annick Davisse dans les années quatre-vingt (réactualisé dans les années deux mille), tout en soulignant de « multiples avancées », décrit encore un monde sportif largement structuré selon des divisions sexuelles. Si, à la fin du XXème siècle, en France, les femmes pratiquent de l'activité physique selon une fréquence proche de celle des hommes, elles ne le font souvent pas dans les mêmes disciplines, ni dans les mêmes espaces, ni aux mêmes moments. Dans les activités physiques hygiéniques (marche, nage) en 1985, les femmes représentaient 57 % des pratiquants de 12 à 74 ans. Chez les pratiquants sportifs non licenciés, elles étaient encore majoritaires (53%) mais ne représentaient que 44 % des sportifs licenciés sans compétition et 25 % des licenciés avec compétition.
 En 2002, les proportions n'ont guère changé (34% de femmes parmi les licenciés en général, et 27 % parmi les licenciés avec compétition). Les différences entre sexes affectent les choix de pratiques : les femmes élisent d'abord les gymnastiques à domicile, la natation, la marche et la randonnée (respectivement 25 %, 23 % et 22 % d'entre elles en font), alors que les hommes préfèrent le vélo, le tennis, le football et la course à pied (20 %, 19 %, 19% et 15 %). Les décalages affectent de multiples dimensions des pratiques, faisant fonctionner les oppositions symboliques entre masculin et féminin à des niveaux toujours renouvelés. Ainsi, quand les hommes et les femmes pratiquent de la gymnastique et choisissent leurs mots pour désigner ce qu'ils font, les uns préfèrent dire qu'ils font de la « musculation» et du « culturisme », tandis, que pour les autres, ce sera de l' « aérobic » ou des« abdo-fessiers », réanimant ici une opposition entre muscle et ligne, puissance et forme.
 Dans le sport se combinent universalisme et discrimination. Le projet fondamental de l'institution sportive est d'organiser une confrontation universelle pour dégager le meilleur physiquement à travers des épreuves codifiées : toutes les formes d'exclusive diminuent la valeur des titres qu'elle crée. Si les deux tiers de l'humanité sont absents, que signifient les titres de meilleur boxeur, meilleur sprinter, etc. du monde (champion ou recordman du monde) ? Dans la mesure où les épreuves masculines sont presque toujours séparées de celles des femmes (sauf en automobile, voile, parachutisme...) et où la pratique des hommes s'est développée la première, l'institution sportive a pu assez vite prétendre atteindre l'universalité pour la gent masculine.

Jacques DEFRANCE, « Les pratiquants du sport. Mise en perspective historique », Le sport en France (2008).

 

DOCUMENT 3

 « Le sport menace-t-il leur beauté ? », question récurrente se conjuguant exclusivement au féminin : « Il n'y a rien de plus beau au monde qu'une Mary Decker qui court. Ses adorables jambes, qui eurent à juste titre les honneurs d'un grand magazine américain, engendrent une foulée qui demeure sans cesse élégante et racée, même au plus profond de l'effort1.» La sportive est tenue de faire la démonstration (sinon la preuve) de son identité en usant des artifices propres aux femmes : cheveux mis en forme, bijoux, maquillage ou ongles vernis (comme ce fut demandé à toutes les participantes de la Grande Boucle - le Tour de France féminin - en 1999). Par ces signes, de surface, mais donnés comme constitutifs de la féminité, les sportives peuvent espérer être perçues pour ce qu'elles sont et aussi pour ce qu'elles font. Manqueraient-ils2, que se déchaînent volontiers la suspicion, l'inquiétude et une violence verbale à peine contenue.
 A bien regarder les marginalités tolérées et celles qui ne le sont pas, deux terrains d'expression de la virilité se dégagent : l'un fait de connaissances et de savoir-faire, l'autre, plus « personnel », fait d'usages et d'images du corps - l'un et l'autre caractérisant l'homme dans son rapport aux autres, aux objets, au monde extérieur. Les femmes peuvent, sans trop déroger, s'approprier certaines préroqgtives3 du premier (voir la reconnaissance de Florence Arthaud, Michèle Mouton, Catherine Destivetle4), mais elles violent un tabou quand elles s'arrogent certains aspects du second (boxeuses, lutteuses, joueuses de rugby demeurent invisibles dans les médias). Elles subissent alors un procès de virilisation, qui demeure d'actualité dans le sport quand ailleurs il est tombé en désuétude5. Comme les écrivaines et artistes d'autrefois, dès que des femmes sortent des espaces et des rôles qui leur sont strictement assignés, elles sont désignées comme masculines, « viriles », voire asexuées. Rompant avec le rôle imparti aux femmes, elles ne peuvent que se masculiniser. [...] Le sport réclame de « vraies » femmes et de « vrais » hommes au sens le plus classique.
 Or la pratique sportive amène la question de la ressemblance voire de la confusion entre hommes et femmes. Ici, le corps n'est jamais évacué. Il est le vecteur premier où s'inscrit l'identité de chacun. Le corps du sportif est agissant, donné à voir, vu et perçu. A travers cette représentation des corps, le sport devient le lieu où se joue l'imaginaire de l'Autre. Une masculinité et une féminité dessinées par leurs différences les plus accusées s'y expriment et s'y mettent en scène. Le sport veut et forge des femmes idéales, belles pour (le) séduire, de même que des hommes idéalement virils, c'est-à-dire forts ou courageux pour (la) conquérir. Les pratiques, les images et les discours du sport ont ce point commun : c'est l'image qu'elle donne à voir d'elle-même qui fait la femme, comme c'est l'action qui fait l'homme.

Catherine LOUVEAU, « Femmes sportives, corps désirables ». Le Monde Diplomatique, octobre 2000.

1. Marcel Hansenne, « Ça suffit les machos » in L'Equipe Magazine, 28 novembre 1983.
2. Le "ils" désigne ici les « signes constitutifs de la féminité ».
3. Avantage, privilège attaché à une fonction, à une dignité.
4. Respectivement navigatrice, pilote de rallye, alpiniste.
5. Cessation, d'une coutume, d'une loi, d'un usage, etc.

 

 

sujet Polynésie 2013

 

PREMIERE PARTIE : SYNTHESE (40 points). Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :

Document 1 : Pierre Assouline, Brèves de blog, le nouvel âge de la conversation, 2008
Document 2 : Nicolas Vanbremeersch, De la démocratie numérique, 2009
Document 3 : Erwan Desplanques, "Internet rend-il méchant ?",13 avril 2011
Document 4 : Caran d'Ache, "Un dîner en famille", 1898.

DEUXIEME PARTIE : ECRITURE PERSONNELLE (20 points).
Selon vous, la révolution numérique dégrade-t-elle les échanges entre individus ?
Vous répondrez à cette question d'une façon argumentée en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l'année et vos connaissances personnelles.