L'ANIMAL ET L'HOMME
Résumé et dissertations

 

 

Le résumé de texte
La dissertation. 

 

 

TEXTE OBSERVATIONS

    Nous contemplons tous les jours la mort dans notre assiette, même si nous avons quasiment oublié que la viande a d'abord été un animal. Certes, les hommes ont de tout temps mangé des animaux, qui se dévorent eux-mêmes entre eux. Mais l'animal qui n'existe que pour remplir notre tube digestif peut-il vraiment « connaître la vie » ? Réduit, de son vivant, à l'état de morceau de viande virtuel, enserré dès sa naissance par une réalité industrielle trouvant son oméga à l'abattoir, l'animal n'est plus seulement en sursis, comme nous tous : il est tout entier programmé pour la mort.
    Mauvaise conscience ? Effet à rebours de ce véritable massacre ? Voie inconsciente de la rédemption ? En tout cas, l'animal domestique apparaît comme le symétrique inverse de celui qui passe directement de l'élevage à l'abattoir. Si nous renvoyons le morceau de viande en devenir dans une radicale altérité, jusqu'à le priver de son statut de vivant, nous élevons au contraire l'animal domestique au rang d'alter ego. Celui qui est devenu un membre à part entière de sa « famille d'accueil » est désormais investi de tous les désirs de son maître (de moins en moins) et ami (de plus en plus). À travers le filtre de l'animal-viande, l'homme avait pu cerner son humanité en promettant l'animal aux abattoirs; l'animal-ami lui permet de se rappeler - autre effet de miroir - qu'il habite lui-même le monde en tant que présence subjective, comme c'est le cas pour son animal de compagnie.
   L'animal de l'abattoir - comme celui du laboratoire - nous fait oublier que la bête est vivante; l'animal de compagnie, devenu presque notre égal, tend à nous délivrer de cette amnésie, signalant peut-être du même souffle notre crainte plus ou moins diffuse d'être nous aussi, après l'animal, réduits à l'état de chose, parce qu'entre ces deux pôles de l'animal-viande et de l'animal-ami, c'est notre idée de l'animal qui se trouve écartelée, plaçant du même coup dans un no man's land identitaire la figure de la bête… et celle de son « négatif » : l'humain.
   Pourtant les progrès des technosciences, dont les sciences du vivant, sont en train de modifier de fond en comble notre vision tant de l'animal que de l'humain. Tous deux apparaissent de plus en plus comme un agencement complexe de fonctions sophistiquées attestant d'une continuité entre les différentes formes du vivant. En ce sens, le dualisme cartésien est certainement en train de voler en éclats, même si on mesure mal l'effet d'un tel bouleversement. Le dépassement de la vision cartésienne ne se traduit malheureusement pas par la reconnaissance d'une transcendance présente dans toute forme de vie. C'est au contraire la vie humaine qui tend elle-même à être réduite à des composantes physico-chimiques, comme si la «vérité » du vivant logeait dans le plus petit (les gènes, par exemple). Conséquence : puisque tous les vivants logent à l'enseigne de l'infiniment petit, la vision cartésienne tend à disparaître en étendant à l'homme le statut d'animal-machine ! Pendant longtemps, l'animal a été enfermé dans une nature objective devant laquelle se dressait une subjectivité incapable de penser son rapport sensible au monde : l'animal n'était qu'un morceau de chair, l'humain était un pur être de raison, désincarné. Cette représentation, jonchée de cadavres animaux, a fait long feu : hommes comme bêtes sont aujourd'hui devenus de simples relais d'un processus technoscientifique, comme si la remise en question d'une coupure radicale entre l'animal et l'homme impliquait nécessairement de faire de l'un et de l'autre des machines plus ou moins évoluées.
   C'est en outre dans ce cadre que l'instrumentalisation de l'animal peut connaître un essor sans précédent. Il avait été (et continue d'être) viande, fourrure, bête de somme, cobaye de laboratoire; il devient maintenant réservoir d'organes pour l'humain, un réservoir virtuellement inépuisable grâce à la magie du clonage… qui permet de se représenter l'humain lui-même comme un champ de culture d'organes, bouclant ainsi la boucle de la réduction du vivant à des biomatériaux. La vision technicienne du vivant transforme ainsi peu à peu tous les vivants, animaux et humains, en une immense chaîne de montage où la distinction entre sujet et objet s'estompe peu à peu : tous peuvent, un jour ou l'autre, devenir des relais techniques (biomécaniques) au profit d'une autre partie de la chaîne.
   On ne peut nier qu'une telle dynamique a entraîné de fulgurants progrès médicaux. La question est cependant de savoir si cette logique, en nivelant la vie, en la réduisant à une multitude de fonctions plus ou moins autonomes, ne tend pas à faire disparaître toute altérité - et son corollaire : le sentiment d'exister comme sujet face à l'autre. On peut imaginer, et la science-fiction ne s'en prive pas, d'extraordinaires machines, capables d'effectuer des tâches d'une immense complexité, mais force est d'admettre que la voie menant à la reconnaissance de ce qu'il faut bien appeler une « conscience animale », niée par le dualisme cartésien et la modernité occidentale, ne saurait passer par des entrailles électroniques - et éventuellement biotechnologiques.
    En effet Conscience n'est pas Raison, comme l'Occident l'a trop longtemps pensé en accordant le monopole de l'un et de l'autre (confondus) à l'humain - excluant ainsi du monde les animaux, les fous, etc. Refuser de penser le monde du point de vue de la Raison (et de sa forme contemporaine, la rationalité économique) n'implique pas la disparition de toute mesure (ratio) à l'aune de laquelle puisse être jugée l'action humaine. Cela suppose plus de modestie, d'ouverture à l'égard de la différence et de la capacité d'accueillir un passé qu'on ne peut effacer sans s'annihiler soi-même. Cela ne donne pas de réponses toutes faites, mais permet de maintenir l'idée de « raison de vivre », qu'aucune Raison n'a jamais pu donner du haut de sa prétention. Au fond, c'est peut-être la seule raison qui mérite d'être défendue, surtout aujourd'hui, alors que la vision technicienne du vivant noie peu à peu la question du « pourquoi vivre ? » dans une réponse déniant a priori toute capacité créatrice à la vie : la seule raison de vivre, dans cette optique, serait maintenant d'assurer la perpétuation de la vie. Peu importent les moyens.
    Ainsi la difficulté de penser une différence - dans la continuité - entre l'homme et l'animal appelle peut-être, pourquoi pas, la transformation de notre monde humain en un immense zoo, où nous irions alors rejoindre les animaux. C'est du reste ce qui est peut-être déjà en train de se réaliser, tant notre monde semble avoir renoncé à définir de façon réfléchie (à défaut d'être rationnelle) ce qu'il voudrait être. C'est peut-être aussi cela, la fin de la bêtise : le refus de penser le devenir du monde - au nom d'une démocratie réduite à des mécanismes marchands - après avoir découvert que la Raison ne nous donnait pas la clé du paradis. Reste alors à savoir qui se déplacerait pour rendre hommage à une humanité en voie de disparition, qui s'exhiberait dans une cage. Et si, l'homme entrant dans une cage, l'animal effectuait le chemin inverse ? Par un gentil pied de nez à Darwin, il pourrait se présenter comme l'avenir de l'homme plutôt que de se contenter d'être son passé. Après l'époque de la bêtise, celle de l'« hommerie » serait alors promise à un avenir fructueux.

d'après Jean Pichette, Les nouveaux loups-garous, Relations, juillet-août 2001.

Première étape : l'énonciation :
Une première - voire une seconde - lecture doit vous amener à identifier les caractères essentiels du texte, que votre résumé devra reproduire :
- situation d'énonciation (de type expressif ici : le pronom Nous devra être repris; un registre polémique).
- niveau de langue  (relativement soutenu)
- difficultés de vocabulaire (attention par exemple aux mots corollaire, annihiler; bien clarifier la notion de dualisme cartésien ).

Deuxième étape : thème, thèse :
- Efforcez-vous de formuler pour vous-même le sujet du texte (au besoin, donnez-lui un titre; ici, le texte pourrait s'intituler : Vers une vision technicienne du vivant).
- Plus important encore : repérez la (ou les) thèse(s) et prenez soin de la (les) rédiger rapidement. Dans ce texte, l'auteur déplore que les biotechnologies aient modifié nos conceptions de l'humain et de l'animal en les réduisant à des matériaux d'expérimentation.

Troisième étape : l'organisation :
La lecture du texte vous fait percevoir par les paragraphes différentes unités de sens. Ces paragraphes constituent cependant des indices insuffisants de l'organisation. Vous savez que tout raisonnement discursif s'accompagne de connexions logiques (nous les soulignons en rouge : en gras pour les connexions essentielles) qui vous feront percevoir l'enchaînement des arguments. Ici, les trois premiers paragraphes opposent "l'animal-ami" à l'animal-viande". Cette opposition est dépassée dans les trois paragraphes suivants qui associent animal et humain dans la même conception mécaniste qu'en ont aujourd'hui les biotechnologies. Après un paragraphe où l'auteur en appelle à une mesure humaine, une conclusion, sous forme provocante, annonce le "zoo humain".
  Comme toujours dans une argumentation, les arguments s'accompagnent d'exemples ou de métaphores : leur caractère concret et circonstancié vous permet de les repérer d'emblée (nous les soulignons en bleu).

  C'est cette organisation que nous vous invitons à représenter précisément dans un tableau de structure : ne pensez pas que le fait d'établir ce tableau au brouillon vous fera perdre du temps. Une fois rempli, il vous permettra au contraire d'aller plus vite dans la reformulation, chaque unité de sens étant nettement repérée. La colonne Parties sépare chaque étape de l'argumentation, que la colonne Sous-Parties décompose si nécessaire. La colonne Arguments vous permet d'identifier rapidement chaque argument et d'aller déjà vers son expression la plus concise en repérant les mots-clefs. C'est cette colonne, surtout, qui vous sera précieuse. Quant à la colonne Exemples, elle vous permet de repérer ce que votre résumé pourra ensuite ignorer (attention cependant au fait qu'un long paragraphe d'exemples peut avoir une valeur argumentative !).

 

 

TABLEAU DE STRUCTURE

PARTIES SOUS-PARTIES ARGUMENTS (mots-clefs)

 EXEMPLES

Nous contemplons  > l'humain.
Introduction

Nous contemplons > pour la mort.

L'animal est programmé pour la mort la mort dans notre assiette
Mauvaise conscience ... au contraire > compagnie. Opposition L'animal domestique est notre alter ego

/

L'animal de l'abattoir  > l'humain. Malaise identitaire de l'animal et de l'humain

/

Pourtant les progrès des technosciences >  biotechnologiques.

Opposition et conséquences

 Pourtant les progrès >  (les gènes, par exemple). Opposition Les technosciences réduisent la vie à des processus physico-chimiques les gènes, par exemple
Conséquence > plus ou moins évoluées. L'homme a lui-même le statut d'animal-machine

/

C'est en outre > de la chaîne.  Addition La vision technicienne du vivant  transforme animaux et humains en relais biomécaniques viande, fourrure, bête de somme, cobaye de laboratoire
On ne peut nier...cependant  >  biotechnologiques. Concession Cette logique fait disparaître toute altérité la science-fiction
En effet Conscience >les moyens.
Justification

/

Refuser de penser le monde selon la Raison suppose plus d'ouverture à l'égard de la différence

/

Ainsi la difficulté > avenir fructueux.
Conclusion

/

Transformation de notre monde humain en un immense zoo ? pied de nez à Darwin

 

REFORMULATION

Résumez ce texte en 140 mots ±10%.

 

PARTIES

Observations sur les réductions

PROPOSITION DE RÉSUMÉ

1° 2° 3° §

Les trois premiers paragraphes sont rendus en une seule phrase.

Installé en compagnon à l'autre extrémité du système qui voue la bête à l'abattoir, l'animal domestique incarne peut-être nos remords ou conjure nos craintes de perdre, nous aussi, nos privilèges d'êtres vivants.

4° 5°   § Le lien consécutif est traduit par le signe :
la concession par la formule "en dépit de".

Aujourd'hui, pourtant, l'animal et l'homme ne sont plus considérés par les [50] sciences de la vie que comme des organismes : la frontière traditionnelle qui asseyait notre supériorité ne démarque qu'une plus ou moins grande sophistication. En dépit des indéniables progrès qu'elle a autorisés, il faut convenir que cette instrumentalisation de l'animal et de l'humain menace leur spécificité.

 7° §

/

Le [100] refus de cette logique pourrait en effet promouvoir davantage de respect  à l'égard de leur différence et sauvegarder nos raisons d'exister.

 8° §

La tournure interrogative rend compte du caractère hypothétique pris par le texte.

Face à la rationalité marchande, n'avons-nous plus ainsi qu'à prévoir un zoo humain, qui peut-être consacrerait le règne de l'animal ? (148 mots)