LE TEMPS VÉCU
DISSERTATIONS

 

 

 

EXEMPLE 1

« Par une sorte de violence créatrice, le temps limité à l’instant nous isole non seulement des autres mais de nous-mêmes, puisqu’il rompt avec notre passé le plus cher. » (Gaston Bachelard)
Votre lecture des œuvres du programme vous fait-elle souscrire à cette affirmation ?

PRÉPARATION :

 Parmi les questions qui devraient nourrir les dissertations sur ce programme, figurera sans doute la question de la durée bergsonienne, objet de plusieurs réfutations dont celle de Gaston Bachelard. Pour vous y préparer, nous vous invitions à lire les deux textes ci-dessous ainsi que deux passages de Proust qui semblent apporter une confirmation, non à Bergson, comme on pourrait le croire, mais à Bachelard. Qu'en est-il chez Nerval ? Chez Virginia Woolf ?

Qu’est ce, pour moi, que le moment présent ? Le propre du temps est de s’écouler ; le temps déjà écoulé est le passé, et nous appelons présent l’instant où il s’écoule. Mais il ne peut être question ici d’un instant mathématique. Sans doute, il y a un présent idéal, purement conçu, limite indivisible qui séparerait le passé de l’avenir. Mais le présent réel, concret, vécu, celui dont je parle quand je parle de ma perception présente celui là occupe nécessairement une durée. Où est donc située cette durée ? Est ce en deçà, est ce au-delà du point mathématique que je détermine idéalement quand je pense à l’instant présent ? Il est trop évident qu’elle est en deçà et au-delà tout à la fois, et que ce que j’appelle « mon présent » empiète tout à la fois sur mon passé et sur mon avenir. Sur mon passé d’abord, car le « moment où je parle est déjà loin de moi »; sur mon avenir ensuite, car c’est sur l’avenir que ce moment est penché… Il faut donc que l’état psychologique que j’appelle « mon présent » soit tout à la fois une perception du passé immédiat et une détermination de l’avenir immédiat.
Henri Bergson, Matière et mémoire.

Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’Instant. Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l’instant et suspendue entre deux néants. Le temps pourra sans doute renaître, mais il lui faudra d’abord mourir. Il ne pourra pas transporter son être d’un instant sur un autre pour en faire une durée. L’instant, c’est déjà la solitude... C’est la solitude dans sa valeur métaphysique la plus dépouillée. Mais une solitude d’un ordre plus sentimental confirme le tragique isolement de l’instant : par une sorte de violence créatrice, le temps limité à l’instant nous isole non seulement des autres mais de nous-mêmes, puisqu’il rompt avec notre passé le plus cher. Dès le seuil de sa méditation - et la méditation du temps est la tâche préliminaire à toute métaphysique - voilà donc le philosophe devant l’affirmation que le temps se présente comme l’instant solitaire, comme la conscience d’une solitude. [...] Ce qui est réel, comment échapperait-il à la marque de l'instant présent ; mais réciproquement comment l’instant présent manquerait-il à s’empreindre sur le réel ? Si mon être ne prend conscience de soi que dans l’instant présent, comment ne pas voir que l’instant présent est le seul domaine où la réalité s’éprouve ? Dussions-nous par la suite éliminer notre être, il faut en effet partir de nous-mêmes pour prouver l’être. Prenons donc notre pensée et nous allons la sentir sans cesse s’effacer avec l’instant qui passe, sans souvenir pour ce qui vient de nous quitter, sans espoir non plus puisque sans conscience, pour ce que l’instant qui vient nous livrera.
Gaston Bachelard, L'intuition de l'instant.

  Le titre du premier ouvrage de Bachelard — L’Intuition de l’instant — s'oppose aux thèses de Bergson telles qu’elles sont exposées dans l’Essai sur les données immédiates de la conscience. Au temps mathématique, on sait que Bergson opposait le seul temps réel qui est le temps vécu. Il estimait en effet que l’homme pouvait faire « l’intuition de la durée », c’est-à-dire l’expérience métaphysique d’un temps subjectif, radicalement indivisible et impossible à mesurer. L’instant n’est plus défini chez lui comme une limite ponctuelle mais comme une surface embrassant et unifiant dans une même unité présent, passé et avenir. Bien loin de ne voir que la durée dans le temps, Bachelard affirme, lui, que « le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant. Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l’instant et suspendue entre deux néants », ce qui l'amène à affirmer que « rien ne nous autorise à affirmer la durée. Tout en nous en contredit le sens et en ruine la logique.».
  En d'autres termes, Bachelard reproche à Bergson d’avoir posé la durée, par pure hypothèse, contre la réalité présente et incontestable de l’instant. Notre moi, dit-il, est tout entier investi dans l’instant présent, totalité close sur elle-même : « Tout ce qui est simple, tout ce qui est fort en nous, tout ce qui est durable même, est le don d'un instant ». Ici, Bachelard fait écho à Proust, qui écrivait dans Le temps retrouvé : « Une heure n’est pas qu’une heure. C’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats .» Qu’est-ce donc alors que se souvenir ? C’est « partir à la recherche des instants perdus », dit Bachelard. Nous nous souvenons toujours d’un instant précis dans sa densité et non d'une durée. Proust, dans sa recherche du temps perdu, aboutit aussi à la saisie du bonheur dans des moments retrouvés. Mais ces moments sont des vases clos fermés sur eux-mêmes, présentant leur qualité propre et exclusive, sans communication avec les autres : « Nous ne revivons pas nos années dans leur suite continue jour par jour, mais dans le souvenir figé dans la fraîcheur ou l’insolation d’une matinée ou d’un soir, recevant l’ombre de tel site isolé, enclos, immobile, arrêté et perdu, loin de tout le reste » (Le côté de Guermantes). Ici le temps n’est plus une « continuité mélodique » comme le dit Bergson, elle est au contraire une simple pluralité de moments isolés les uns des autres. Il serait donc inexact de penser que la mémoire nous restitue la vie dans sa continuité : nous ne recueillons, selon Proust, qu’une « simple collection de moments.»

 Ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, n'est pas une même passion continue, indivisible. Ils se composent d'une infinité d'amours successifs, de jalousies différentes et qui sont éphémères, mais par leur multitude ininterrompue donnent l'impression de la continuité, l'illusion de l'unité.
Proust, Du côté de chez Swann.

 Pour entrer en nous, un être a été obligé de prendre la forme, de se plier au cadre du temps ; ne nous apparaissant que par minutes successives, il n’a jamais pu nous livrer de lui qu’un seul aspect à la fois, nous débiter de lui qu’une seule photographie. Grande faiblesse sans doute pour un être de consister en une simple collection de moments ; grande force aussi ; il relève de la mémoire, et la mémoire d’un moment n’est pas instruite de tout ce qui s’est passé depuis ; ce moment qu’elle a enregistré dure encore, vit encore, et avec lui l’être qui s’y profilait.
Proust, Albertine disparue.

  Quatre ans après la parution de L’Intuition de l’instant, Bachelard publie La dialectique de la durée. Il entreprend d’y démontrer que l’essence de ce que nous appelons « durée » n’est pas seulement discontinue mais dialectique. C’est-à-dire que, contrairement à ce qu’avançait Bergson, la durée comporte des moments "négatifs" que l’on pourrait appeler « intervalles ». Ainsi une « description temporelle du psychisme comporte la nécessité de poser des lacunes.» Ces lacunes, ou ces intervalles, rappellent ce qu'Epicure avait affirmé contre Aristote : le temps est une succession de mouvements et de repos et cette discontinuité temporelle fonde une certaine tranquillité, ce que stoïciens et épicuriens appelaient l'ataraxie. Celle-ci nous libère tout uniment de la crainte de l’avenir et du poids du passé. Elle permet l’« oubli », la gratitude qui est la véritable durée du sage.
  Cette dialectique de la différence, Bachelard veut enfin la penser comme un rythme : « Le rythme est vraiment la seule manière de discipliner et de conserver les énergies les plus diverses. Il est la base de la dynamique vitale et de la dynamique psychique. Le rythme — et non pas la mélodie trop complexe — peut fournir les véritables métaphores d’une philosophie de la durée. » Toute l’éthique de l’instant vécu devra donc être une pratique personnelle de l’éveil et du repos, un travail exigeant fait à la fois de condensation et de dilatation, de tension et de détente, de concentration et de sublimation de l’être. C'est cela, cette dynamique vitale, qu'il faudrait s'attacher à mettre en valeur dans les œuvres qui nous intéressent.

 Plus un temps est meublé, plus il paraît court. On devrait donner à cette observation banale une place primordiale dans la psychologie temporelle. Elle serait la base d'un concept essentiel. On verrait alors l'avantage qu'il y a à parler de richesse et de densité plutôt que de durée. C'est avec ce concept de densité qu'on peut apprécier justement ces heures régulières et paisibles, aux efforts bien rythmés, qui donnent l'impression du temps normal. C'est à ces rythmes bien cadencés, dans une vie à la fois paisible et active, en suivant une dialectique rationalisée que nous référons la longueur d'une période inerte, d'un repos mal constitué, marqué par les désharmonies et les devenirs sans figure. En fait, on ne trouve au temps une longueur que lorsqu'on le trouve trop long. [...] Tous ceux qui savent jouir de l'attente même anxieuse reconnaîtront avec quel art elle fait du pittoresque, du poétique, du dramatique. Elle fait de l'imprévu avec le prévu. Enivrante joie du rendez-vous ! Il suffit d'aimer assez, de craindre tout, d'attendre dans la plus folle des inquiétudes, pour que celle qui tarde apparaisse soudain plus belle, plus certaine, plus aimante. L'attente en creusant le temps rend l'amour plus profond. Elle place l'amour le plus constant dans la dialectique des instants et des intervalles. Elle rend à un amour fidèle le charme de la nouveauté. Alors les événements anxieusement attendus se fixent dans la mémoire ; ils prennent un sens dans notre vie. Les grands souvenirs sont ainsi le dénouement du drame d'un jour, du drame d'une heure.
Gaston Bachelard, La dialectique de la durée.

 

 

EXEMPLE 2

« Celui qui ne sait pas se reposer sur le seuil du moment, oubliant tout le passé, celui qui ne sait pas se dresser, comme le génie de la victoire, sans vertige et sans crainte, ne saura jamais ce que c'est que le bonheur », affirme Friedrich Nietzsche (Seconde Considération inactuelle, 1874).
Cette affirmation vous paraît-elle justifiée par les œuvres du programme ?

1) MISE EN PLACE DU SUJET :

 Ce propos de Nietzsche est constant dans son œuvre : le surhomme qu'il appelle de ses vœux ne saurait naître que débarrassé des oripeaux d’une culture qu’il lui faut nier pour s’affirmer, libre et nu, contre tous les déterminismes imposés par la civilisation. L'oubli suppose donc une libération morale, il abolit le joug que les souvenirs, bons ou mauvais, exercent sur des êtres qu'ils empêchent d'être responsables de tous leurs actes : ainsi les préceptes moraux, les expériences amères, les épisodes perpétuellement ressassés par l'Histoire invitent à une éternelle paralysie de l'énergie vitale. La lecture de cet autre passage de la Seconde considération éclairera davantage le propos de Nietzsche en le plaçant aussi dans un domaine individuel plus conforme à notre programme : 

 Imaginez l'exemple le plus complet : un homme qui serait absolument dépourvu de la faculté d'oublier et qui serait condamné à voir, en toute chose, le devenir. Un tel homme ne croirait plus à son propre être, ne croirait plus en lui-même. Il verrait toutes choses se dérouler en une série de points mouvants, il se perdrait dans cette mer du devenir. En véritable élève d'Héraclite il finirait par ne plus oser lever un doigt. Toute action exige l'oubli, comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore d'obscurité. Un homme qui voudrait ne sentir que d'une façon purement historique ressemblerait à quelqu'un que l'on aurait forcé de se priver de sommeil, ou bien à un animal qui serait condamné à ruminer sans cesse les mêmes aliments. Il est donc possible de vivre sans presque se souvenir, de vivre même heureux, à l'exemple de l'animal, mais il est absolument impossible de vivre sans oublier. Si je devais m'exprimer, sur ce sujet, d'une façon plus simple encore, je dirais : il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation.
- Lire aussi un plus large extrait, que nous avons publié dans le cadre de la question "Penser l'histoire".

 

PROBLÉMATIQUE : Dans l'expérience humaine du temps, le souvenir est-il l'ennemi du bonheur ?

2) PLAN :

I - Thèse : Le passé peut gréver notre expérience du présent...

a) le souvenir entretient le regret, le remords ou le ressentiment, élans inutiles au regard de la loi du Temps qui est que tout passe inexorablement. L'oubli, au contraire, permet d'incorporer de manière fertile les leçons de l'expérience à la vie présente.
     ex : « Elle se rappelait avoir un jour jeté un shilling dans la Serpentine. Mais des souvenirs, tout le monde en a. Ce qu’elle aimait, c’était ce qu’elle avait sous les yeux, ici et maintenant ». (Mrs Dalloway, 69)

b) une certaine sagesse conseille de s'attacher au présent seul et de faire table rase de tout ce qui peut paralyser l'action présente ou les jouissances de l'instant.
     ex : Le narrateur de Sylvie reste obnubilé par les fantômes de son enfance. Pourtant lui aussi semble avide d'en secouer le joug : « Plein des idées tristes qu'amenait ce retour tardif en des lieux si aimés, je sentis le besoin de revoir Sylvie, seule figure vivante et jeune encore qui me rattachât à ce pays.» (Sylvie, IX) . Pour Clarissa, «la vie à elle seule, chaque seconde, chaque goutte de vie, l’instant présent, là, maintenant, au soleil, à Regent’s Park, cela suffisait. » (Mrs Dalloway, 165)

II - Antithèse : ...mais l'oubli compromet la cohérence de notre moi.

a) le souvenir nous rattache à notre histoire, correspond profondément au désir si humain de permanence.
     ex : Comme dans Sylvie où la chanson d'Adrienne fait entendre par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules, le chant de la mendiante chez V. Woolf semble défier le temps : « Venue du fond des âges, de l’époque où les pavés étaient de l’herbe […], la femme meurtrie […] depuis toujours se tenait là à chanter l’amour - l'amour qui dure depuis des millions d’années, elle chantait l’amour vainqueur et son amant mort depuis des siècles ». (Mrs Dalloway, 167).

b) l'individu ne peut faire table rase des leçons du passé, pas plus qu'une société, au risque d'en reproduire les erreurs.
     ex : Le narrateur de Sylvie rend ainsi hommage à Rousseau : « Voici les peupliers de l'île, et la tombe, vide de ses cendres. O sage ! tu nous avais donné le lait des forts, et nous étions trop faibles pour qu'il pût nous profiter. Nous avons oublié tes leçons que savaient nos pères, et nous avons perdu le sens de ta parole, dernier écho des sagesses antiques. » (Sylvie, IX)

III - Synthèse : Il existe une forme active d’oubli.

a) Entre la précipitation à vivre tendu vers le futur et l'apathie de celui que paralysent nostalgie ou remords, il est une autre voie :
     ex : Vivre dans le présent tout pur, répondre à une excitation par une réaction immédiate qui la prolonge, est le propre d’un animal inférieur : l’homme qui procède ainsi est un impulsif. Mais celui-là n’est guère mieux adapté à l’action qui vit dans le passé pour le plaisir d’y vivre, et chez qui les souvenirs émergent à la lumière de la conscience sans profit pour la situation actuelle : ce n’est plus un impulsif, mais un rêveur. Entre ces deux extrêmes se place l’heureuse disposition d’une mémoire assez docile pour suivre avec précision les contours de la situation présente, mais assez énergique pour résister à tout autre appel. Le bon sens, ou sens pratique, n’est vraisemblablement pas autre chose. Bergson, Matière et mémoire, ch III.

b) ainsi la durée conserve les traces du passé et effectue une synthèse nouvelle du vécu d'un individu.
     ex : « Recomposons les souvenirs », décide le narrateur de Sylvie au chapitre III, au moment où il va retrouver les êtres et les lieux de son enfance. Le passé aurait pu ici devenir projet d'existence, il se serait accompli si le narrateur n'avait été prisonnier des fantômes qui l'empêchent d'aimer les êtres de chair. Pour Bergson, « la durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs » (Essai sur les données immédiates, p. 55). Sartre montre dans L'Être et le néant que le passé est l'enjeu d'un projet d'avenir : « Ainsi tout mon passé est là, pressant, urgent, impérieux, mais je choisis son sens et les ordres qu’il me donne par le projet même de ma fin. [...] C’est le futur qui décide si le passé est vivant ou mort. Le passé, en effet, est originellement projet, comme le surgissement actuel de mon être. Et, dans la mesure même où il est projet, il est anticipation ; son sens lui vient de l’avenir qu’il pré- esquisse. Lorsque le passé glisse tout entier au passé, sa valeur absolue dépend de la confirmation ou de l’infirmation des anticipations qu’il était. Mais c’est précisément de ma liberté actuelle qu’il dépend de confirmer le sens de ces anticipations en les reprenant à son compte, c’est à dire en anticipant, à leur suite, l’avenir qu’elles anticipaient ou de les infirmer en anticipant simplement un autre avenir. En ce cas, le passé retombe comme attente désarmée et dupée ; il est sans forces. C’est que la seule force du passé lui vient du futur : de quelque manière que je vive ou que j’apprécie mon passé, je ne puis le faire qu’à la lumière de mon projet de moi sur le futur. [...] C'est le futur qui décide si le passé est vivant ou mort.»
 

  Le rêve est-il pour cela l'état où se conjuguent le mieux ces phénomènes de la vie psychique, qui atteste si éloquemment parfois qu'il n'y a point d'oubli ? Bergson note : « L’imagination du rêveur, isolée du monde externe, reproduit sur de simples images et parodie à sa manière le travail qui se poursuit sans cesse, sur des idées, dans les régions plus profondes de la vie intellectuelle. » Propos auxquels font écho ceux-ci dans Sylvie : « Cet état, où l'esprit résiste encore aux bizarres combinaisons du songe, permet souvent de voir se presser en quelques minutes les tableaux les plus saillants d'une longue période de la vie.» Ne résistons pas à l'idée de leur adjoindre cette réaction de Septimus à un mot de Rezia (Mrs Dalloway, 152) : « Il est temps » dit Rezia. Le mot « temps » brisa sa coque ; répandit sur lui ses richesses ; et ses lèvres tombèrent comme des coquillages; comme les copeaux d’un rabot, sans qu’il ait à les former, des mots durs, blancs, impérissables, qui s’envolèrent pour aller s’attacher, chacun à sa place, au sein d’une ode au temps, une ode immortelle adressée au temps. »