Antilles-Guyane - Séries technologiques - Juin 1997
Pierre Py, Le tourisme, un phénomène économique (1996).

     Le tourisme a longtemps été empreint d'une connotation futile, comme en témoigne l'emploi du mot touriste au sens figuré pour désigner l'amateur non éclairé. La seule ambition de cet ouvrage était de montrer qu'il est devenu un phénomène économique doté de caractéristiques propres et qu’il occupe une place importante au sein de l'économie internationale et des économies nationales, notamment celle de la France. Les chiffres énoncés dans les pages qui précèdent ne devraient laisser aucun doute quant à son poids actuel. Il convient donc de s'interroger ici sur son avenir. Si celui-ci nous paraît largement ouvert, c’est à la double condition que le phénomène touristique s'adapte et soit maîtrisé.

     L'avenir est ouvert car le tourisme ne peut être qu'un phénomène durable. On peut certes se demander si le tourisme résistera au «choc du futur», s'il ne connaît pas un apogée qui sera suivi d'un déclin avec la disparition de la civilisation industrielle dans laquelle il s'est épanoui. La réponse dépend de la façon dont on analyse le besoin touristique. Si celui-ci n'était qu'une création purement artificielle de la «société de consommation», l'avenir du tourisme serait menacé et ses jours probablement comptés. Mais si – ce que nous croyons – le tourisme constitue une nécessité fondamentale de l'homme parce qu'il traduit un besoin d'échanges humains, de découvertes et de rupture avec les habitudes, alors il a devant lui des lendemains prometteurs.

     Mais le tourisme devra s’adapter. D'abord, parce qu'à l'instar de toute activité économique, il subit la concurrence. Celle-ci devient de plus en plus intense avec l'apparition des «nouveaux pays de vacances» (les NPVC). Or ceux-ci pourraient bien se multiplier puisque nombreux sont les pays non industrialisés qui possèdent la matière première (implantation et soleil), une main-d'œuvre bon marché et que la technologie semble plus facile à transférer dans le tourisme que dans l'industrie.

     Ensuite, parce qu'il doit faire face à l'innovation technologique. L'informatique est amenée à jouer très rapidement un rôle essentiel en matière d'information, de promotion, de communication et de commercialisation des produits. D'ores et déjà, les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières l'utilisent et des systèmes collectifs sont mis en place en reliant les agents de voyages à quelques grands serveurs. Des réseaux complets gèrent en temps réel l'information, les disponibilités, les réservations, la facturation et le paiement grâce à l'utilisation de cartes à mémoire. Quant aux équipements de transport et d'hébergement, ils utilisent des matériels et des matériaux dont l'évolution est extrêmement rapide.

     Enfin, les goûts du public se modifient et de nouvelles formes de tourisme apparaissent dont le développement des courts séjours d'agrément constitue l'exemple le plus significatif.

     Tout cela suppose une profonde adaptation de l'appareil productif du tourisme, par exemple des agences de voyages qui devraient progressivement devenir des agences de loisirs.

     Cette adaptation a d'ailleurs largement commencé avec l'apparition de produits banalisés et mieux adaptés aux goûts de la clientèle comme le souligne le développement récent et rapide de la parahôtellerie.

     Phénomène économique rentable qui nécessite d'être encouragé, le tourisme doit également être maîtrisé. Le tourisme n'est pas sociologiquement et culturellement neutre. Il implique une rencontre entre des peuples ou des sociétés différents qui peut constituer un facteur de socialisation et d'échanges mais également de troubles et de conflits. Il influence les pratiques économiques, les conditions de travail et peut façonner les pratiques sociales d'une civilisation dans ses racines les plus profondes. Le tourisme peut être également source d'acculturation1 en entraînant des nuisances ou le développement de fléaux sociaux (criminalité, drogue, alcoolisme, prostitution). Par ailleurs, le tourisme a des incidences sur l'environnement naturel et urbain. Consommateur d'espace, il peut être source de gaspillage, d'atteintes aux sites, de destruction de la faune et de la flore [...] et son développement peut avoir des effets économiques négatifs comme l'inflation.

     Tout cela entraîne des réactions de rejet. Ainsi, certaines organisations politiques basques ont dénoncé la «touristification», c'est-à-dire la part excessive accordée à cette activité économique. Si les méfaits du tourisme sur les populations réceptrices et sur l'environnement ont été souvent surestimés, ils n'en existent pas moins. De même, il est à craindre que dans certains pays ou dans certaines régions, le tourisme devienne une mono-activité économique. Ainsi, le développement du tourisme doit être strictement encadré si l'on veut éviter qu'il soit créateur de nouvelles dépendances.


1. Acculturation: changement provoqué par le contact des cultures; adaptation à une culture étrangère


QUESTIONS (10 points)

1. Quelle phrase du premier paragraphe présente à la fois la thèse et le plan du développement? (1 pt)

2. Quelles expressions reprennent, dans la suite du texte, les mots de cette phrase pour annoncer les étapes essentielles de ce développement? (3 pts)

3. Dans le deuxième paragraphe, quels sont les deux points de vue exprimés sur l’avenir du tourisme? Quels mots de liaison servent à les introduire? (3 pts)

4. Classez les différents domaines dans lesquels s’exercent les méfaits du tourisme énoncés par l’auteur. (3 pts)

TRAVAUX D'ÉCRITURE (10 points)

1. Résumez, en huit lignes environ, les paragraphes 3, 4 , 5 et 6, de «Mais le tourisme» jusqu'à «agences de loisirs». (4 pts)

2. Le tourisme «implique une rencontre entre des peuples ou des sociétés différents qui peut constituer un facteur de socialisation et d'échanges mais également de troubles et de conflits.»
Vous développerez, au choix, l’un des effets du tourisme évoqués dans cette phrase à l’aide d’arguments illustrés d’exemples. (6 pts)