Baccalauréat professionnel - Juin 1998 - Métropole
I - Louis-Antoine de BOUGAINVILLE, Voyage autour du monde, par la
frégate du roi La Boudeuse et la flûte L'Étoile,
1771.
II - Denis DIDEROT, Supplément au voyage de BOUGAINVILLE,
Écrit en 1772, paru en 1796.
TEXTE 1
Après avoir exploré l'archipel océanien, Louis-Antoine de BOUGAINVILLE relate, en 1771, ses découvertes et notamment son arrivée à Tahiti dans un ouvrage intitulé : "Voyage autour du monde, par la frégate du roi La Boudeuse et la flûte L'Étoile."
Nous courions à pleines voiles vers la terre, présentant au vent de cette baie, lorsque nous aperçûmes une pirogue qui venait du large et voguait vers la côte, se servant de sa voile et de ses pagaies. Elle nous passa de l'avant, et se joignit à une infinité d'autres qui, de toutes les parties de l'île, accouraient au-devant de nous. L'une d'elles précédait les autres ; elle était conduite par douze hommes nus qui nous présentèrent des branches de bananiers, et leurs démonstrations attestaient que c'était là le rameau d'olivier. Nous leur répondîmes par tous les signes d'amitié dont nous pûmes nous aviser ; alors ils accostèrent le navire, et l'un d'eux, remarquable par son énorme chevelure hérissée en rayons, nous offrit avec son rameau de paix un petit cochon et un régime de bananes. Nous acceptâmes son présent, qu'il attacha à une corde qu'on lui jeta ; nous lui donnâmes des bonnets et des mouchoirs, et ces premiers présents furent le gage de notre alliance avec ce peuple.
BOUGAINVILLE, Voyage autour du monde,
par la frégate du roi La Boudeuse et la flûte L'Étoile,
1771.
TEXTE 2
S'inspirant de l'ouvrage de BOUGAINVILLE, qui connaît un immense succès lors de sa parution, Denis DIDEROT imagine un " Supplément au voyage de Bougainville" dans lequel s'engage un dialogue entre un vieux chef tahitien et le navigateur séjournant avec ses hommes à Tahiti. C'est le chef tahitien qui parle.
Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos murs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu'y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras ce que tu appelles les commodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras, laisse-nous reposer : ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces hommes ; vois comme ils sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes ; vois comme elles sont droites, saines, fraîches et belles. Prends cet arc, c'est le mien ; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul. Je laboure la terre ; je grimpe la montagne ; je perce la forêt ; je parcours une lieue de la plaine en moins d'une heure. Tes jeunes compagnons ont eu peine à me suivre ; et j'ai quatre-vingt-dix ans passés.
Denis DIDEROT, Supplément au voyage de BOUGAINVILLE,
Écrit en 1772, paru en 1796.
QUESTIONS
I - Compétences de lecture (10 points)
1 - À l'aide des deux textes et des paratextes, dites dans quel extrait on trouve des personnages réels et dans quel autre des personnages fictifs. Justifiez votre réponse en identifiant qui est désigné par le pronom " nous" dans le texte 1 (ligne 1) et par les pronoms " tu " et " nous " dans le texte 2 (ligne 1). Vous pourrez vous référer aussi à d'autres indices présents dans les textes. (4 points)
2 - Quelles réponses le texte 1 apporte-t-il à la série d'interrogations formulées dans le texte 2, depuis " Tu es venu " jusqu'à " flèches de nos ennemis" (lignes 1 et 2) ? (2 points)
3 - Exposez quelle conception de la vie Diderot propose dans le texte 2 à travers les paroles du vieux chef tahitien.
II - Compétences d'écriture (10 points)
Un hebdomadaire d'informations générales a lancé une grande enquête auprès de ses jeunes lecteurs de 15 à 25 ans. La question posée par le journal est la suivante : Comment peut-on être heureux aujourd'hui ?
Dans le courrier des lecteurs vous avez lu certaines réponses qui vantent les attraits de la société de consommation. Vous n'êtes pas d'accord avec ce point de vue. Vous décidez donc d'écrire à votre tour au journal.
N. B. Afin de respecter les règles de la confidentialité, votre lettre d'une trentaine de lignes ne révélera pas votre identité.