Gustave Flaubert — L'Éducation sentimentale [1869]

Jours heureux à Auteuil

Deuxième partie — Chapitre 6 — Transcription du folio 132r

 

319

 

Bientôt il y eut dans leurs dialogues de grands intervalles de silence. Qqfois, une
sorte de pudeur sexuelle les faisait rougir l’un devant l’autre. Toutes les précautions
pr cacher leur amour le dévoilaient. & plus il devenait fort, plus leurs manières
étaient contenues. Mais par l’exercice d’un tel mensonge leur sensibilité s’exaspéra.
Ils jouissaient délicieusement de la senteur des feuilles humides. Ils souffraient du
         d’est                                  irritations
vent et du soleil, ils avaient des langueurs sans cause, des pressentiments
funèbres
sinistres. Un bruit de pas, le craquement d’une boiserie leur causait des
épouvantes, comme s’ils avaient été coupables. Cependant* ils se sentaient poussés
vers un abîme, une atmosphère orageuse les enveloppait. – et quand
                                                                              d’en cause caus
des doléances échappaient à Frédéric, elle s’accusait elle-même.
— « oui » — « je fais mal de vous recevoir. j’ai l’air d’une coquette. ne venez donc plus ! »
Alors il répétait les mêmes serments, qu’elle écoutait chaque fois avec
plaisir.
Son retour à Paris & les embarras du jour de l’an suspendirent un peu leurs
entrevues. 

[. . . ]

 

Nicole SIBIREFF