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L'Éducation sentimentale
Arnoux et les femmes

Ses rapports libres avec les femmes – Ses frasques extraconjugales
Le « protecteur » de Rosanette
 

     
Extraits de l'œuvre Édition Chapitre
Il s’avança jusqu’au bout, du côté de la cloche ; et, dans un cercle de passagers et de matelots, il vit un monsieur qui contait des galanteries à une paysanne, tout en lui maniant la croix d’or qu’elle portait sur la poitrine. 38 I, 1
Frédéric le suivit.
La conversation roula d’abord sur les différentes espèces de tabacs, puis, tout naturellement, sur les femmes. Le monsieur en bottes rouges donna des conseils au jeune homme ; il exposait des théories, narrait des anecdotes, se citait lui-même en exemple, débitant tout cela d’un ton paterne, avec une ingénuité de corruption divertissante.
38-39 I, 1
Un soir, au théâtre du Palais-Royal, il aperçut, dans une loge d’avant-scène, Arnoux près d’une femme. Était-ce elle ? L’écran de taffetas vert, tiré au bord de la loge, masquait son visage. Enfin la toile se leva ; l’écran s’abattit. C’était une longue personne, de trente ans environ, fanée, et dont les grosses lèvres découvraient, en riant, des dents splendides. Elle causait familièrement avec Arnoux et lui donnait des coups d’éventail sur les doigts. Puis une jeune fille blonde, les paupières un peu rouges comme si elle venait de pleurer, s’assit entre eux. Arnoux resta dès lors à demi penché sur son épaule, en lui tenant des discours qu’elle écoutait sans répondre. Frédéric s’ingéniait à découvrir la condition de ces femmes, modestement habillées de robes sombres, à cols plats rabattus. 60-61 I, 3
Il fut d’abord question d’une nommée Apollonie, un ancien modèle, que Burrieu prétendait avoir reconnue sur le boulevard, dans une daumont. Hussonnet expliqua cette métamorphose par la série de ses entreteneurs.
    — Comme ce gaillard-là connaît les filles de Paris ! dit Arnoux.
    — Après vous, s’il en reste, sire, répliqua le bohème, avec un salut militaire, pour imiter le grenadier offrant sa gourde à Napoléon.
69 I, 4
Arnoux dit à Pellerin de rester, et conduisit Mlle Vatnaz dans le cabinet.
    Frédéric n’entendait pas leurs paroles ; ils chuchotaient. Cependant, la voix féminine s’éleva :
    — Depuis six mois que l’affaire est faite, j’attends toujours !
    Il y eut un long silence, Mlle Vatnaz reparut. Arnoux lui avait encore promis quelque chose.
    — Oh ! oh ! plus tard, nous verrons !
    — Adieu, homme heureux ! dit-elle, en s’en allant.
71 I, 4
D’après ses manières avec Arnoux, on pouvait, selon Frédéric, la supposer sa maîtresse.
    — Ah ! bah ! il en a d’autres !
 Alors, le jeune homme, en détournant son visage qui rougissait de honte sous l’infamie de sa pensée, ajouta d’un air crâne :
    — Sa femme le lui rend, sans doute ?
    — Pas du tout ! elle est honnête !
    Frédéric eut un remords, et se montra plus assidu au journal.
73 I, 4
 Arnoux élaborait, avec son commis, des affiches monstres pour une exposition de tableaux.
    — Tiens ! qui vous ramène ?
    Cette question bien simple embarrassa Frédéric ; et, ne sachant que répondre, il demanda si l’on n’avait point trouvé par hasard son calepin, un petit calepin en cuir bleu.
    — Celui où vous mettez vos lettres de femmes ? dit Arnoux.
    Frédéric, en rougissant comme une vierge, se défendit d’une telle supposition.
    — Vos poésies, alors ? répliqua le marchand.
77 I, 4
    Au moment des liqueurs, elle disparut. La conversation devint très libre ; M. Arnoux y brilla, et Frédéric fut étonné du cynisme de ces hommes. Cependant, leur préoccupation de la femme établissait entre eux et lui comme une égalité, qui le haussait dans sa propre estime. 82 I, 4
Enfin, il tournait les talons quand il se ravisa. Cette fois, il donna un petit coup léger. La porte s’ouvrit ; et, sur le seuil, les cheveux ébouriffés, la face cramoisie et l’air maussade, Arnoux lui-même parut.
    — Tiens ! Qui diable vous amène ? Entrez !
    Il l’introduisit, non dans le boudoir ou dans sa chambre, mais dans la salle à manger, où l’on voyait sur la table une bouteille de vin de Champagne avec deux verres ; et, d’un ton brusque :
    — Vous avez quelque chose à me demander, cher ami ?
97 I, 5
 Afin de dissimuler son trouble, Frédéric marchait de droite et de gauche, dans la salle. En heurtant le pied d’une chaise, il fit tomber une ombrelle posée dessus ; le manche d’ivoire se brisa.
    — Mon Dieu ! s’écria-t-il, comme je suis chagrin d’avoir brisé l’ombrelle de Mme Arnoux.
    À ce mot, le marchand releva la tête, et eut un singulier sourire.
97 I, 5
Il avait cru reconnaître la voix d’Arnoux, avait aperçu un chapeau de femme, et il s’était enfoncé bien vite dans le bosquet à côté.
    Mlle Vatnaz se trouvait seule avec Arnoux.
    — Excusez-moi ! je vous dérange ?
    — Pas le moins du monde ! reprit le marchand.
 Frédéric, aux derniers mots de leur conversation, comprit qu’il était accouru à l’Alhambra pour entretenir Mlle Vatnaz d’une affaire urgente ; et sans doute Arnoux n’était pas complètement rassuré, car il lui dit d’un air inquiet :
    — Vous êtes bien sûre ?
    — Très sûre ! on vous aime ! Ah ! quel homme !
105 I, 5
   Et elle lui faisait la moue, en avançant ses grosses lèvres, presque sanguinolentes à force d’être rouges. Mais elle avait d’admirables yeux fauves avec des points d’or dans les prunelles, tout pleins d’esprit, d’amour et de sensualité. Ils éclairaient, comme des lampes, le teint un peu jaune de sa figure maigre. Arnoux semblait jouir de ses rebuffades. Il se pencha de son côté en lui disant :
    — Vous êtes gentille, embrassez-moi !
    Elle le prit par les deux oreilles, et le baisa sur le front.
105 I, 5
    Arnoux les regarda s’éloigner, puis, se tournant vers Frédéric :
    — Vous plairait-elle, la Vatnaz ? Au reste, vous n’êtes pas franc là-dessus ? Je crois que vous cachez vos amours ?
    Frédéric, devenu blême, jura qu’il ne cachait rien.
    — C’est qu’on ne vous connaît pas de maîtresse, reprit Arnoux.
    Frédéric eut envie de citer un nom, au hasard. Mais l’histoire pouvait lui être racontée. Il répondit qu’effectivement, il n’avait pas de maîtresse.
    Le marchand l’en blâma.
    — Ce soir, l’occasion était bonne ! Pourquoi n’avez-vous pas fait comme les autres, qui s’en vont tous avec une femme ?
    — Eh bien, et vous ? dit Frédéric, impatienté d’une telle persistance.
    — Ah ! moi ! mon petit c’est différent ! Je m’en retourne auprès de la mienne !
    Il appela un cabriolet, et disparut.
107-108 I, 5
    Il arriva dès deux heures au bureau du journal. Au lieu de l’attendre pour le mener dans sa voiture, Arnoux était parti la veille, ne résistant plus à son besoin de grand air.
    Chaque année, aux premières feuilles, durant plusieurs jours de suite, il décampait le matin, faisait de longues courses à travers champs, buvait du lait dans les fermes, batifolait avec les villageoises, s’informait des récoltes, et rapportait des pieds de salade dans son mouchoir. Enfin, réalisant un vieux rêve, il s’était acheté une maison de campagne.
112 I, 5
    Pendant que Frédéric parlait au commis, Mlle Vatnaz survint, et fut désappointée de ne pas voir Arnoux. Il resterait là-bas encore deux jours, peut-être. Le commis lui conseilla « d’y aller » ; elle ne pouvait y aller ; « d’écrire une lettre », elle avait peur que la lettre ne fût perdue. Frédéric s’offrit à la porter lui-même. Elle en fit une rapidement, et le conjura de la remettre sans témoins. 112-113 I, 5
La lettre de Mlle Vatnaz le tira de sa torpeur.
    — Diable, diable ! c’est ennuyeux ! elle a raison ; il faut que je parte.
113 I, 5
Frédéric attendit après les autres, pour offrir le sien.
    Elle l’en remercia beaucoup. Alors, il dit :
    — Mais… c’est presque une dette ! J’ai été si fâché.
    — De quoi donc ? reprit-elle. Je ne comprends pas !
    — À table ! fit Arnoux, en le saisissant par le bras.
    Puis, dans l’oreille :
    — Vous n’êtes guère malin, vous !
113-114 I, 5
Puis, la conversation ayant repris sur la peinture, on parla d’un Ruysdaël, dont Arnoux espérait des sommes considérables, et Pellerin lui demanda s’il était vrai que le fameux Saül Mathias, de Londres, fût venu, le mois passé, lui en offrir vingt-trois mille francs.
    — Rien de plus vrai !
    Et, se tournant vers Frédéric :
    — C’est même le monsieur que je promenais l’autre jour à l’Alhambra, bien malgré moi, je vous assure, car ces Anglais ne sont pas drôles !
    Frédéric, soupçonnant dans la lettre de Mlle Vatnaz quelque histoire de femme, avait admiré l’aisance du sieur Arnoux à trouver un moyen honnête de déguerpir ; mais son nouveau mensonge, absolument inutile, lui fit écarquiller les yeux.
114 I, 5
  On arriva bientôt sur le pavé. La voiture allait plus vite, les becs de gaz se multiplièrent, c’était Paris. Hussonnet, devant le Garde-Meuble, sauta du siège. Frédéric attendit pour descendre que l’on fût arrivé dans la cour ; puis il s’embusqua au coin de la rue de Choiseul, et aperçut Arnoux qui remontait lentement vers les boulevards. 118 I, 5
— Eh bien ? dit Arnoux.
    — C’est fait ! répondit-elle.
    — Ah ! merci, mon ange !
    Et il voulut l’embrasser.
    — Prends donc garde, imbécile ! tu vas gâter mon maquillage !
 Arnoux présenta Frédéric.
145 II, 1
    Mlle Vatnaz était maintenant avec Arnoux ; et, tout en riant très haut, de temps à autre, elle jetait un coup d’œil sur son amie, que M. Oudry ne perdait pas de vue.
    Puis Arnoux et la Vatnaz disparurent ; le bonhomme vint parler bas à Rosanette.
153 II, 1
   Et elle pria Frédéric d’aller voir dans la cuisine si M. Arnoux n’y était pas.
    Un bataillon de verres à moitié pleins couvrait le plancher ; et les casseroles, les marmites, la turbotière, la poêle à frire sautaient. Arnoux commandait aux domestiques en les tutoyant, battait la rémolade, goûtait les sauces, rigolait avec la bonne.
    — Bien, dit-il, avertissez-la ! je fais servir.
153 II, 1
Rosanette pencha le visage ; Frédéric, qui la voyait de profil, s’aperçut qu’elle pleurait.
    — Tiens ! qu’as-tu donc ? dit Arnoux.
    Elle haussa les épaules sans répondre.
    — Est-ce à cause de lui ? reprit-il.
    Elle étendit les bras autour de son cou, et, le baisant au front, lentement :
    — Tu sais bien que je t’aimerai toujours, mon gros. N’y pensons plus ! Allons souper !
153-154 II, 1
D’autres l’imitèrent ; les morceaux de faïence volaient comme des ardoises par un grand vent, et la Débardeuse s’écria :
    — Ne vous gênez pas ! ça ne coûte rien ! Le bourgeois qui en fabrique nous en cadote !
    Tous les yeux se portèrent sur Arnoux. Il répliqua :
    — Ah ! sur facture, permettez ! tenant, sans doute, à passer pour n’être pas, ou n’être plus l’amant de Rosanette.
155 II, 1
Mlle Vatnaz reprit :
    — Et le vieux de la Montagne, quoi de neuf ?
    Mais, d’un brusque clin d’œil, la Maréchale lui commanda de se taire ; et elle reconduisit Frédéric jusque dans l’antichambre, pour savoir s’il verrait bientôt Arnoux.
    — Priez-le donc de venir ; pas devant son épouse, bien entendu !
164 II, 2
   — Oui, voilà le cas que j’en fais maintenant ! Et Arnoux, hein ? N’est-ce pas abominable ? Il lui a tant de fois pardonné ! On n’imagine pas ses sacrifices ! Elle devrait baiser ses pieds ! Il est si généreux, si bon ! 193 II, 2
Quand les chalands furent dehors, il conta qu’il avait eu, le matin, avec sa femme, une petite altercation. Pour prévenir les observations sur la dépense, il avait affirmé que la Maréchale n’était plus sa maîtresse.
    — Je lui ai même dit que c’était la vôtre.
    Frédéric fut indigné ; mais des reproches pouvaient le trahir, il balbutia :
    — Ah ! vous avez eu tort, grand tort !
    — Qu’est-ce que ça fait ? dit Arnoux. Où est le déshonneur de passer pour son amant ? Je le suis bien, moi ! Ne seriez-vous pas flatté de l’être ?
 Avait-elle parlé ? Était-ce une allusion ? Frédéric se hâta de répondre :
    — Non ! pas du tout ! au contraire !
203 II, 3
    — Ah j’oubliais ! vous devriez…, en causant de Rosanette…, lâcher à ma femme quelque chose… je ne sais quoi, mais vous trouverez… quelque chose qui la persuade que vous êtes son amant. Je vous demande cela comme un service, hein ? 204 II, 3
La nuit était sombre, avec des rafales de vent tiède. Arnoux marchait doucement, tout en parlant des Galeries du Commerce : une suite de passages couverts qui auraient mené du boulevard Saint-Denis au Châtelet, spéculation merveilleuse, où il avait grande envie d’entrer ; et il s’arrêtait de temps à autre, pour voir aux carreaux des boutiques la figure des grisettes, puis reprenait son discours. 211 II, 3
Sénécal conta son histoire.
    — Samedi, vers neuf heures, Mme Arnoux a reçu une lettre qui l’appelait à Paris ; comme personne, par hasard, ne se trouvait là pour aller à Creil chercher une voiture, elle avait envie de m’y faire aller moi-même. J’ai refusé, car ça ne rentre pas dans mes fonctions. Elle est partie, et revenue dimanche soir. Hier matin, Arnoux tombe à la fabrique. La Bordelaise s’est plainte. Je ne sais pas ce qui se passe entre eux, mais il a levé son amende devant tout le monde. Nous avons échangé des paroles vives. Bref, il m’a donné mon compte, et me voilà !
242-243 II, 4
 Arnoux, assis à l’ombre d’un troène, fumait d’un air hilare. Il leva les yeux vers les portes des cabinets donnant toutes sur le jardin, et dit qu’il était venu là, autrefois, bien souvent.
    — Pas seul, sans doute ? répliqua le Citoyen.
    — Parbleu !
    — Quel polisson vous faites ! un homme marié !
    — Eh bien, et vous donc ! reprit Arnoux.
    Et, avec un sourire indulgent :
    — Je suis même sûr que ce gredin-là possède quelque part, une chambre où il reçoit des petites filles !
    Le Citoyen confessa que c’était vrai, par un simple haussement de sourcils. Alors, ces deux messieurs exposèrent leurs goûts : Arnoux préférait maintenant la jeunesse, les ouvrières ; Regimbart détestait « les mijaurées » et tenait avant tout au positif. La conclusion fournie par le marchand de faïence fut qu’on ne devait pas traiter les femmes sérieusement.
257 II, 4
Mme Arnoux, de son côté, devenait sombre.
    Son mari, prodiguant les extravagances, entretenait une ouvrière de la manufacture, celle qu’on appelait la Bordelaise. Mme Arnoux l’apprit elle-même à Frédéric. Il voulait tirer de là un argument « puisqu’on la trahissait ».
    — Oh ! je ne m’en trouble guère ! dit-elle.
297 II, 6
Un matin, comme il sortait de l’antichambre, il aperçut au troisième étage, dans l’escalier, le shako d’un garde national qui montait. Où allait-il donc ? Frédéric attendit. L’homme montait toujours, la tête un peu baissée : il leva les yeux. C’était le sieur Arnoux. La situation était claire. Ils rougirent en même temps, saisis par le même embarras.
    Arnoux, le premier, trouva moyen d’en sortir.
    — Elle va mieux, n’est-il pas vrai ? comme si, Rosanette étant malade, il se fût présenté pour avoir de ses nouvelles.
    Frédéric profita de cette ouverture.
    — Oui, certainement ! Sa bonne me l’a dit, du moins, voulant faire entendre qu’on ne l’avait pas reçu.
    Puis ils restèrent face à face, irrésolus l’un et l’autre, et s’observant. C’était à qui des deux ne s’en irait pas. Arnoux, encore une fois, trancha la question.
    — Ah ! bah ! je reviendrai plus tard ! Où vouliez-vous aller ? Je vous accompagne !
    Et, quand ils furent dans la rue, il causa aussi naturellement que d’habitude. Sans doute, il n’avait point le caractère jaloux, ou bien il était trop bonhomme pour se fâcher.
335 III, 1
    Les relations de Frédéric et de la Maréchale ne l’avaient point attristé ; car cette découverte l’autorisa (dans sa conscience) à supprimer la pension qu’il lui refaisait depuis le départ du Prince. Il allégua l’embarras des circonstances, gémit beaucoup, et Rosanette fut généreuse. Alors M. Arnoux se considéra comme l’amant de cœur, ce qui le rehaussait dans son estime, et le rajeunit. Ne doutant pas que Frédéric ne payât la Maréchale, il s’imaginait « faire une bonne farce », arriva même à s’en cacher, et lui laissait le champ libre quand ils se rencontraient. 336 III, 1
   — Mettez-vous près de moi, dit-il à Frédéric, tout en s’allongeant sur le lit de camp, sans ôter ses buffleteries.
    Par peur d’une alerte, en dépit du règlement, il garda même son fusil ; puis balbutia quelques mots : « Ma chérie ! mon petit ange ! », et ne tarda pas à s’endormir.
337 III, 1
Il lui demanda, seulement, comment elle avait fait la connaissance d’Arnoux.
    — Par la Vatnaz.
    — N’était-ce pas toi que j’ai vue, une fois, au Palais-Royal, avec eux deux ?
    Il cita la date précise. Rosanette fit un effort.
    — Oui, c’est vrai !… Je n’étais pas gaie dans ce temps-là !
    Mais Arnoux s’était montré excellent.
351 III, 1
 Rosanette eut l’air surprise de cette demande.
   — Mais la canaille me doit de l’argent ! N’est-ce pas abominable de le voir entretenir des gueuses ?
    Puis, avec une expression de haine triomphante :
    — Au reste, elle se moque de lui joliment ! Elle a trois autres particuliers. Tant mieux ! et qu’elle le mange jusqu’au dernier liard, j’en serai contente !
    Arnoux, en effet, se laissait exploiter par la Bordelaise, avec l’indulgence des amours séniles.
375 III,3
Arnoux avait toujours été sans conduite et sans ordre.
    — Une vraie tête de linotte ! Il brûlait la chandelle par les deux bouts ! Le cotillon l’a perdu ! Ce n’est pas lui que je plains, mais sa pauvre femme !
    Car le Citoyen admirait les femmes vertueuses, et faisait grand cas de Mme Arnoux.
    — Elle a dû joliment souffrir !
    Frédéric lui sut gré de cette sympathie ; et, comme s’il en avait reçu un service, il serra sa main avec effusion.
425 III, 5
     

Bernadette Goarant et Danielle Girard