Accueil Extraits Analyses Texte intégral
L'Éducation sentimentale
M. Dambreuse et Frédéric

Ses conseils - Ses efforts pour le faire entrer dans la Société des Houilles françaises
 

     
Extraits de l’œuvre Édition Chapitre
Le père Roque était venu lui apporter un rouleau de papiers, en le priant de les remettre lui-même chez M. Dambreuse ; et il accompagnait l’envoi d’un billet décacheté, où il présentait son jeune compatriote. 54 I, 3
Le jeune homme était troublé en allant chez eux.
    — J’aurais mieux fait de prendre mon habit. On m’invitera sans doute au bal pour la semaine prochaine ? Que va-t-on me dire ?
    L’aplomb lui revint en songeant que M. Dambreuse n’était qu’un bourgeois.
54 I, 3
Les épanchements n’étaient donc possibles avec personne et il attendait toujours l’invitation des Dambreuse.
 Au jour de l’an, il leur envoya des cartes de visite, mais il n’en reçut aucune.
58 I, 3
L’espoir d’une invitation chez les Dambreuse l’avait quitté  61 I, 4
À l’entracte suivant, comme il traversait un couloir, il les rencontra tous les deux ; sur le vague salut qu’il fit, M. Dambreuse, le reconnaissant, l’aborda et s’excusa, tout de suite, de négligences impardonnables. C’était une allusion aux cartes de visite nombreuses, envoyées d’après les conseils du clerc. Toutefois il confondait les époques, croyant que Frédéric était à sa seconde année de droit. Puis il l’envia de partir pour la campagne. Il aurait eu besoin de se reposer, mais les affaires le retenaient à Paris. 121 I, 5
On comptait sur lui, dès son retour ; M. Dambreuse le chargea de ses souvenirs pour le père Roque. 121 I, 5
Il le plaignait d’habiter une petite ville. Un jour, il raconta que M. Dambreuse avait demandé de ses nouvelles. 125 I, 6
 C’était le père Roque, seul dans sa tapissière. Il allait passer toute la journée à la Fortelle, chez M. Dambreuse, et proposa cordialement à Frédéric de l’y conduire.
 — Vous n’avez pas besoin d’invitation avec moi ; soyez sans crainte !
    Frédéric eut envie d’accepter. Mais comment expliquerait-il son séjour définitif à Nogent ? Il n’avait pas un costume d’été convenable ; enfin que dirait sa mère ? Il refusa.
128 I, 6
Rien n’était plus facile que de recommander son jeune ami au garde des sceaux. On serait trop heureux de l’avoir ; et il termina ses politesses en l’invitant à une soirée qu’il donnait dans quelques jours. 185 II, 2
M. Dambreuse le toucha au coude légèrement, et l’emmena dehors sur la terrasse.
  Il avait vu le ministre. La chose n’était pas facile. Avant d’être présenté comme auditeur au Conseil d’État, on devait subir un examen ; Frédéric, pris d’une confiance inexplicable, répondit qu’il en savait les matières.
    Le financier n’en était pas surpris, d’après tous les éloges que faisait de lui M. Roque.
190 II, 2
 — Pourquoi donc, reprit M. Dambreuse, tenez-vous au Conseil d’État ?
    Et il affirma, d’un ton de libéral, que les fonctions publiques ne menaient à rien, il en savait quelque chose ; les affaires valaient mieux. Frédéric objecta la difficulté de les apprendre.
— Ah ! bah ! en peu de temps, je vous y mettrais.
 Voulait-il l’associer à ses entreprises ?
    Le jeune homme aperçut, comme dans un éclair, une immense fortune qui allait venir.
190 II, 2
Huit jours après le bal, il avait fait une visite à M. Dambreuse. Le financier lui avait offert une vingtaine d’actions dans son entreprise de houilles ; Frédéric n’y était pas retourné.  202 II, 3
  — Mon mari, reprit-elle avec effort, m’a engagée à venir chez vous, n’osant faire cette démarche lui-même.
    — Et pourquoi ?
    — Vous connaissez M. Dambreuse, n’est-ce pas ?
    — Oui, un peu !
    — Ah ! un peu.
    Elle se taisait.
    — N’importe ! achevez.
Alors, elle conta que l’avant-veille, Arnoux n’avait pu payer quatre billets de mille francs souscrits à l’ordre du banquier, et sur lesquels il lui avait fait mettre sa signature. Elle se repentait d’avoir compromis la fortune de ses enfants. Mais tout valait mieux que le déshonneur ; et, si M. Dambreuse arrêtait les poursuites, on le payerait bientôt, certainement ; car elle allait vendre, à Chartres, une petite maison qu’elle avait.
213-234 II, 3
Frédéric n’eut pas le temps d’y réfléchir, car M. Dambreuse, dès qu’ils furent seuls :
    — Vous n’êtes pas venu chercher vos actions.
Et, sans lui permettre de s’excuser :
    — Bien ! bien !  il est juste que vous connaissiez l’affaire un peu mieux.
    Il lui offrit une cigarette et commença.
216 II, 3
On l’avait nommé directeur ; mais le temps lui manquait pour s’occuper de certains détails, de la rédaction entre autres.
    — Je suis un peu brouillé avec mes auteurs, j’ai oublié mon grec ! J’aurais besoin de quelqu’un… qui pût traduire mes idées.
    Et tout à coup :
    — Voulez-vous être cet homme-là, avec le titre de secrétaire général ?
    Frédéric ne sut que répondre.
    — Eh bien, qui vous empêche ?
    Ses fonctions se borneraient à écrire, tous les ans, un rapport pour les actionnaires. Il se trouverait en relations quotidiennes avec les hommes les plus considérables de Paris. Représentant la Compagnie près les ouvriers, il s’en ferait adorer, naturellement, ce qui lui permettrait, plus tard, de se pousser au conseil général, à la députation.
    Les oreilles de Frédéric tintaient. D’où provenait cette bienveillance ? Il se confondit en remerciements.
217 II, 3
    Mais il ne fallait point, dit le banquier, qu’il fût dépendant de personne. Le meilleur moyen, c’était de prendre des actions, « placement superbe d’ailleurs, car votre capital garantit votre position, comme votre position votre capital ».
    — À combien, environ, doit-il se monter ? dit Frédéric.
— Mon Dieu ! ce qui vous plaira, de quarante à soixante mille francs, je suppose.
    Cette somme était si minime pour M. Dambreuse et son autorité si grande, que le jeune homme se décida immédiatement à vendre une ferme. Il acceptait. M. Dambreuse fixerait un de ces jours un rendez-vous pour terminer leurs arrangements.
218 II, 3
Un matin (trois semaines après leur entrevue), M. Dambreuse lui écrivit qu’il l’attendait le jour même, dans une heure. 218 II, 3
Et M. Dambreuse, s’adressant à Frédéric, lui dit tout bas :
    — Vous n’êtes pas venu pour notre affaire.
    Frédéric allégua une maladie ; mais, sentant que l’excuse était trop bête :
    — D’ailleurs, j’ai eu besoin de mes fonds.
263 II, 4
 et M. Dambreuse, qui arrivait au même moment, ajouta :
    — Vous paraissiez même vous intéresser beaucoup à eux.
Ces derniers mots achevèrent de décontenancer Frédéric. Son trouble, que l’on voyait, pensait-il, allait confirmer les soupçons, quand M. Dambreuse lui dit de plus près, d’un ton grave :
    — Vous ne faites pas d’affaires ensemble, je suppose ?
    Il protesta par des secousses de tête multipliées, sans comprendre l’intention du capitaliste, qui voulait lui donner un conseil.
263 II, 4
Enfin, il jugea convenable de se retirer ; et, comme il s’en allait, M. Dambreuse lui dit, faisant allusion à la place de secrétaire :
    — Rien n’est terminé encore ! Mais dépêchez-vous !
265 II, 4
Comme soutien du dernier règne, il redoutait les vengeances du peuple sur ses propriétés de la Champagne, quand l’élucubration de Frédéric lui tomba dans les mains. Alors il s’imagina que son jeune ami était un personnage très influent et qu’il pourrait sinon le servir, du moins le défendre ; de sorte qu’un matin, M. Dambreuse se présenta chez lui, accompagné de Martinon.
    Cette visite n’avait pour but, dit-il, que de le voir un peu et de causer.
320 III, 1
On arriva bientôt aux élections pour l’Assemblée nationale, et aux candidats dans l’arrondissement de la Fortelle. Celui de l’opposition n’avait pas de chances.
    — Vous devriez prendre sa place ! dit M. Dambreuse.
    Frédéric se récria.
    — Eh ! pourquoi donc ? car il obtiendrait les suffrages des ultras, vu ses opinions personnelles, celui des conservateurs, à cause de sa famille.
    — Et peut-être aussi, ajouta le banquier en souriant, grâce un peu à mon influence.
320-321 III, 1
Frédéric objecta qu’il ne saurait comment s’y prendre. Rien de plus facile, en se faisant recommander aux patriotes de l’Aube par un club de la capitale. Il s’agissait de lire, non une profession de foi comme on en voyait quotidiennement, mais une exposition de principes sérieuse.
    — Apportez-moi cela ; je sais ce qui convient dans la localité ! Et vous pourriez, je vous le répète, rendre de grands services au pays, à nous tous, à moi-même.
    Par des temps pareils, on devait s’entr’aider, et, si Frédéric avait besoin de quelque chose, lui, ou ses amis…
    — Oh ! mille grâces, cher monsieur !
    — À charge de revanche, bien entendu !
    Le banquier était un brave homme, décidément.
321 III, 1
Le tout finissait par des conseils aux classes supérieures.
    « N’épargnez rien, ô riches ! donnez ! donnez ! »
    Il s’arrêta, et resta debout. Ses deux auditeurs assis ne parlaient pas ; Martinon écarquillait les yeux, M. Dambreuse était tout pâle. Enfin dissimulant son émotion sous un aigre sourire :
    — C’est parfait, votre discours !
    Et il en vanta beaucoup la forme, pour n’avoir pas à s’exprimer sur le fond.
    Cette virulence de la part d’un jeune homme inoffensif l’effrayait, surtout comme symptôme. 
323 III, 1
    Tout à coup, Frédéric aperçut, à trois pas de distance, M. Dambreuse avec Martinon ; il tourna la tête, car M. Dambreuse s’étant fait nommer représentant, il lui gardait rancune. Mais le capitaliste l’arrêta.
    — Un mot, cher monsieur ! J’ai des explications à vous fournir.
    — Je n’en demande pas.
    — De grâce ! écoutez-moi.
    Ce n’était nullement sa faute. On l’avait prié, contraint en quelque sorte. Martinon, tout de suite, appuya ses paroles : des Nogentais en députation s’étaient présentés chez lui.
    — D’ailleurs, j’ai cru être libre, du moment…
339 III, 1
et, au lieu de déplorer simplement ces deux meurtres, on discuta pour savoir lequel devait exciter la plus forte indignation. Un second parallèle vint après, celui de Lamoricière et de Cavaignac, M. Dambreuse exaltant Cavaignac et Nonancourt Lamoricière. Personne de la compagnie, sauf Arnoux, n’avait pu les voir à l’œuvre. Tous n’en formulèrent pas moins sur leurs opérations un jugement irrévocable. Frédéric s’était récusé, confessant qu’il n’avait pas pris les armes. Le diplomate et M. Dambreuse lui firent un signe de tête approbatif. En effet, avoir combattu l’émeute, c’était avoir défendu la République. Le résultat, bien que favorable, la consolidait ; et, maintenant qu’on était débarrassé des vaincus, on souhaitait l’être des vainqueurs. 367-368 III, 2
Quant à M. Dambreuse, loin de montrer de la jalousie, il entourait d’égards son jeune ami, le consultait sur différentes choses, s’inquiétait même de son avenir, si bien qu’un jour, comme on parlait du père Roque, il lui dit à l’oreille, d’un air finaud :
    — Vous avez bien fait.
382 III, 3
Trois jours après, Deslauriers reparut avec une feuille d’écriture destinée aux journaux et qui était une lettre familière, où M. Dambreuse approuvait la candidature de leur ami. Soutenue par un conservateur et prônée par un rouge, elle devait réussir. Comment le capitaliste signait-il une pareille élucubration ? L’avocat, sans le moindre embarras, de lui-même, avait été la montrer à Mme Dambreuse, qui, la trouvant fort bien, s’était chargée du reste. 392 III, 4
     

Nicole Sibireff