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L'Éducation sentimentale
M. Dambreuse et la politique
Ses engagements – Ses revirements
     
Extraits de l’œuvre Édition Chapitre
M. Dambreuse s’appelait de son vrai nom le comte d’Ambreuse ; mais, dès 1825, abandonnant peu à peu sa noblesse et son parti, il s’était tourné vers l’industrie ; et, l’oreille dans tous les bureaux, la main dans toutes les entreprises, à l’affût des bonnes occasions, subtil comme un Grec et laborieux comme un Auvergnat, il avait amassé une fortune que l’on disait considérable ; de plus, il était officier de la Légion d’honneur, membre du conseil général de l’Aube, député, pair de France un de ces jours ; complaisant du reste, il fatiguait le ministre par ses demandes continuelles de secours, de croix, de bureaux de tabac ; et, dans ses bouderies contre le pouvoir, il inclinait au centre gauche. 54 I, 3
Sa femme, la jolie Mme Dambreuse, que citaient les journaux de modes, présidait les assemblées de charité. En cajolant les duchesses, elle apaisait les rancunes du noble faubourg et laissait croire que M. Dambreuse pouvait encore se repentir et rendre des services. 54 I, 3
Il regagnait sa place, quand, au balcon, dans la première loge d’avant-scène, entrèrent une dame et un monsieur. Le mari avait un visage pâle, bordé d’un filet de barbe grise, la rosette d’officier, et cet aspect glacial qu’on attribue aux diplomates. 120 I, 5
 — Pourquoi donc, reprit M. Dambreuse, tenez-vous au Conseil d’État ?
    Et il affirma, d’un ton de libéral, que les fonctions publiques ne menaient à rien, il en savait quelque chose ; les affaires valaient mieux. Frédéric objecta la difficulté de les apprendre.
— Ah ! bah ! en peu de temps, je vous y mettrais.
 Voulait-il l’associer à ses entreprises ?
    Le jeune homme aperçut, comme dans un éclair, une immense fortune qui allait venir.
190 II, 2
Frédéric n’eut pas le temps d’y réfléchir, car M. Dambreuse, dès qu’ils furent seuls :
    — Vous n’êtes pas venu chercher vos actions.
Et, sans lui permettre de s’excuser :
    — Bien ! bien ! il est juste que vous connaissiez l’affaire un peu mieux.
    Il lui offrit une cigarette et commença.
    L’Union générale des Houilles françaises était constituée ; on n’attendait plus que l’ordonnance. Le fait seul de la fusion diminuait les frais de surveillance et de main-d’œuvre, augmentait les bénéfices. De plus, la Société imaginait une chose nouvelle, qui était d’intéresser les ouvriers à son entreprise. Elle leur bâtirait des maisons, des logements salubres ; enfin elle se constituait le fournisseur de ses employés, leur livrait tout à prix de revient.
    — Et ils gagneront, monsieur ; voilà du véritable progrès ; c’est répondre victorieusement à certaines criailleries républicaines !
216 II, 3
Nous avons dans notre conseil, — il exhiba le prospectus, — un pair de France, un savant de l’Institut, un officier supérieur du génie en retraite, des noms connus ! De pareils éléments rassurent les capitaux craintifs et appellent les capitaux intelligents ! La Compagnie aurait pour elle les commandes de l’État, puis les chemins de fer, la marine à vapeur, les établissements métallurgiques, le gaz, les cuisines bourgeoises. Ainsi nous chauffons, nous éclairons, nous pénétrons jusqu’au foyer des plus humbles ménages. 217 II, 3
Mais comment, me direz-vous, pourrons-nous assurer la vente ? Grâce à des droits protecteurs, cher monsieur, et nous les obtiendrons ; cela nous regarde ! Moi, du reste, je suis franchement prohibitionniste ! le Pays avant tout ! 217 II, 3
On l’avait nommé directeur ; mais le temps lui manquait pour s’occuper de certains détails, de la rédaction entre autres.
    — Je suis un peu brouillé avec mes auteurs, j’ai oublié mon grec ! J’aurais besoin de quelqu’un… qui pût traduire mes idées.
    Et tout à coup :
    — Voulez-vous être cet homme-là, avec le titre de secrétaire général ?
    Frédéric ne sut que répondre.
    — Eh bien, qui vous empêche ?
    Ses fonctions se borneraient à écrire, tous les ans, un rapport pour les actionnaires. Il se trouverait en relations quotidiennes avec les hommes les plus considérables de Paris. Représentant la Compagnie près les ouvriers, il s’en ferait adorer, naturellement, ce qui lui permettrait, plus tard, de se pousser au conseil général, à la députation.
    Les oreilles de Frédéric tintaient. D’où provenait cette bienveillance ? Il se confondit en remerciements.
217 II, 3
 Suivant M. Dambreuse, on n’arriverait à rien de bien sans une surabondance du capital. Donc, le seul moyen possible était de confier, « comme le voulaient, du reste, les saint-simoniens (mon Dieu, ils avaient du bon ! soyons justes envers tout le monde), de confier, dis-je, la cause du Progrès à ceux qui peuvent accroître la fortune publique ». Insensiblement on aborda les grandes exploitations industrielles, les chemins de fer, la houille. 262-263 II, 4
De tous les Français, celui qui tremblait le plus fort était M. Dambreuse. L’état nouveau des choses menaçait sa fortune, mais surtout dupait son expérience. Un système si bon, un roi si sage ! était-ce possible ! La terre allait crouler ! Dès le lendemain, il congédia trois domestiques, vendit ses chevaux, s’acheta, pour sortir dans les rues, un chapeau mou, pensa même à laisser croître sa barbe ; et il restait chez lui, prostré, se repaissant amèrement des journaux les plus hostiles à ses idées, et devenu tellement sombre, que les plaisanteries sur la pipe de Flocon n’avaient pas même la force de le faire sourire. 319-320 III, 1
Comme soutien du dernier règne, il redoutait les vengeances du peuple sur ses propriétés de la Champagne, quand l’élucubration de Frédéric lui tomba dans les mains. Alors il s’imagina que son jeune ami était un personnage très influent et qu’il pourrait sinon le servir, du moins le défendre ; de sorte qu’un matin, M. Dambreuse se présenta chez lui, accompagné de Martinon.
    Cette visite n’avait pour but, dit-il, que de le voir un peu et de causer.
320 III, 1
Somme toute, il se réjouissait des événements, et il adoptait de grand cœur « notre sublime devise : Liberté, Égalité, Fraternité, ayant toujours été républicain, au fond ». S’il votait, sous l’autre régime, avec le ministère, c’était simplement pour accélérer une chute inévitable. Il s’emporta même contre M. Guizot, « qui nous a mis dans un joli pétrin, convenons-en ! » En revanche, il admirait beaucoup Lamartine, lequel s’était montré « magnifique, ma parole d’honneur, quand, à propos du drapeau rouge… »
    — Oui ! je sais, dit Frédéric.
    Après quoi, il déclara sa sympathie pour les ouvriers.
    — Car enfin, plus ou moins, nous sommes tous ouvriers !
    Et il poussait l’impartialité jusqu’à reconnaître que Proudhon avait de la logique. « Oh ! beaucoup de logique ! diable ! » Puis, avec le détachement d’une intelligence supérieure, il causa de l’exposition de peinture, où il avait vu le tableau de Pellerin. Il trouvait cela original, bien touché.
320 III, 1
On arriva bientôt aux élections pour l’Assemblée nationale, et aux candidats dans l’arrondissement de la Fortelle. Celui de l’opposition n’avait pas de chances.
    — Vous devriez prendre sa place ! dit M. Dambreuse.
    Frédéric se récria.
    — Eh ! pourquoi donc ? car il obtiendrait les suffrages des ultras, vu ses opinions personnelles, celui des conservateurs, à cause de sa famille.
    — Et peut-être aussi, ajouta le banquier en souriant, grâce un peu à mon influence.
320-321 III, 1
Frédéric objecta qu’il ne saurait comment s’y prendre. Rien de plus facile, en se faisant recommander aux patriotes de l’Aube par un club de la capitale. Il s’agissait de lire, non une profession de foi comme on en voyait quotidiennement, mais une exposition de principes sérieuse.
    — Apportez-moi cela ; je sais ce qui convient dans la localité ! Et vous pourriez, je vous le répète, rendre de grands services au pays, à nous tous, à moi-même.
    Par des temps pareils, on devait s’entr’aider, et, si Frédéric avait besoin de quelque chose, lui, ou ses amis…
    — Oh ! mille grâces, cher monsieur !
    — À charge de revanche, bien entendu !
    Le banquier était un brave homme, décidément.
321 III, 1
Dans l’antichambre, un tableau l’arrêta, le tableau de Pellerin, posé sur une chaise, provisoirement sans doute.
    Cela représentait la République, ou le Progrès, ou la Civilisation, sous la figure de Jésus-Christ conduisant une locomotive, laquelle traversait une forêt vierge. Frédéric, après une minute de contemplation, s’écria :
    — Quelle turpitude !
    — N’est-ce pas, hein ? dit M. Dambreuse, survenu sur cette parole et s’imaginant qu’elle concernait non la peinture, mais la doctrine glorifiée par le tableau.
322 III, 1
Le tout finissait par des conseils aux classes supérieures.
    « N’épargnez rien, ô riches ! donnez ! donnez ! »
    Il s’arrêta, et resta debout. Ses deux auditeurs assis ne parlaient pas ; Martinon écarquillait les yeux, M. Dambreuse était tout pâle. Enfin dissimulant son émotion sous un aigre sourire :
    — C’est parfait, votre discours !
    Et il en vanta beaucoup la forme, pour n’avoir pas à s’exprimer sur le fond.
    Cette virulence de la part d’un jeune homme inoffensif l’effrayait, surtout comme symptôme. 
323 III, 1
Martinon tâcha de le rassurer. Le parti conservateur, d’ici peu, prendrait sa revanche, certainement ; dans plusieurs villes on avait chassé les commissaires du gouvernement provisoire : les élections n’étaient fixées qu’au 23 avril, on avait du temps ; bref, il fallait que M. Dambreuse, lui-même, se présentât dans l’Aube ; et, dès lors, Martinon ne le quitta plus, devint son secrétaire et l’entoura de soins filiaux. 323 III, 1
La misère abandonnait à eux-mêmes un nombre considérable d’ouvriers ; et ils venaient là, tous les soirs, se passer en revue sans doute, et attendre un signal. Malgré la loi contre les attroupements, ces clubs du désespoir augmentaient d’une manière effrayante, et beaucoup de bourgeois s’y rendaient quotidiennement, par bravade, par mode. 339 III, 1
    Tout à coup, Frédéric aperçut, à trois pas de distance, M. Dambreuse avec Martinon ; il tourna la tête, car M. Dambreuse s’étant fait nommer représentant, il lui gardait rancune. Mais le capitaliste l’arrêta.
    — Un mot, cher monsieur ! J’ai des explications à vous fournir.
    — Je n’en demande pas.
    — De grâce ! écoutez-moi.
    Ce n’était nullement sa faute. On l’avait prié, contraint en quelque sorte. Martinon, tout de suite, appuya ses paroles : des Nogentais en députation s’étaient présentés chez lui.
    — D’ailleurs, j’ai cru être libre, du moment…
   
On ne l’aurait pas reconnu. Depuis trois mois il criait : « Vive la République ! », et même il avait voté le bannissement des d’Orléans. Mais les concessions devaient finir. Il se montrait furieux jusqu’à porter un casse-tête dans sa poche.
    Martinon, aussi, en avait un. La magistrature n’étant plus inamovible, il s’était retiré du Parquet, si bien qu’il dépassait en violences M. Dambreuse.
340 III, 1
Le banquier haïssait particulièrement Lamartine (pour avoir soutenu Ledru-Rollin), et avec lui Pierre Leroux, Proudhon, Considérant, Lamennais, tous les cerveaux brûlés, tous les socialistes.
    — Car enfin, que veulent-ils ? On a supprimé l’octroi sur la viande et la contrainte par corps ; maintenant, on étudie le projet d’une banque hypothécaire ; l’autre jour, c’était une banque nationale ! et voilà cinq millions au budget pour les ouvriers ! Mais heureusement c’est fini, grâce à M. de Falloux Bon voyage ! qu’ils s’en aillent !
340 III, 1
Plusieurs fenêtres ne s’éclairaient pas ; des cailloux furent lancés dans leurs carreaux. M. Dambreuse jugea prudent de s’en aller. Les deux jeunes gens le reconduisirent.
    Il prévoyait de grands désastres. Le peuple, encore une fois, pouvait envahir la Chambre, et, à ce propos, il raconta comment il serait mort le 15 mai, sans le dévouement d’un garde national.
    — Mais c’est votre ami, j’oubliais ! votre ami, le fabricant de faïences, Jacques Arnoux !
341 III, 1
M. Dambreuse sortit de son cabinet avec Martinon. Elle détourna la tête, et répondit aux saluts de Pellerin qui s’avançait. L’artiste considérait les murailles, d’une façon inquiète. Le banquier le prit à part, et lui fit comprendre qu’il avait dû, pour le moment, cacher sa toile révolutionnaire.
    — Sans doute ! dit Pellerin, son échec au Club de l’Intelligence ayant modifié ses opinions.
    M. Dambreuse glissa fort poliment qu’il lui commanderait d’autres travaux.
362 III, 2
   — Bonjour, Arnoux, dit Hussonnet, qui passa lestement sur le gazon.
    Il apportait à M. Dambreuse la première feuille d’une brochure intitulée l’Hydre, le bohème défendant les intérêts d’un cercle réactionnaire, et le banquier le présenta comme tel à ses hôtes.
367 III, 2
et, au lieu de déplorer simplement ces deux meurtres, on discuta pour savoir lequel devait exciter la plus forte indignation. Un second parallèle vint après, celui de Lamoricière et de Cavaignac, M. Dambreuse exaltant Cavaignac et Nonancourt Lamoricière. Personne de la compagnie, sauf Arnoux, n’avait pu les voir à l’œuvre. Tous n’en formulèrent pas moins sur leurs opérations un jugement irrévocable. Frédéric s’était récusé, confessant qu’il n’avait pas pris les armes. Le diplomate et M. Dambreuse lui firent un signe de tête approbatif. En effet, avoir combattu l’émeute, c’était avoir défendu la République. Le résultat, bien que favorable, la consolidait ; et, maintenant qu’on était débarrassé des vaincus, on souhaitait l’être des vainqueurs. 367-368 III, 2
 Alors, Frédéric se vengea du vicomte en lui faisant accroire qu’on allait peut-être le poursuivre comme légitimiste. L’autre objectait qu’il n’avait pas bougé de sa chambre ; son adversaire accumula les chances mauvaises ; MM. Dambreuse et de Grémonville eux-mêmes s’amusaient. Puis ils complimentèrent Frédéric, tout en regrettant qu’il n’employât pas ses facultés à la défense de l’ordre ; et leur poignée de main fut cordiale ; il pouvait désormais compter sur eux. 370 III, 2
Un pareil idéal le rendait indulgent pour l’hôtel Dambreuse.
    C’était une succursale intime de la rue de Poitiers. Il y rencontra le grand M. A., l’illustre B., le profond C., l’éloquent Z., l’immense Y., les vieux ténors du centre gauche, les paladins de la droite, les burgraves du juste milieu, les éternels bonshommes de la comédie. 
383 III, 3
M. Dambreuse, tel qu’un baromètre, en exprimait constamment la dernière variation. On ne parlait pas de Lamartine sans qu’il citât ce mot d’un homme du peuple : « Assez de lyre ! », Cavaignac n’était plus, à ses yeux, qu’un traître. Le Président, qu’il avait admiré pendant trois mois, commençait à déchoir dans son estime (ne lui trouvant pas « l’énergie nécessaire ») ; et, comme il lui fallait toujours un sauveur, sa reconnaissance, depuis l’affaire du Conservatoire, appartenait à Changarnier : « Dieu merci, Changarnier… Espérons que Changarnier… Oh ! rien à craindre tant que Changarnier… ». 383-384 III, 3
Selon Frédéric, la grande masse des citoyens n’aspirait qu’au repos (il avait profité à l’hôtel Dambreuse), et toutes les chances étaient pour les conservateurs. Ce parti-là, cependant, manquait d’hommes neufs.
    — Si tu te présentais, je suis sûr…
    Il n’acheva pas. Deslauriers comprit, se passa les deux mains sur le front ; puis, tout à coup :
    — Mais toi ? Rien ne t’empêche ? Pourquoi ne serais-tu pas député ?
    Par suite d’une double élection, il y avait, dans l’Aube, une candidature vacante. M. Dambreuse, réélu à la Législative, appartenait à un autre arrondissement.
389 III, 3
    Monsieur Dambreuse, quand Deslauriers se présenta chez lui, songeait à raviver sa grande affaire de houilles. Mais cette fusion de toutes les compagnies en une seule était mal vue ; on criait au monopole, comme s’il ne fallait pas, pour de telles exploitations, d’immenses capitaux !
   Deslauriers, qui venait de lire exprès l’ouvrage de Gobet et les articles de M. Chappe dans le Journal des Mines, connaissait la question parfaitement. Il démontra que la loi de 1810 établissait au profit du concessionnaire un droit impermutable. D’ailleurs, on pouvait donner à l’entreprise une couleur démocratique : empêcher les réunions houillères était un attentat contre le principe même d’association.

    M. Dambreuse lui confia des notes pour rédiger un mémoire. 
392 III, 4
Trois jours après, Deslauriers reparut avec une feuille d’écriture destinée aux journaux et qui était une lettre familière, où M. Dambreuse approuvait la candidature de leur ami. Soutenue par un conservateur et prônée par un rouge, elle devait réussir. Comment le capitaliste signait-il une pareille élucubration ? L’avocat, sans le moindre embarras, de lui-même, avait été la montrer à Mme Dambreuse, qui, la trouvant fort bien, s’était chargée du reste. 392 III, 4
    Mais M. Dambreuse était malade. Frédéric le voyait tous les jours, sa qualité d’intime le faisait admettre près de lui.
    La révocation du général Changarnier avait ému extrêmement le capitaliste. Le soir même, il fut pris d’une grande chaleur dans la poitrine, avec une oppression à ne pouvoir se tenir couché. Des sangsues amenèrent un soulagement immédiat.
395 III, 4
 C’était jour de marché aux fleurs sur la place de la Madeleine. Il faisait un temps clair et doux ; et la brise, qui secouait un peu les baraques de toile, gonflait, par les bords, l’immense drap noir accroché sur le portail. L’écusson de M. Dambreuse, occupant un carré de velours, s’y répétait trois fois. Il était de sable au senestrochère d’or, à poing fermé, ganté d’argent, avec couronne de comte, et cette devise : Par toutes voies. 400 III, 4
Et tous profitèrent de l’occasion pour tonner contre le Socialisme, dont M. Dambreuse était mort victime. C’était le spectacle de l’anarchie et son dévouement à l’ordre qui avait abrégé ses jours. On exalta ses lumières, sa probité, sa générosité et même son mutisme comme représentant du peuple, car, s’il n’était pas orateur, il possédait en revanche ces qualités solides, mille fois préférables, etc… avec tous les mots qu’il faut dire : — « Fin prématurée, — regrets éternels ; — l’autre patrie, — adieu, ou plutôt non, au revoir ! » 402-403 III, 4
On en parla encore un peu en descendant le cimetière ; et on ne se gênait pas pour l’apprécier. Hussonnet qui devait rendre compte de l’enterrement dans les journaux, reprit même, en blague, tous les discours ; car enfin le bonhomme Dambreuse avait été un des potdevinistes les plus distingués du dernier règne.  403 III, 4
Elle lui donna même sur sa candidature d’admirables conseils.
    Le premier point était de savoir deux ou trois phrases d’économie politique. Il fallait prendre une spécialité, comme les haras, par exemple, écrire plusieurs mémoires sur une question d’intérêt local, avoir toujours à sa disposition des bureaux de poste ou de tabac, rendre une foule de petits services. M. Dambreuse s’était montré là-dessus un vrai modèle. Ainsi, une fois, à la campagne, il avait fait arrêter son char à bancs, plein d’amis, devant l’échoppe d’un savetier, avait pris pour ses hôtes douze paires de chaussures, et, pour lui des bottes épouvantables, qu’il eut même l’héroïsme de porter durant quinze jours. Cette anecdote les rendit gais.
404 III, 4
     

Danielle Girard