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Gustave Flaubert — L'Éducation sentimentale [1869]
Première rencontre avec Jacques Arnoux
Première partie, chapitre 1 — folio
28r
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3. |
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Le regard perdu dans le sillage du navire, Frédéric pensait à la chambre
au plan d’un |
| Frédéric pensait à la chambre |
qu’il occuperait là-bas, à un drame qu’il voulait faire, à des sujets de
futures
tableaux, à des aventures, à des passions possibles - & l’avenir lui
apparaissait tout confus* & magnifique, comme un gala royal – bruissant
Il trouvait cependant
au loin dans une atmosphère illuminée. Cependant il se disait que le
&
bonheur, mérité par l’excellence de son âme, tardait à venir - & se
trouvant complètement seul, (ou n’étant pas assez remarqué du
public, peut-être) il fut pris d’une longue tristesse – Puis. Il |
il feuilleta ses
croquis de voyages
dans son album
2 |
mélancoliques
se déclama tout bas des vers. Il marcha sur le pont à pas
rapides.
groupe
Il s’avança jusqu’au bout, du côté de la cloche ; & là, dans un cercle
les faisait rire & contait
de passagers & de matelots, il vit un Monsieur qui débitait des
paysanne
galanteries à une nourrice, tout en lui maniant la croix d’or
qu’elle portait sur sa poitrine – [La gde.fille un peu nigaude
rougissait & le remerciait tandis que les gens autour de lui admiraient,
en souriant, son aplomb.]
C’était un gaillard d’une quarantaine d’années, à cheveux crépus.
Sa taille robuste emplissait une jaquette de velours noir. Deux
émeraudes brillaient à sa chemise de batiste, & son large pantalon
des
blanc tombait sur d’étranges bottes, en cuir rouge, imprimé de
dessins bleus. rouge en cuir de R.
présence
La venue de Frédéric ne le dérangea pas. Il se tourna vers lui
plusieurs fois, en l’interpellant par des clins d’œil ; ensuite il
offrit des cigarres à tous ceux qui l’entouraient ; mais ennuyé
de cette compagnie, sans doute, il alla se mettre plus loin ;
& Frédéric le suivit.
La conversation roula d’abord, sur les différentes espèces
de tabacs, puis, tout naturellement, sur les femmes
devinait* à première leurs qualités intimes
en exposait
Le Monsieur aux bottes rouges avait des théories ; &
il …[illis.]…
il donna des conseils au jeune homme ; & il narrait des |
une ingénuité de
[illis.]
corruption fort
divertissante
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anecdotes, se citait lui-même en exemple, débitant tout
air convaincu
cela d’un ton paterne & convaincu, avec des locutions
de corruption
avec une ingénuité divertissante
prises à l’argot des ateliers. |
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Nicole SIBIREFF |
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