Gustave Flaubert — L'Éducation sentimentale [1869]

TROISIÈME PARTIE – Début du chapitre 5
 

Frédéric emprunte 12.000 francs à Mme Dambreuse –
Départ précipité d'Arnoux – Vengeance de Mme Dambreuse
Rupture de Frédéric avec Rosanette.

 

*423 Il fallait douze mille francs, ou bien il ne reverrait plus Mme Arnoux ; et, jusqu’à présent, un espoir invincible lui était resté. Est-ce qu’elle ne faisait pas comme la substance de son cœur, le fond même de sa vie ? Il fut pendant quelques minutes à chanceler sur le trottoir, se rongeant d’angoisses, heureux néanmoins de n’être plus chez l’autre.
    Où avoir de l’argent ? Frédéric savait par lui-même combien il est difficile d’en obtenir tout de suite, à n’importe quel prix. Une seule personne pouvait l’aider, Mme Dambreuse. Elle gardait toujours dans son secrétaire plusieurs billets de banque. Il alla chez elle ; et, d’un ton hardi :
    — As-tu douze mille francs à me prêter ?
    — Pourquoi ?
    C’était le secret d’un autre. Elle voulait le connaître. Il ne céda pas. Tous deux s’obstinaient. Enfin, elle déclara ne rien donner, avant de savoir dans quel but. Frédéric devint très rouge. Un de ses camarades avait commis un vol. La somme devait être restituée aujourd’hui même.
    — Tu l’appelles ? Son nom ? Voyons, son nom ?
    — Dussardier !
    Et il se jeta à ses genoux, en la suppliant de n’en rien dire.
    — Quelle idée as-tu de moi ? reprit Mme Dambreuse. On croirait que tu es le coupable. Finis donc tes airs tragiques ! Tiens, les voilà ! et grand bien lui fasse !
    Il courut chez Arnoux. Le marchand n’était pas dans sa boutique. Mais il logeait toujours rue Paradis, car il possédait deux domiciles.
    Rue Paradis, le portier jura que M. Arnoux était absent depuis la veille ; quant à Madame, il n’osait rien dire ; et *424 Frédéric, ayant monté l’escalier comme une flèche, colla son oreille contre la serrure. Enfin, on ouvrit. Madame était partie avec Monsieur. La bonne ignorait quand ils reviendraient ; ses gages étaient payés ; elle-même s’en allait.
    Tout à coup un craquement de porte se fit entendre.
    — Mais il y a quelqu’un ?
    — Oh ! non, monsieur ! C’est le vent.
    Alors, il se retira. N’importe, une disparition si prompte avait quelque chose d’inexplicable.
    Regimbart, étant l’intime de Mignot, pouvait peut-être l’éclairer ? Et Frédéric se fit conduire chez lui, à Montmartre, rue de l’Empereur.
    Sa maison était flanquée d’un jardinet, clos par une grille que bouchaient des plaques de fer. Un perron de trois marches relevait la façade blanche ; et en passant sur le trottoir, on apercevait les deux pièces du rez-de-chaussée, dont la première était un salon avec des robes partout sur les meubles, et la seconde l’atelier où se tenaient les ouvrières de Mme Regimbart.
    Toutes étaient convaincues que Monsieur avait de grandes occupations, de grandes relations, que c’était un homme complètement hors ligne. Quand il traversait le couloir, avec son chapeau à bords retroussés, sa longue figure sérieuse et sa redingote verte, elles en interrompaient leur besogne. D’ailleurs, il ne manquait pas de leur adresser toujours quelque mot d’encouragement, une politesse sous forme de sentence ; et, plus tard, dans leur ménage, elles se trouvaient malheureuses, parce qu’elles l’avaient gardé pour idéal.
    Aucune cependant ne l’aimait comme Mme Regimbart, petite personne intelligente, qui le faisait vivre avec son métier.
    Dès que M. Moreau eut dit son nom, elle vint prestement le recevoir, sachant par les domestiques ce qu’il était à Mme Dambreuse. Son mari « rentrait à l’instant même » ; et Frédéric tout en la suivant, admira la tenue du logis et la profusion de toile cirée qu’il y avait. Puis il attendit quelques minutes dans une manière de bureau, où le Citoyen se retirait pour penser.
    Son accueil fut moins rébarbatif que d’habitude.
    Il conta l’histoire d’Arnoux. L’ex-fabricant de faïences avait enguirlandé Mignot, un patriote, possesseur de cent actions du Siècle, en lui démontrant qu’il fallait, au point de vue démocratique, changer la gérance et la *425 rédaction du journal ; et, sous prétexte de faire triompher son avis dans la prochaine assemblée des actionnaires, il lui avait demandé cinquante actions, en disant qu’il les repasserait à des amis sûrs, lesquels appuieraient son vote ; Mignot n’aurait aucune responsabilité, ne se fâcherait avec personne ; puis, le succès obtenu, il lui ferait avoir dans l’administration une bonne place, de cinq à six mille francs pour le moins. Les actions avaient été livrées. Mais Arnoux, tout de suite, les avait vendues ; et, avec l’argent, s’était associé à un marchand d’objets religieux. Là-dessus, réclamations de Mignot, lanternements d’Arnoux ; enfin, le patriote l’avait menacé d’une plainte en escroquerie, s’il ne restituait ses titres ou la somme équivalente : cinquante mille francs.
    Frédéric eut l’air désespéré.
    — Ce n’est pas tout, dit le Citoyen. Mignot, qui est un brave homme, s’est rabattu sur le quart. Nouvelles promesses de l’autre, nouvelles farces naturellement. Bref, avant-hier matin, Mignot l’a sommé d’avoir à lui rendre, dans les vingt-quatre heures, sans préjudice du reste, douze mille francs.
    — Mais je les ai ! dit Frédéric.
    Le Citoyen se retourna lentement :
    — Blagueur !
    — Pardon ! ils sont dans ma poche. Je les apportais.
    — Comme vous y allez, vous ! Nom d’un petit bonhomme ! Du reste, il n’est plus temps ; la plainte est déposée, et Arnoux parti.
    — Seul ?
    — Non ! avec sa femme. On les a rencontrés à la gare du Havre.
    Frédéric pâlit extraordinairement. Mme Regimbart crut qu’il allait s’évanouir. Il se contint, et même il eut la force d’adresser deux ou trois questions sur l’aventure. Regimbart s’en attristait, tout cela en somme nuisant à la Démocratie. Arnoux avait toujours été sans conduite et sans ordre.
    — Une vraie tête de linotte ! Il brûlait la chandelle par les deux bouts ! Le cotillon l’a perdu ! Ce n’est pas lui que je plains, mais sa pauvre femme !
    Car le Citoyen admirait les femmes vertueuses, et faisait grand cas de Mme Arnoux.
    — Elle a dû joliment souffrir !
    Frédéric lui sut gré de cette sympathie ; et, comme s’il en avait reçu un service, il serra sa main avec effusion.
    *426 — As-tu fait toutes les courses nécessaires ? dit Rosanette en le revoyant.
    Il n’en avait pas eu le courage, répondit-il, et avait marché au hasard, dans les rues, pour s’étourdir.
    À huit heures, ils passèrent dans la salle à manger ; mais ils restèrent silencieux l’un devant l’autre, poussaient par intervalles un long soupir et renvoyaient leur assiette. Frédéric but de l’eau-de-vie. Il se sentait tout délabré, écrasé, anéanti, n’ayant plus conscience de rien que d’une extrême fatigue.
    Elle alla chercher le portrait. Le rouge, le jaune, le vert et l’indigo s’y heurtaient par taches violentes, en faisaient une chose hideuse, presque dérisoire.
    D’ailleurs, le petit mort était méconnaissable, maintenant. Le ton violacé de ses lèvres augmentait la blancheur de sa peau ; les narines étaient encore plus minces, les yeux plus caves ; et sa tête reposait sur un oreiller de taffetas bleu, entre des pétales de camélias, des roses d’automne et des violettes ; c’était une idée de la femme de chambre ; elles l’avaient ainsi arrangé toutes les deux, dévotement. La cheminée, couverte d’une housse en guipure, supportait des flambeaux de vermeil espacés par des bouquets de buis bénit ; aux coins, dans les deux vases, des pastilles du sérail brûlaient ; tout cela formait avec le berceau une manière de reposoir ; et Frédéric se rappela sa veillée près de M. Dambreuse.
    Tous les quarts d’heure, à peu près, Rosanette ouvrait les rideaux pour contempler son enfant. Elle l’apercevait, dans quelques mois d’ici, commençant à marcher, puis au collège au milieu de la cour, jouant aux barres ; puis à vingt ans, jeune homme ; et toutes ces images, qu’elle se créait, lui faisaient comme autant de fils qu’elle aurait perdus, l’excès de la douleur multipliant sa maternité.
    Frédéric, immobile dans l’autre fauteuil, pensait à Mme Arnoux.
    Elle était en chemin de fer, sans doute, le visage au carreau d’un wagon, et regardant la campagne s’enfuir derrière elle du côté de Paris, ou bien sur le pont d’un bateau à vapeur, comme la première fois qu’il l’avait rencontrée ; mais celui-là s’en allait indéfiniment vers des pays d’où elle ne sortirait plus. Puis il la voyait dans une chambre d’auberge, avec des malles par terre, un papier de tenture en lambeaux, la porte qui tremblait au vent. Et après ? que deviendrait-elle ? Institutrice, dame de compagnie, femme de chambre, peut-être ? *427 Elle était livrée à tous les hasards de la misère. Cette ignorance de son sort le torturait. Il aurait dû s’opposer à sa fuite ou partir derrière elle. N’était-il pas son véritable époux ? Et, en songeant qu’il ne la retrouverait jamais, que c’était bien fini, qu’elle était irrévocablement perdue, il sentait comme un déchirement de tout son être ; ses larmes accumulées depuis le matin débordèrent.
    Rosanette s’en aperçut.
    — Ah ! tu pleures comme moi ! Tu as du chagrin ?
    — Oui ! oui ! j’en ai !…
    Il la serra contre son cœur, et tous deux sanglotaient en se tenant embrassés.
    Mme Dambreuse aussi pleurait, couchée sur son lit, à plat ventre, la tête dans ses mains.
    Olympe Regimbart, étant venue le soir lui essayer sa première robe de couleur, avait conté la visite de Frédéric, et même qu’il tenait tout prêts douze mille francs destinés à M. Arnoux.
    Ainsi cet argent, son argent à elle, était pour empêcher le départ de l’autre, pour se conserver une maîtresse !
    Elle eut d’abord un accès de rage ; et elle avait résolu de le chasser comme un laquais. Des larmes abondantes la calmèrent. Il valait mieux tout renfermer, ne rien dire.
    Frédéric, le lendemain, rapporta les douze mille francs.
    Elle le pria de les garder, en cas de besoin, pour son ami, et elle l’interrogea beaucoup sur ce monsieur. Qui donc l’avait poussé à un tel abus de confiance ? Une femme, sans doute ! Les femmes vous entraînent à tous les crimes.
    Ce ton de persiflage décontenança Frédéric. Il éprouvait un grand remords de sa calomnie. Ce qui le rassurait, c’est que Mme Dambreuse ne pouvait connaître la vérité.
    Elle y mit de l’entêtement, cependant ; car, le surlendemain, elle s’informa encore de son petit camarade, puis d’un autre, de Deslauriers.
    — Est-ce un homme sûr et intelligent ?
    Frédéric le vanta.
    — Priez-le de passer à la maison un de ces matins ; je désirerais le consulter pour une affaire.
    Elle avait trouvé un rouleau de paperasses contenant des billets d’Arnoux parfaitement protestés, et sur lesquels Mme Arnoux avait mis sa signature. C’était pour ceux-là que Frédéric était venu une fois chez M. Dambreuse pendant son déjeuner ; et, bien que le capitaliste *428 n’eût pas voulu en poursuivre le recouvrement, il avait fait prononcer par le Tribunal de commerce, non seulement la condamnation d’Arnoux, mais celle de sa femme, qui l’ignorait, son mari n’ayant pas jugé convenable de l’en avertir.
    C’était une arme, cela ! Mme Dambreuse n’en doutait pas. Mais son notaire lui conseillerait peut-être l’abstention ; elle eût préféré quelqu’un d’obscur ; et elle s’était rappelé ce grand diable, à mine impudente, qui lui avait offert ses services.
    Frédéric fit naïvement sa commission.
    L’avocat fut enchanté d’être mis en rapport avec une si grande dame.
    Il accourut.
    Elle le prévint que la succession appartenait à sa nièce, motif de plus pour liquider ces créances qu’elle rembourserait, tenant à accabler les époux Martinon des meilleurs procédés.
    Deslauriers comprit qu’il y avait là-dessous un mystère ; il rêvait en considérant les billets. Le nom de Mme Arnoux, tracé par elle-même, lui remit devant les yeux toute sa personne et l’outrage qu’il en avait reçu. Puisque la vengeance s’offrait, pourquoi ne pas la saisir ?
    Il conseilla donc à Mme Dambreuse de faire vendre aux enchères les créances désespérées qui dépendaient de la succession. Un homme de paille les rachèterait en sous-main et exercerait les poursuites. Il se chargeait de fournir cet homme-là.
    Vers la fin du mois de novembre, Frédéric, en passant dans la rue de Mme Arnoux, leva les yeux vers ses fenêtres, et aperçut contre la porte une affiche, où il y avait en grosses lettres :
    « Vente d’un riche mobilier, consistant en batterie de cuisine, linge de corps et de table, chemises, dentelles, jupons, pantalons, cachemires français et de l’Inde, piano d’Érard, deux bahuts de chêne Renaissance, miroirs de Venise, poteries de Chine et du Japon. »
    « C’est leur mobilier ! » se dit Frédéric ; et le portier confirma ses soupçons.
    Quant à la personne qui faisait vendre, il l’ignorait. Mais le commissaire-priseur, Me Berthelmot, donnerait peut-être des éclaircissements.
    L’officier ministériel ne voulut point, tout d’abord, dire quel créancier poursuivait la vente. Frédéric insista. C’était un sieur Sénécal, agent d’affaires ; et *429 Me Berthelmot poussa même la complaisance jusqu’à prêter son journal des Petites-Affiches.
    Frédéric, en arrivant chez Rosanette, le jeta sur la table tout ouvert.
    — Lis donc !
    — Eh bien, quoi ? dit-elle, avec une figure tellement placide qu’il en fut révolté.
    — Ah ! garde ton innocence !
    — Je ne comprends pas.
    — C’est toi qui fais vendre Mme Arnoux ?
    Elle relut l’annonce.
    — Où est son nom ?
    — Eh ! c’est son mobilier ! Tu le sais mieux que moi !
    — Qu’est-ce que ça me fait ? dit Rosanette en haussant les épaules.
    — Ce que ça te fait ? Mais tu te venges, voilà tout ! C’est la suite de tes persécutions ! Est-ce que tu ne l’as pas outragée jusqu’à venir chez elle ! Toi, une fille de rien. La femme la plus sainte, la plus charmante et la meilleure ! Pourquoi t’acharnes-tu à la ruiner ?
    — Tu te trompes, je t’assure !
    — Allons donc ! Comme si tu n’avais pas mis Sénécal en avant !
    — Quelle bêtise !
    Alors, une fureur l’emporta.
    — Tu mens ! tu mens, misérable ! Tu es jalouse d’elle ! Tu possèdes une condamnation contre son mari ! Sénécal s’est déjà mêlé de tes affaires ! Il déteste Arnoux, vos deux haines s’entendent. J’ai vu sa joie quand tu as gagné ton procès pour le kaolin. Le nieras-tu, celui-là ?
    — Je te donne ma parole…
    — Oh ! je la connais, ta parole !
    Et Frédéric lui rappela ses amants par leurs noms, avec des détails circonstanciés. Rosanette, toute pâlissante, se reculait.
    — Cela t’étonne ! Tu me croyais aveugle parce que je fermais les yeux. J’en ai assez, aujourd’hui ! On ne meurt pas pour les trahisons d’une femme de ton espèce. Quand elles deviennent trop monstrueuses, on s’en écarte ; ce serait se dégrader que de les punir !
    Elle se tordait les bras.
    — Mon Dieu, qu’est-ce donc qui l’a changé ?
    — Pas d’autres que toi-même !
    — Et tout cela, pour Mme Arnoux !… s’écria Rosanette en pleurant.
    *430 Il reprit froidement :
    — Je n’ai jamais aimé qu’elle !
    À cette insulte, ses larmes s’arrêtèrent.
    — Ça prouve ton bon goût ! Une personne d’un âge mûr, le teint couleur de réglisse, la taille épaisse, des yeux grands comme des soupiraux de cave, et vides comme eux ! Puisque ça te plaît, va la rejoindre
    — C’est ce que j’attendais ! Merci !
    Rosanette demeura immobile, stupéfiée par ces façons extraordinaires. Elle laissa même la porte se refermer ; puis, d’un bond, elle le rattrapa dans l’antichambre, et, l’entourant de ses bras :
    — Mais tu es fou ! tu es fou ! c’est absurde ! je t’aime !
    Elle le suppliait :
    — Mon Dieu, au nom de notre petit enfant !
    — Avoue que c’est toi qui as fait le coup ! dit Frédéric.
    Elle protesta encore de son innocence.
    — Tu ne veux pas avouer ?
    — Non !
    — Eh bien, adieu ! et pour toujours !
    — Écoute-moi !
    Frédéric se retourna.
    — Si tu me connaissais mieux, tu saurais que ma décision est irrévocable !
    — Oh ! oh ! tu me reviendras !
    — Jamais de la vie !
    Et il fit claquer la porte violemment.
    Rosanette écrivit à Deslauriers qu’elle avait besoin de lui tout de suite.
    Il arriva cinq jours après, un soir ; et, quand elle eut conté sa rupture :
    — Ce n’est que ça ? Beau malheur !
    Elle avait cru d’abord qu’il pourrait lui ramener Frédéric ; mais, à présent, tout était perdu. Elle avait appris, par son portier, son prochain mariage avec Mme Dambreuse.
    Deslauriers lui fit de la morale, se montra même singulièrement gai, farceur ; et, comme il était fort tard, demanda la permission de passer la nuit sur un fauteuil. Puis, le lendemain matin, il repartit pour Nogent, en la prévenant qu’il ne savait pas quand ils se reverraient ; d’ici à peu, il y aurait peut-être un grand changement dans sa vie.
    Deux heures après son retour, la ville était en révolution. On disait que M. Frédéric allait épouser *431 Mme Dambreuse. Enfin, les trois demoiselles Auger, n’y tenant plus, se transportèrent chez Mme Moreau, qui confirma cette nouvelle avec orgueil. Le père Roque en fut malade. Louise s’enferma. Le bruit courut même qu’elle était folle.
    Cependant, Frédéric ne pouvait cacher sa tristesse. Mme Dambreuse, pour l’en distraire sans doute, redoublait d’attentions. Toutes les après-midi, elle le promenait dans sa voiture ; et, une fois qu’ils passaient sur la place de la Bourse, elle eut l’idée d’entrer dans l’hôtel des commissaires-priseurs, par amusement.
    C’était le 1er décembre, jour même où devait se faire la vente de Mme Arnoux. Il se rappela la date, et manifesta sa répugnance, en déclarant ce lieu intolérable, à cause de la foule et du bruit. Elle désirait y jeter un coup d’œil seulement. Le coupé s’arrêta. Il fallait bien la suivre. [...]