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L'Éducation sentimentale
Le personnage d'Oudry
     
Extraits de l'œuvre Édition Chapitre
     
Sa voix, passant par la jalousie, coupait le grand silence, et montait vers le ciel bleu.
Elle cessa tout à coup, quand M. et Mme Oudry, deux voisins, se présentèrent.
113 I, 5
Ensuite, il fut question des embellissements de la capitale, des quartiers nouveaux, et le bonhomme Oudry vint à citer, parmi les grands spéculateurs, M. Dambreuse. 115 I, 5
Arnoux causait jardinage avec Mme Oudry ; Sombaz, loustic de la vieille école, s’amusait à blaguer son époux ; il l’appelait Odry, comme l’acteur, déclara qu’il devait descendre d’Oudry, le peintre des chiens, car la bosse des animaux était visible sur son front. Il voulut même lui tâter le crâne, l’autre s’en défendait à cause de sa perruque ; et le dessert finit avec des éclats de rire. 115 I, 5
Entre deux quadrilles, Rosanette se dirigea vers la cheminée, où était installé, dans un fauteuil, un petit vieillard replet, en habit marron, à boutons d’or. Malgré ses joues flétries qui tombaient sur sa haute cravate blanche, ses cheveux encore blonds, et frisés naturellement comme les poils d’un caniche, lui donnaient quelque chose de folâtre.
    Elle l’écouta, penchée vers son visage. Ensuite, elle lui accommoda un verre de sirop ; et rien n’était mignon comme ses mains sous leurs manches de dentelles qui dépassaient les parements de l’habit vert. Quand le bonhomme eut bu, il les baisa.
    — Mais c’est M. Oudry, le voisin d’Arnoux !— Il l’a perdu ! dit en riant Pellerin.
150 II, 1
C’était Arnoux qui l’avait fabriqué ; et, suivi par le groom du comte portant un plateau vide, il l’offrait aux personnes avec satisfaction.
    Quand il vint à passer devant M. Oudry, Rosanette l’arrêta.
    — Eh bien, et cette affaire ?
Il rougit quelque peu ; enfin, s’adressant au bonhomme :
    — Notre amie m’a dit que vous auriez l’obligeance…
    — Comment donc, mon voisin ! tout à vous.
152 II, 1
Mlle Vatnaz était maintenant avec Arnoux ; et, tout en riant très haut, de temps à autre, elle jetait un coup d’œil sur son amie, que M. Oudry ne perdait pas de vue.
    Puis Arnoux et la Vatnaz disparurent ; le bonhomme vint parler bas à Rosanette.
 — Eh bien, oui, c’est convenu ! Laissez-moi tranquille.
153 II, 1
Avec un froufrou d’étoffes, les femmes, tassant leurs jupes, leurs manches et leurs écharpes, s’assirent les unes près des autres ; les hommes, debout, s’établirent dans les angles. Pellerin et M. Oudry furent placés près de Rosanette ; Arnoux était en face. Palazot et son amie venaient de partir. 154 II, 1
Les vins circulaient, les plats se succédaient, le docteur découpait. On se lançait de loin une orange, un bouchon ; on quittait sa place pour causer avec quelqu’un. Souvent Rosanette se tournait vers Delmar, immobile derrière elle ; Pellerin bavardait, M. Oudry souriait. Souvent Rosanette se tournait vers Delmar, immobile derrière elle ; Pellerin bavardait, M. Oudry souriait. 154 II, 1
Rosanette courut dans sa chambre pour le chercher, et, comme l’autre la suivait, elle lui ferma la porte au nez, vivement.
Le Turc observa, tout haut, qu’on n’avait pas vu sortir M. Oudry. Aucun ne releva cette malice, tant on était fatigué.
157 II, 1
 Arnoux et Frédéric s’en revinrent ensemble, comme ils étaient venus. Le marchand de faïence avait un air tellement sombre, que son compagnon le crut indisposé.
    — Moi ? pas du tout !
    Il se mordait la moustache, fronçait les sourcils, et Frédéric lui demanda si ce n’était pas ses affaires qui le tourmentaient.
    — Nullement !
    Puis tout à coup :
    — Vous le connaissiez, n’est-ce pas, le père Oudry ?
    Et, avec une expression de rancune :
    — Il est riche, le vieux gredin !
158 II, 1
Mlle Vatnaz reprit :
    — Et le vieux de la Montagne, quoi de neuf ?
    Mais, d’un brusque clin d’œil, la Maréchale lui commanda de se taire ; et elle reconduisit Frédéric jusque dans l’antichambre, pour savoir s’il verrait bientôt Arnoux.
    — Priez-le donc de venir ; pas devant son épouse, bien entendu !
164 II, 2
Arnoux parla de choses indifférentes, puis avertit sa femme qu’il rentrerait fort tard, ayant un rendez-vous avec M. Oudry.
    — Chez lui ?
    — Mais certainement, chez lui.
    Il avoua, tout en descendant l’escalier, que, la Maréchale se trouvant libre, ils allaient faire ensemble une partie fine au Moulin-Rouge ; et, comme il lui fallait toujours quelqu’un pour recevoir ses épanchements, il se fit conduire par Frédéric jusqu’à la porte.
173 II, 2
Au lieu d’entrer, il se promena sur le trottoir, en observant les fenêtres du second étage. Tout à coup les rideaux s’écartèrent.
    — Ah ! bravo ! le père Oudry n’y est plus. Bonsoir !
    C’était donc le père Oudry qui l’entretenait ? Frédéric ne savait que penser maintenant.
173 II, 2
Un jour, cependant, elle dit, en parlant de lui :
    — Ah ! il m’embête, à la fin ! J’en ai assez ! Ma foi, tant pis, j’en trouverai un autre !
    Frédéric croyait « l’autre » déjà trouvé et qu’il s’appelait M. Oudry.
 — Eh bien, dit Rosanette, qu’est-ce que cela fait ?
175 II, 2
Les flatteries de Pellerin lui revenant sans doute à la mémoire, elle poussa un soupir.
    — Ah ! il y en a qui sont heureuses ! Je suis faite pour un homme riche, décidément.
    Il répliqua d’un ton brutal :
— Vous en avez un, cependant ! — car M. Oudry passait pour trois fois millionnaire.
    Elle ne demandait pas mieux que de s’en débarrasser.
    — Qui vous en empêche ?
181 II, 2
Le banquier, comme la première fois, était assis à son bureau, et d’un geste le pria d’attendre quelques minutes,  car un monsieur tournant le dos à la porte, l’entretenait de matières graves. Il s’agissait de charbons de terre et d’une fusion à opérer entre diverses compagnies. 184 II, 2
Frédéric observa surtout deux coffres monstrueux, dressés dans les encoignures. Il se demandait combien de millions y pouvaient tenir. Le banquier en ouvrit un, et la planche de fer tourna, ne laissant voir à l’intérieur que des cahiers de papier bleu.
    Enfin l’individu passa devant Frédéric. C’était le père Oudry. Tous deux se saluèrent en rougissant, ce qui parut étonner M. Dambreuse.
185 II, 2
Arnoux gardait la note entre ses mains, et la retournait, n’en détachant pas les yeux comme s’il avait dû y découvrir la solution d’un grand problème.
    — Oh ! oui, oui, je me rappelle, dit-il enfin. C’est une commission. — Vous devez savoir cela, vous. Frédéric ?
    Frédéric se taisait.
    — Une commission dont j’étais chargé… par… par le père Oudry.
    — Et pour qui ?
    — Pour sa maîtresse.
    — Pour la vôtre ! s’écria Mme Arnoux, se levant toute droite.
195 II, 2
Voilà ce que c’est que d’être trop bon ! Si je n’avais pas donné ce maudit châle à Rosanette !
    — Ne regrettez rien ! Elle vous est on ne peut plus reconnaissante !
    — Vous croyez ?
    Frédéric n’en doutait pas. La preuve, c’est qu’elle venait de congédier le père Oudry.
197 II, 2
On disait : « Notre Delmar. » Il avait une mission, il devenait Christ.
Tout cela avait fasciné Rosanette ; et elle s’était débarrassée du père Oudry, sans se soucier de rien, n’étant pas cupide.
203 II, 3
M. Dambreuse invita son jeune ami à prendre place au milieu d’eux, et, sur son refus :
    — À quoi puis-je vous être bon ? Je vous écoute.
    Frédéric avoua, en affectant de l’indifférence, qu’il venait faire une requête pour un certain Arnoux.
    — Ah ! ah ! l’ancien marchand de tableaux, dit le banquier, avec un rire muet découvrant ses gencives. Oudry le garantissait, autrefois ; on s’est fâché.
215 II, 3
Frédéric, le matin de ce jour-là, reçut une notification d’huissier, où M. Charles-Jean-Baptiste Oudry lui apprenait qu’aux termes d’un jugement du tribunal, il s’était rendu acquéreur d’une propriété sise à Belleville appartenant au sieur Jacques Arnoux, et qu’il était prêt à payer les deux cent vingt-trois mille francs montant du prix de la vente. Mais il résultait du même acte que, la somme des hypothèques dont l’immeuble était grevé dépassant le prix de l’acquisition, la créance de Frédéric se trouvait complètement perdue. 244 II, 4
 — À propos, l’autre jour, dans une boutique, j’ai rencontré cette bonne Maréchale, tenant par la main un petit garçon qu’elle a adopté. Elle est veuve d’un certain M. Oudry, et très grosse maintenant, énorme. Quelle décadence ! Elle qui avait autrefois la taille si mince.
    Deslauriers ne cacha pas qu’il avait profité de son désespoir pour s’en assurer par lui-même.
443 III, 7
     

Bernadette Goarant