L'ANIMAL ET L'HOMME
DISSERTATIONS

 

 

EXEMPLE 1

« Il demeure que l'homme, en société, actualise des possibilités qui le différencient sans conteste de l'animal supérieur. »
  Cette différence entre l'homme et l'animal, rappelée par Lucien Malson (Les Enfants sauvages) vous paraît-elle entièrement acceptable ?

Mise en place du sujet :

- les mots-clés : On prendra garde à la mention "en société", qui situe la différenciation entre l'homme et l'animal au niveau du comportement social. Alors que celui-ci évolue invariablement dans un milieu, l'homme s'approprie un univers, dont il fait varier librement les principes et les valeurs, pour lequel il recherche des perfectionnements, etc.  C'est ce qu'il faut entendre par l'expression "actualise des possibilités" : quand l'animal reste confiné dans le présent, l'homme ajuste, prévoit, imagine. Cette spécificité de l'homme est la moins contestable sans doute, mais le sujet vous invite néanmoins à l'examiner pour l'affiner, la nuancer, à l'intérieur d'un plan dialectique.
- la problématique peut être formulée autour de la question posée : à quelles conditions la socialisation de l'homme suffit-elle à le distinguer de l'animal ?

Arguments et exemples à utiliser :

Aidez-vous des éléments suivants (des citations, utilisables dans l'une ou l'autre des trois parties, vous sont fournies dans le désordre) pour construire un plan :

CITATIONS

1. La bête n'a pas dans sa nature de quoi devenir homme, comme l'Ange n'a pas dans sa nature de quoi devenir Dieu. […] Dans les bêtes l'entendement et la volonté ne comprennent que les opérations dont leur âme se fait une habitude; dans l'homme, ces facultés s'étendent.
Condillac, Traité des animaux.

2. Il n'est pas de trait proprement humain qui n'ait une source biologique : nous portons tous l'héritage de notre passé animal dans notre jouer, dans notre jouir, dans notre aimer, dans notre chercher - pas seulement dans la territorialité et l'agression .
Edgar Morin, L'unidualité de l'homme.

3. L'homme antique, comme le définit Aristote, apparaît ainsi qu'un être ou un «animal civique». On diminue grandement la portée de la définition en traduisant zoon politikon par «animal social». L'animal aussi est social, mais l'homme, seul, est politique.
M. Prélot, La Science politique

4. La présomption est notre maladie naturelle et originelle. C'est par la vanité de cette même imagination que l'homme s'égale à Dieu, qu'il s'attribue les conditions divines, qu'il se trie soi-même et sépare de la presse des autres créatures, taille les parts aux animaux ses confrères et compagnons, et leur distribue telle portion de facultés et de forces que bon lui semble.
Montaigne, Apologie de Raymond Sebond.

5. Mien, tien. Ce chien est à moi disaient ces pauvres enfants. C'est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre.
Pascal, Pensées.

6. Je définis la cour un pays où les gens,
Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents,
Sont ce qu’il plaît au prince, ou, s’ils ne peuvent l’être,
Tâchent au moins de le paraître :
Peuple caméléon, peuple singe du maître ;
On dirait qu’un esprit anime mille corps :
C’est bien là que les gens sont de simples ressorts.
La Fontaine, Les Obsèques de la Lionne, (Fables, VIII, XIV.)

7. Nous sommes entièrement semblables aux bêtes par le corps et toute la différence qu’il y a entre nous et elles c’est que nous avons une âme et qu’elles n’en ont pas. […] Ainsi dans les animaux il n'y a ni intelligence ni âme : ils mangent sans plaisir, crient sans douleur, […] ils ne désirent rien, ne craignent rien.
Malebranche, De la recherche de la vérité.

8. La Déclaration des droits de l'homme a eu le mérite de dire « tout homme », elle a eu la faiblesse de penser : « seuls les hommes » ou « les hommes seuls ».
Michel Serres, Le contrat naturel.

9. J'ose presque dire que l'état de réflexion est un état contre nature et que l'homme qui médite est un animal dépravé.
Rousseau, Discours sur l’inégalité.

10. L'homme seul, malgré sa raison, fait ce que les animaux sans raison ne firent jamais.
Fénelon, Les Aventures de Télémaque.

11. Tout est en un flux perpétuel. (...) Tout animal est plus ou moins homme; tout minéral est plus ou moins plante; toute plante est plus ou moins animal. Il n'y a rien de précis en nature.
Diderot, Le Rêve de d'Alembert.

12. Les bêtes n'ont aucun moyen pour se faire une idée du juste et de l'injuste.
Condillac, Traité des animaux.

13. Qu'est-ce qu'un cœur compatissant ? C'est un cœur qui brûle pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes.
Isaac le Syrien, Traités Spirituels.

14. Le chien apprend à aimer ; il enseigne l'amitié à l'homme !
Lamartine, Discours au Conseil Général de Saône-et-Loire.

15. Le tableau de la nature ne m'offrait qu'harmonie et proportions, celui du genre humain ne m'offre que confusion, désordre ! Le concert règne entre les éléments, et les hommes sont dans le chaos ! Les animaux sont heureux, leur roi seul est misérable !
Rousseau, Émile, IV.

16. Les animaux sont une minorité à émanciper.
P. Singer, La Libération animale.

17. Il y a plus de distance de tel homme à tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle bête. Montaigne, Essais, I.

18. La monstrueuse mobilité des hommes sur le grand désert terrestre, les villes et les États qu'ils fondent, leurs guerres, leur activité incessante d'accumulation et de dépense, leur cohue, leur façon d'apprendre les uns des autres, de se tromper, de se piétiner mutuellement, leurs cris dans la détresse, leurs clameurs dans la victoire - tout cela est le prolongement de l'animalité.
F. Nietzsche, Considérations inactuelles.

 

Organisation du plan :

I - Thèse : L'homme épanouit en société des aptitudes qui le distinguent de l'animal...

    - à la différence de l'animal, la vocation de l'homme est de s'épanouir en société :
     
►citation n° 3.
    - quand, jusque dans son organisation sociale, l'animal reste soumis aux lois de l'instinct, la société permet à l'homme d'enrichir le clavier de ses aptitudes :
     
►citations n° 1, 7.
    - la réflexion éthique, l'ajustement des lois aux conditions et aux milieux montrent comment la vie sociale permet à l'homme d'échapper aux déterminismes naturels :
     
►citation n° 12.

II - Antithèse : ... mais la vie sociale laisse parfois douter de « l'humanité de l'homme » ...

    - l'homme s'est installé en souverain de la Création, au détriment de la vie universelle :
       ►citations n° 2, 4, 5, 11.
    - la société humaine n'a pas aboli la loi du plus fort et l'homme y manifeste des pulsions animales :
       ►citations n° 6, 15, 18.
    - l'homme s'y révèle parfois moins qu'un animal :
       ►citations n° 9, 10.

III - Synthèse : ... ainsi, dans la société, l'homme doit continuer à mériter ce titre.

    - par son aptitude à la pitié :
        ►citation n° 13.
    - par son acceptation fraternelle de l'animal :
        ►citations n° 8, 17
.
    - par la conscience des responsabilités que lui donnent ses privilèges mêmes :
        ►citations n° 14, 16
.

 

 

EXEMPLE 2

  « On peut repérer dans la modernité et dans la post-modernité une fascination pour l'animalité de l'homme qui passe pourrait-on dire en contrebande. Elle est même souvent répercutée, colportée avec une espèce de joie sans que nous nous rendions compte à quel point elle est porteuse d'un anti-humanisme redoutable. »
Jean-Claude Guillebaud,
L'humanité de l'homme, un concept en péril .

  Dans quelle mesure les œuvres au programme permettent-elles de vérifier cette affirmation ?

Mise en place du sujet :

- les mots-clés : On retiendra d'abord l'expression "fascination pour l'animalité de l'homme", dont il faudra donner quelques exemples. On peut penser à la contestation des sociétés marchandes qui, dès les années 60, a pris en effet l'allure d'un retour à la nature dont les formes ont pu être extrêmes. L'animal s'est paré alors de tous les prestiges, à mesure que se dénonçait plus violemment l'indignité de l'homme civilisé, devenu un monstre dans la nature. Dans son article, dont on pourra prendre connaissance dans son intégralité, J.C. Guillebaud s'en prend aussi à l'anti-spécisme et à son chef de file, Peter Singer. Il retrouve pour cela les soupçons traditionnels que l'on entretient à l'égard des écologistes, dès lors qu'on les accuse de mettre en cause au profit de l'animal les prérogatives humaines, mécanisme dont on a souligné la parenté avec certaines idéologies d'extrême-droite. C'est cette crainte qui inspire à l'auteur cette autre expression-clé d'"anti-humanisme". Derrière la volonté de maintien de la dichotomie cartésienne, on trouve donc ici une mise en cause inquiète de l'exaltation du monde animal par nos sociétés.
- la problématique : est-il dangereux de trop faire valoir à l'homme combien il est proche de l'animal ?

Arguments et exemples à utiliser :

Aidez-vous des éléments suivants (les citations fournies pour le sujet précédent sont aussi utilisables) pour étoffer ce plan :

 

Organisation du plan :

I - Thèse : Il peut être dangereux de rappeler à l'homme sa part animale ...

     - cette animalité est souvent assimilée à une bestialité primitive, dont les fonds obscurs angoissent le civilisé;
     - ce rappel est souvent guidé par une volonté de rapprochement amical entre l'homme et l'animal, toujours vouée à l'échec;
     - la réduction de l'homme à l'animal permet toutes les barbaries.

II - Antithèse : ... mais l'humanisme pourrait être aussi vivifié de ce rappel ...

     - la conscience chez l'homme d'être proche de l'animal pourrait l'aviser des dangers de sa conduite envers la nature;
     - le rapport avec l'animal révèle la nature des rapports avec l'autre;
     - la modestie, la pitié sont des valeurs dont l'humanité pourrait s'enrichir.

III - Synthèse : ... ainsi la part animale de l'homme peut être revendiquée sans danger si ...

     - l'on reconnaît à l'homme et à l'animal des natures spécifiques, sans misanthropie ni spécisme;
     - si l'homme utilise sa supériorité dans le sens d'une tutelle fraternelle et digne, dont il pourrait aussi s'enrichir;
     - si cette part animale en nous est connue et assumée.