LE TEXTE ARGUMENTATIF

 

 

 L'étude du texte argumentatif reste un aspect majeur de la préparation à l'épreuve écrite du baccalauréat : elle concerne certains objets d'étude imposés par les programmes ("La littérature d'idées et la presse du XIXème au XXIème siècle" en Seconde; "La littérature d'idées du XVIème au XVIIIème siècle" en Première). Elle entre au premier chef dans l'étude de la langue et reste bien sûr au centre de l'essai comme de la dissertation. Plus largement, la maîtrise des procédés argumentatifs est une condition essentielle de la citoyenneté, d'autant plus indispensable aujourd'hui que la profusion des discours de toutes sortes laisse croire à un exercice harmonieux de la démocratie.
  Il va sans dire que nous nous pencherons surtout ici sur les questions qui visent les compétences nécessaires aux travaux d'argumentation, c'est-à-dire l'essai et la dissertation. Nous vous proposons à cet effet une série de séquences qui ont pour but de fortifier votre connaissance et votre pratique des divers procédés familiers de la stratégie argumentative.

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S O M M A I R E
L'ÉNONCIATION
LES REGISTRES
L'ORGANISATION
EXERCICES INTERACTIFS
LA STRATÉGIE ARGUMENTATIVE
L'APOLOGUE
LA CONSOLATION
L'ORAISON FUNÈBRE

 

 

 

  Le texte argumentatif est un discours : c'est dire qu'il met en scène une situation de communication très claire dans laquelle un émetteur exprime une opinion et sollicite son récepteur pour le convaincre ou le persuader (voyez les caractères du texte argumentatif dans notre tableau des types de textes). Cependant cette sollicitation peut se révéler moins claire qu'il n'y paraît tant elle peut se manifester diversement. Ce sont ces nuances qui nourrissent principalement les questions que l'on peut vous poser.

 

 

I : l'étude des pronoms :

L'une des questions de compréhension les plus classiques porte sur le relevé des pronoms qui peuvent, à des degrés différents, révéler la présence de l'émetteur et/ou celle du récepteur.  C'est à ce premier travail que nous nous consacrons, à la faveur du texte suivant :

Fontenelle, La dent d'or (Histoire des Oracles, 1686)

  Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.
  Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d'Allemagne que je ne puis m'empêcher d'en parler ici.

  En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, âgé de sept ans, il lui en était venu une d'or à la place d'une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l'université de Helmstadt, écrivit en 1595 l'histoire de cette dent, et prétendit qu'elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant, pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens ni au Turcs. En la même année, afin que cette dent d'or ne manquât pas d'historiens, Rullandus en écrit encore l'histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or. Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva que c'était une feuille d'or appliquée à la dent, avec beaucoup d'adresse ; mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre.
  Rien n'est plus naturel que d'en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que, non seulement nous n'avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très bien avec le faux.

 

  Il est rare qu'à l'examen une question invite à analyser la valeur de tous les pronoms. Mais prenez l'habitude de vous y intéresser, tant il est vrai que les questions "qui parle ? à qui ?" sont essentielles devant un texte argumentatif.
  Aucune des questions de compréhension ne doit être traitée comme un pur et simple relevé. Il vous faudra éviter par-dessus tout le balayage linéaire des indices et opérer un classement méthodique qu'il faudra rédiger soigneusement (pas de tableau !).

  • Commencez par vous intéresser, dans le texte de Fontenelle, aux pronoms de la présence (ils désignent l'émetteur et le récepteur, présents à la situation de communication : je, vous, nous). Interrogez-vous sur la fréquence du je. Qui représente-t-il ? Pourquoi cette relative rareté ? Pourquoi l'auteur lui préfère-t-il le nous ? Qui ce dernier pronom représente-t-il ? Le vous reste très rare, mais son occurrence ("Figurez-vous") crée une relation de complicité avec le lecteur. Quel est son intérêt ?

  • Poursuivez votre examen par les pronoms de l'absence (non pas tous les ils ou elles du texte, mais les pronoms qui désignent les personnes dont on parle, par exemple un représentant de la thèse adverse). Parmi ces pronoms, le pronom indéfini on est le plus intéressant. Montrez qu'il peut être à la fois pronom de la présence et de l'absence. Dans le texte de Fontenelle, quel est son cas ? Montrez qu'il prend une valeur péjorative.

Prenez l'habitude de faire un petit bilan de votre étude de la situation de communication. Parfois les questions y invitent. Ici on conclurait sans doute à une stratégie très habile dans laquelle l'auteur reste très en deçà, par les pronoms, de son implication réelle. Justifiez ce constat.

EXERCICE 1
  DONNEZ AU TEXTE 2 LE SYSTÈME PRONOMINAL DU TEXTE 1 :

 texte 1 :
A pied ! - On s'appartient, on est libre, on est joyeux ; on est tout entier et sans partage aux incidents de la route, à la ferme où l'on déjeune, à l'arbre où l'on s'abrite, à l'église où l'on se recueille. On part, on s'arrête, on repart ; rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie ; la rêverie voile la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. On ne voyage pas, on erre. À chaque pas qu'on fait, il vous vient une idée. Il semble qu'on sente des essaims éclore et bourdonner dans son cerveau.
Victor Hugo, Le Rhin, Lettres à un ami , lettre XX (1842).

 texte 2 :
Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans ceux que j'ai faits seul et à pied. La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place, il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit. La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l'éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l'immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte. Je dispose en maître de la nature entière, mon cœur, errant d'objet en objet, s'unit, s'identifie à ceux qui le flattent, s'entoure d'images charmantes, s'enivre de sentiments délicieux.
Jean-Jacques Rousseau, , Les Confessions, livre IV, 1782.

 

EXERCICE 2
  ÉTUDIEZ LES PRONOMS DANS LES TEXTES SUIVANTS : qui parle ? à qui ?

  C'était sûr. Mais je ne le savais pas. Ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençais à comprendre. Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation.
  Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.
Romain Gary, La Promesse de l’aube (1960).

 C'est moi ! M'avez-vous oublié ? Rassurez-moi bien vite en me disant que non, n'est-ce pas ? Je n'ai rien à vous conter si ce n'est que je m'ennuie de vous démesurément. Voilà ! et que je songe à votre adorable personne avec toutes sortes de mélancolies profondes. Qu'êtes-vous devenue cet été ? Avez-vous été aux bains de mer, etc., etc.? Êtes-vous maintenant revenue de Neuilly ? Est-ce dans le boudoir de la rue de Vendôme que se retrouvent vos grâces de panthère et votre esprit de démon ? Comme je rêve souvent à tout cela ! Je vous suis, de la pensée, allant et venant partout, glissant sur vos tapis, vous asseyant mollement sur les fauteuils, avec des poses exquises !
  Mais une ombre obscurcit ce tableau..., à savoir la quantité de messieurs qui vous entourent (braves garçons du reste). Il m'est impossible de penser à vous, sans voir en même temps des basques d'habits noirs à vos pieds. Il me semble que vous marchez sur des moustaches comme une Vénus indienne sur des fleurs. Triste jardin !
  Et les leçons de musique ? Faisons-nous des progrès ? Et les promenades à cheval ? A-t-on toujours cette petite cravache dont on cingle les gens ? Comme si vous aviez besoin de cela pour les faire souffrir ! Quant à votre serviteur indigne, il a été le mois dernier assez malade, par suite d'ennuis dont je vous épargne le détail. J'ai travaillé. Je n'ai pas bougé de chez moi. J'ai regardé les clairs de lune, la nuit, je me suis baigné dans la rivière quand il faisait chaud, j'ai pendant quatre mois supporté la compagnie de bourgeois et surtout de bourgeoises dont ma maison était pleine - et, il y a aujourd'hui trois semaines, j'ai failli passer sous une locomotive !
Gustave Flaubert, Lettre à Jeanne de Tourbey, Croisset, 8 octobre 1859.

  On a dû te dire qu'il fallait réussir dans la vie; moi je te dis qu'il faut vivre, c'est la plus grande réussite du monde. On t'a dit : « Avec ce que tu sais, tu gagneras de l'argent ». Moi je te dis : « Avec ce que tu sais tu gagneras des joies. » C'est beaucoup mieux. Tout le monde se rue sur l'argent. Il n'y a plus de place au tas des batailleurs. De temps en temps, un d'eux sort de la mêlée, blême, titubant, sentant déjà le cadavre, le regard pareil à la froide clarté de la lune, les mains pleines d'or mais n'ayant plus force et qualité pour vivre; et la vie le rejette. Du côté des joies, nul ne se presse ; elles sont libres dans le monde, seules à mener leurs jeux féeriques sur l'asphodèle et le serpolet des clairières solitaires. Ne crois pas que l'habitant des hautes terres y soit insensible. Il les connaît, les saisit parfois, danse avec elles. Mais la vérité est que certaines de ces joies plus tendres que les brumes du matin te sont réservées à toi, en plus des autres. Elles veulent un esprit plus averti, des grâces de pensées qui te sont coutumières. Tu es là à te désespérer quand tu es le mieux armé de tous, quand tu as non seulement la science mais encore la jeunesse qui la corrige.
Jean Giono, Les Vraies richesses, 1937. 

  Oh ! vous m'impatientez avec vos terreurs : eh que diantre ! un peu de confiance ; vous réussirez, vous dis-je. Je m'en charge, je le veux, je l'ai mis là ; nous sommes convenus de toutes nos actions, toutes nos mesures sont prises ; je connais l'humeur de ma maîtresse, je sais votre mérite, je sais mes talents, je vous conduis, et on vous aimera, toute raisonnable qu'on est ; on vous épousera, toute fière qu'on est, et on vous enrichira, tout ruiné que vous êtes, entendez-vous ? Fierté, raison et richesse, il faudra que tout se rende.
Marivaux, Les Fausses confidences (1737).

 

 

II : le degré d'implication de l'émetteur :

  Perspective essentielle à laquelle les questions, à l'examen, peuvent inviter sous différentes formes, parfois très simples. Il vous faut avoir en tête les catégories lexicales, grammaticales, stylistiques par lesquelles l'auteur d'un texte peut s'y manifester.

  Vous pouvez commencer par vous interroger sur les fonctions du langage mises en œuvre par le texte. Cette notion est simple et commode, très riche aussi en ouvertures. Parmi les fonctions inventoriées jadis par Romain Jakobson (voyez la page qui leur est consacrée), trois surtout nous intéressent :

  la fonction référentielle : le langage transporte des informations documentaires (faits, lieux, dates) avec une relative objectivité. C'est le cas du récit, dans le texte de Fontenelle.
  la fonction expressive : le langage véhicule ici tout ce par quoi l'auteur manifeste opinions et sentiments.
  la fonction impressive : le langage sert à agir sur le récepteur (impératifs de l'ordre, de la suggestion, interrogations).

Retrouvez ces fonctions à l'œuvre dans le texte de Fontenelle. Que révèlent-elles de l'intention de communication? Que confirment-elles de votre précédent constat ?

 

Comment évaluer l'implication de l'émetteur ? On pourra utilement recenser les modalisateurs et les évaluatifs :

Les modalisateurs :
l'auteur peut exprimer un soutien gradué de son énoncé

des verbes d'opinion : affirmer, soutenir, douter, prôner, suggérer...
des adverbes : évidemment, sans doute, peut-être, assurément...
des périphrases : il est certain que, il est possible que...
des prétéritions : est-il utile de rappeler que, je ne m'étendrai pas sur...
le conditionnel, mode essentiel du doute
les guillemets, qui isolent et mettent en doute le discours de l'adversaire
les question rhétoriques (suggèrent la réponse : "n'est-il pas vrai que...?")
les formes sentencieuses (maximes, sentences, vérités générales).

Les évaluatifs :
l'auteur peut faire part de ses jugements sur un énoncé qu'il évalue

les noms ou adjectifs mélioratifs ou péjoratifs
les connotations attachées à certains mots, à certaines sonorités
les antiphrases portent sur ce qui est dit un jugement dont d'autres indices signalent la fausseté (ironie).

 

APPLICATIONS :

I . Comment l'auteur du texte ci-dessous, par l'emploi des modalisateurs, met-il en doute les théories bellicistes ? Comment valorise-t-il au contraire les théories pacifistes ?

   L’idée que la guerre peut avoir des fonctions propres a conduit certains théoriciens à en faire l’apologie. Hegel prétend qu'elle incarne le moment où l’État se réalise pleinement ; Joseph de Maistre va jusqu'à la glorifier comme le moyen de fortifier la nature humaine; Nietzsche trouve dans les « vertus » guerrières le meilleur aiguillon au dépassement de soi-même; plusieurs évolutionnistes croient pouvoir tirer de la loi de sélection naturelle une justification des pertes qu’engendre la guerre; L. Gumplowicz fait même de la guerre la source de toutes les institutions et de la civilisation. Enfin, les sociologues ont parfois hasardé une comparaison de la guerre et de la fête, en leur attribuant des fonctions analogues, notamment l’exaltation collective et le renversement des règles habituelles.
   Pourtant les arguments de divers ordres ne manquent pas contre les théories bellicistes. On peut, à l’encontre de ceux qui prônent les vertus militaires, faire d'abord état des statistiques qui prouvent la recrudescence de la criminalité à la suite des guerres. S’il est vrai que les grandes civilisations se sont répandues par la force des armes, est-il utile d'alléguer que c’est de la même façon qu’elles ont disparu ? Aux progrès techniques et économiques réalisés sous son aiguillon, il est aisé en effet d'opposer un calcul des coûts de la guerre, qui sont de plus en plus élevés à mesure qu’elle devient plus totale. Enfin s'il est vrai que la guerre présente bien des caractères de la fête, n'en diffère-t-elle pas en même temps, du fait qu’elle oppose un groupe à un autre et tend plus spécifiquement à la destruction ?
d'après Jean Cazeneuve, Guerre et Paix © 1995 Encyclopædia Universalis.

II . Analysez l'implication de l'émetteur dans le texte de Fontenelle. Commencez par évaluer le degré de certitude (la modalisation).Pour étudier les évaluatifs, vous pourrez commencer par les jugements explicites (clairement manifestés) puis finir par les jugements implicites (voilés ou laissés à l'appréciation du lecteur : vous pourrez faire attention aux noms des savants, aux termes faussement élogieux...).
  Profitant de votre étude, vous pourrez enfin mieux caractériser la stratégie de Fontenelle, mettre ainsi en relation sa critique des faux savants avec la méthode expérimentale dont il se fait ici l'apôtre.

 

III : identifier les thèses en présence :

  Le relevé des indices d'énonciation doit guider votre réponse à ces deux questions classiques au baccalauréat :
- quelle est la thèse soutenue ?
- quelle est la thèse rejetée ?

 Prenez exemple sur le texte suivant dont les commentaires en marge vous indiquent le parti à tirer des mots ou expressions colorés:

   On s'assure aujourd'hui par le développement des techniques de communication qu'une ère nouvelle est née où l'homme va enfin sortir de son isolement et, dit-on, triompher des obstacles qui jugulaient sa parole : courrier électronique, "chat" (prononcez Tchat !) sur Internet,  prolifération des chaînes de télévision, que de moyens offerts aujourd'hui à notre désir légitime d'ouverture à l'autre ! Si l'on en croit les nouveaux apôtres de ce nouvel Évangile, nous n'aurions qu'à nous féliciter de cet élargissement des frontières ancestrales dans lesquelles l'humanité croupissait : disparu le village où chacun restait confiné toute sa vie dans l'ignorance, révolue cette époque où l'information arrivait à ses destinataires déjà périmée ! Voici les temps nouveaux où des citoyens éclairés vont exercer leur sollicitude sur les misères du prochain et participer également à la vie publique.
   Ne rêvons pas trop : cette ère nouvelle, si elle bouscule en effet notre univers, ne réussit guère qu'à substituer une communication indirecte et désincarnée aux vrais rapports humains qui, à l'évidence, ne peuvent se passer de la présence charnelle de l'autre. Car on ne communique bien qu'avec des mots. Si la plupart des grands médias s'adressent à nous, c'est dans une masse d'images confuses et de slogans publicitaires qui ne peuvent que nous guider à notre insu vers des buts plus ou moins douteux. Et que penser d'une apothéose de la communication qui permet aux gens de dialoguer jusqu'à l'autre bout de la planète alors qu'ils n'ont pas encore adressé un mot à leur voisin de palier ?

Le pronom indéfini On commande un verbe d'opinion. Il indique nettement la parole de l'autre dans la proposition incise.


Le conditionnel vous invite à prendre le discours qui suit avec prudence : il est d'ailleurs clairement renvoyé à des "nouveaux apôtres" (notez l'ironie).

Attention au discours indirect libre : ici le discours cite les arguments adverses (il est clairement introduit par :, qui signale un discours rapporté.)

Une injonction : on s'adresse à nous en nous invitant à réfléchir. L'auteur va affirmer sa thèse (notez aussi l'alinéa).


Une forme sentencieuse : notez le présent de vérité générale et l'autre valeur de On.


Les termes péjoratifs jugent clairement la thèse adverse.


Une interrogation oratoire : l'auteur nous invite à y répondre dans un sens qui ne peut être qu'approbateur.

 

   Vous pouvez sans doute maintenant être mieux en mesure de dégager les deux thèses en présence. Pour cela, évitez le banal "l'auteur dit que..."!
   Choisissez plutôt parmi les verbes d'opinion suivants celui qui vous paraît le mieux rendre compte du système d'énonciation que vous avez étudié :

affirmer - prôner - supposer - déclarer - assurer - hasarder - reconnaître - s'insurger - dénoncer - déplorer - préconiser - regretter - convenir - souhaiter - stigmatiser - s'alarmer.

 

 

 

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