L'organisation du texte argumentatif 

 

 

 

   Le texte argumentatif a pour but de soutenir une thèse (thèse proposée) et d'invalider la thèse adverse (thèse rejetée). Dans l'un et l'autre cas, les thèses s'articulent autour d'un certain nombre d'arguments, eux-mêmes soutenus par des exemples. A partir de là, le texte argumentatif peut prendre des formes diverses (ainsi se contenter d'exemples) et compte surtout sur la syntaxe et les procédés rhétoriques pour emporter la conviction.
  Dans tous les cas, il vous faut avant tout apprendre à distinguer la nature de l'argument (qui fait état d'une opinion) de celle de l'exemple (qui présente un fait).

 

Exercice 1 : arguments et exemples

Soit la thèse suivante :

 Constatant la solitude et la fermeture à l'autre propres aux grandes villes modernes, Michel Tournier écrit :
 « Nous vivons enfermés dans une cage de verre. »
  (Le vent Paraclet,
© Gallimard).


Voici une liste de propositions dont certaines sont des arguments, d'autres des exemples. Les unes sont favorables à la thèse de Michel Tournier, les autres défavorables :

A - la cellule sociale traditionnelle a été modifiée par l'urbanisation
B - les campagnes du Téléthon ou de la lutte contre le cancer attestent la solidarité de l'opinion
C - la vie culturelle contemporaine est marquée par un certain regain de la fête collective
D - certaines techniques modernes ont favorisé la solitude
E - certains immeubles, certains quartiers se donnent des structures de gestion collective
F - la peur de l'agression dans les cités peu sûres emmure les gens chez eux
G - les loisirs bénéficient de plus en plus d'une politique collective
H - chaque été, les festivals drainent des foules importantes qu'attirent autant l'intérêt culturel que la communion collective
I - les villages se meurent, les quartiers ont du mal à rester vivants en raison de la vogue de la maison individuelle
J - on assiste de plus en plus à un grand élan caritatif
K - la hantise de certains fléaux épidémiques compromet la communication
L - une personne agressée dans la rue est très rarement secourue par les passants
M - les mœurs françaises sont marquées par le goût de l'association
N - dans la panoplie des phobies, celle du Sida progresse de manière inquiétante aux dires des psychologues
O - lnternet, le courrier électronique, le "chat" entraînent une communication virtuelle
P - les clubs de vacances obtiennent de plus en plus de succès.

  • Redonnez aux arguments les exemples qui les valideraient (réunissez les deux lettres en commençant par l'argument : ainsi A / I). Rangez les couples ainsi obtenus dans le tableau suivant :
Arguments/exemples étayant la thèse proposée Arguments/exemples réfutant la thèse proposée

CORRIGÉ

 

 

Exercice 2 : les types d'arguments

Une thèse peut être soutenue d'arguments de nature diverse. On peut distinguer deux catégories :

  • ceux qui sont fondés sur l'expérience : ils tirent alors leur validité du réel et persuadent le récepteur par les éléments référentiels qu'il peut connaître et confirmer.
    C'est le cas de
    l'argument d'autorité, qui s'appuie sur une citation, ou sur une opinion dont on souligne la valeur communément admise. C'est le cas aussi de l'argument par les valeurs, qui s'appuie sur les repères moraux d'une société, et de l'exemple argumentatif, qui donne à l'exemple une portée générale.

     

Exemples :
- un argument d'autorité :
La sédentarisation grandissante de l'humanité dans les villes est, comme l'a montré Michel Tournier, un signe de la guerre ancestrale qu'elle a toujours menée contre les nomades.
- un argument par les valeurs :
L'usage compulsif du téléphone portable dans les lieux publics compromet la qualité de l'espace républicain.
- un exemple argumentatif :
Il suffit de regarder les cages bétonnées que sont devenus les grands ensembles pour douter qu'ici s'installe vraiment une communication chaleureuse.

  • ceux qui sont fondés sur la logique : ils tirent leur validité de leur aspect rationnel et convainquent le lecteur par l'adhésion intellectuelle.
    C'est le cas de l'
    argument par déduction , qui tire une conséquence logique d'une cause générale (ainsi le syllogisme). L'argument par induction effectue la démarche inverse, remontant de la manifestation concrète au principe général. C'est le cas aussi de l'argument par analogie, qui, pour établir un phénomène, le rapproche d'un autre qui lui est apparenté.

     

Exemples :
- un argument par déduction (
syllogisme) : Les pauvres ne possèdent rien, et peuvent néanmoins être heureux. C'est bien la preuve que l'argent ne suffit pas au bonheur.
- un argument par induction : L’école dispense des connaissances diverses ; elle apprend à raisonner. Elle est donc le lieu éducatif privilégié.
- un argument par analogie : Il est aussi vain de stigmatiser la ville moderne que de regretter perpétuellement la disparition d'un prétendu âge d'or.

 Vous trouverez ci-dessous une liste d'arguments. Distinguez les arguments fondés sur l'expérience de ceux qui sont fondés sur la logique. Dans le tableau ainsi constitué, rangez les types d'arguments que nous venons de présenter.

1. La limite à la liberté de l'individu est l'atteinte à la liberté d'autrui. Nul ne doit parler à son voisin pendant un spectacle.
2. On observe toujours que les hommes recherchent les concentrations urbaines, quitte à souffrir de leur pléthore. C'est bien la preuve que l'humanité s'épanouit dans la communauté.
3. L'humanité est sans doute en progrès, mais le grave déréglement du climat montre assez qu'un pas en avant ici peut se payer d'un recul ailleurs.
4. La nuit a certainement une influence très grande sur les peines morales, puisqu'elle en a sur les peines physiques.
5. Le respect d'autrui est un devoir universel auquel ont souscrit tous les peuples.
6. Comment supporter, quand on est français, la prolifération de vocables étrangers qui dénaturent une langue jadis préeminente en Europe ?
7. Il fallut que Colomb partît avec des fous pour découvrir l'Amérique, et voyez comme cette folie a pris corps et duré.
(André Breton)
8. L'ère du multimédia est en train de réaliser, comme le prédisait McLuhan, un véritable village planétaire.
9. La bête la plus féroce connaît la pitié. Je ne la connais pas et ne suis donc pas une bête.
(Shakespeare)
10. Le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c'est une suite de ce principe que plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs.
11. On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains. (Montesquieu)
12. Ce triangle est inscrit dans un demi-cercle. Il s'agit donc d'un triangle rectangle.

 

Arguments fondés sur l'expérience

Arguments fondés sur la logique

arguments d'autorité : n° arguments par induction : n°

argument par les valeurs : n° arguments par déduction : n°

exemples argumentatifs : n° arguments par analogie : n°

CORRIGÉ

 

 

Exercice 3 : les relations logiques

   Pour convaincre, le texte argumentatif se doit d'être soigneusement structuré. Que ce soit dans la communication orale ou écrite, la clarté des relations entre les différents arguments permet au récepteur de suivre le fil du discours et d'adhérer à sa progression. Vous trouverez dans le tableau ci-dessous les mots de liaison (ou "connecteurs logiques") rangés autour des quatre relations principales qui peuvent s'instaurer entre les arguments:

RELATIONS LOGIQUES

PROGRESSION SUIVIE PAR L'AUTEUR

MOTS DE LIAISON

CAUSE L'auteur justifie l'argument précédent En effet - Car - ...
CONSÉQUENCE L'auteur déduit un argument de son argument précédent Ainsi - Donc - C'est pourquoi - ...
OPPOSITION L'auteur nuance ou réfute l'argument précédent Mais - En revanche - Pourtant- Cependant - Or ...
ADDITION L'auteur établit une liste d'arguments D'abord - Ensuite - En outre - Enfin ...

 

Alfred Biedermann. L'esprit romantique de la jeunesse actuelle.
(Le Romantisme européen, 1972).
Complétez le résumé du texte ci-contre par les mots de liaison (cases encadrées) ou les mots-clés (espaces blancs).

 Il est dans les lettres et les arts des écoles qui ne survivent guère aux générations qui leur ont donné naissance - faute, sans doute, d'une universalité, d'une profondeur humaine qui les auraient mises à l'abri du temps : ainsi le symbolisme en France,  l'expressionnisme en Allemagne, qui, pourtant, ont eu leur moment de vogue européenne. Aucun de ces mouvements ne s'est imposé comme ferment de renouvellement à travers les mutations périodiques de l'esprit européen. Le romantisme, par contre, n'a cessé d'agir au cours des époques qui l'ont suivi comme provocation ou repoussoir sur ceux qui cherchaient, dans les arts et les lettres, à frayer la voie vers des horizons nouveaux. Naguère, on affublait ironiquement de l'étiquette romantique toute attitude contraire au souci primordial de réalisme et de raison pratique. Aujourd'hui, la jeunesse se réclame volontiers d'une sorte de néoromantisme. La critique incisive du progrès technique, de ses objectifs strictement utilitaires et la peur de se trouver asservi à une civilisation industrielle mondiale, avec ses rechutes dans la barbarie et son insouciance du bonheur et de la vie de l'âme, tout cela a ramené l'attention vers les aspirations de l'âge romantique. Non pas, certes, pour les restaurer dans leurs formes historiques; rien n'est plus périmé aujourd'hui que les mièvreries sentimentales de 1830; mais certaines attitudes d'esprit typiques du romantisme resurgissent actuellement chez nos contemporains.
  Il y a d'abord ce refus de se laisser encadrer par les traditions philosophiques et sociales d'hier. L'adolescent d'aujourd'hui, c'est d'abord quelqu'un qui dit « non », j'entends qui se refuse à ouvrir aux institutions et aux mœurs en cours ce crédit de confiance, jusqu'à preuve de leur légitimité, que ses aînés consentaient plus libéralement : « non » un peu fou, un peu trop romantique peut-être, qui fait hocher la tête aux gens raisonnables, mais mise en question salutaire, susceptible de débloquer bien des structures fossilisées.
  Autre résurgence romantique : le retour à la nature. Jamais, sans doute, les jeunes qui pensent n'ont été plus sensibles aux menaces d'une rupture du contact entre l'homme et la nature. L'humanité moderne, ils le voient de plus en plus clairement, « se développe dans la nature [...] comme une sorte d'artifice universel » . L'homme, pris dans l'univers technique, se coupe de son milieu naturel, que, d'ailleurs, il ravale au rang de matériau. Nos contemporains, par réaction, éprouvent le besoin de rester liés, dans leur travail et leurs loisirs, avec la verdure et la lumière, la montagne et la mer, dussent-ils y perdre quelques raffinements ou commodités de la société d'abondance. Tout donne à penser que, ce comportement, le proche avenir le développera.
  Enfin, la référence délibérée au « moi » comme principe de valeur revient au premier plan. Elle entraîne le refus croissant des critères d'efficacité pratique, de réussite sociale, de rendement financier. Un certain affairisme à l'américaine périclite sous nos yeux. Les jeunes s'inquiètent du bénéfice moral, des satisfactions de l'esprit et du cœur que leur vaudront leur travail et leur effort. C'est dire que la considération de l'homme intérieur se trouve revalorisée et que l'esprit, qui tendait à n'être plus que l'instrument d'une exploitation technique du monde, redevient intéressant par lui-même, comme le vrai problème à résoudre, le vrai mystère à scruter. C'est là un autre symptôme de cette remontée des priorités romantiques en ce dernier tiers du xx° siècle.

Bien des      artistiques et littéraires  restent , faute d'avoir trouvé une audience assez large ou d'avoir su leur temps.
 Le
lui, s'est toujours imposé comme référence auprès de tous les .
  Traînant autrefois des connotations
en raison de son , il est revendiqué aujourd'hui par la qui y reconnaît, dans des formes , son refus du et son souci des valeurs .
 
On reconnaît  la volonté salubre sous ses allures de ne pas se laisser dans les valeurs des aînés.
 C'est
le souci de le contact  par la technique entre l'homme et la et cette ne fera que se confirmer.
  C'est
l'affirmation du qui rejette les priorités sociales, la ou le et réaffirme la souveraineté de l'esprit sur la .

Placez dans ce résumé chacun des termes proposés ci-dessous :
détérioré - enfin - matière - courants - péjoratives - excessives - carriérisme - aussi - éphémères - romantisme - nature - rentabilité - irréalisme - modifier - rétablir - moi - novateurs - jeunesse - tendance - nouvelles - matérialisme - d'abord - spirituelles - embrigader - figées.

 

  EXERCICES :
  Vous trouverez en cliquant ici trois exercices dans lesquels les textes sont privés de leurs connecteurs logiques; vous pourrez les y replacer et vérifier vos résultats.

 

 

Exercice 4 : les types de plans

   La nature des mots de liaison indique souvent le type de plan que suit l'argumentation. Selon la stratégie choisie, celle-ci peut obéir à trois types d'organisation :

   Mode d'argumentation

Exemples

  Types de plans

l'auteur confronte des thèses opposées

le texte de Diderot page suivante

plan dialectique

l'auteur développe sa thèse dans plusieurs domaines successifs

le texte de Jean Rostand page suivante

plan thématique

l'auteur explique une notion avant d'analyser ses implications le texte d'Alfred Biedermann ci-dessus plan analytique

l'auteur établit un parallèle entre plusieurs notions

comparaison de deux époques, de deux types d'individus

plan comparatif

 

Quel type de plan utiliseriez-vous pour répondre aux sujets suivants ? (reportez-vous à nos pages sur la dissertation).

  • Qu'est-ce qu'une œuvre engagée ?
  • Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ? [voir le corrigé ]
  • Que veut-on dire lorsqu'on parle du style d'un écrivain ?
  • Que pensez-vous de cette opinion d'Antonin Artaud : "Les chefs-d'œuvre du passé sont bons pour le passé;  ils ne sont pas bons pour nous" ?
  • Qu'est-ce qu'un héros ?
  • A-t-on besoin de connaître l'auteur pour comprendre et aimer son œuvre ?
  • Les romans sont-ils faits pour représenter la vie ou pour l'inventer ?