« citer » les documents

 

 

      Le développement de la synthèse doit s'appuyer sur une utilisation rigoureuse des documents. A proprement parler, ceux-ci ne doivent jamais être « cités » (au sens d'un emprunt systématique de citations, rigoureusement interdit), mais constamment reformulés dans les arguments-clés qu'on leur emprunte. En ce sens, les techniques propres au résumé de texte sont ici utilisables : un examen rapide mais attentif du système d'énonciation caractéristique de chaque document permettra de varier et d'ajuster l'introduction de ces références.
      Ainsi, au lieu d'employer infatigablement l'expression « dans ce document, l'auteur dit (ou déclare) que... » , on aura intérêt à affiner le verbe introducteur par le choix pertinent d'une autre formule verbale adaptée au contenu :

 

Si le document manifeste...
une énonciation polémique, on écrira...

l'auteur déplore, conteste, nie, critique, objecte, réfute, regrette, stigmatise, s'inquiète, réplique, rétorque, s'émeut, s'indigne, s'alarme, s'insurge contre ...

une énonciation laudative, on écrira...

l'auteur se félicite, salue, propose, conseille, souhaite, espère, loue, préconise, applaudit, recommande, fait l'éloge de, prône ...

une énonciation ferme, on écrira...

l'auteur affirme, soutient, assure, prétend, souligne, ajoute, met en évidence, certifie, fait apparaître, met l'accent sur, note, revendique, démontre, proclame ...

une énonciation incertaine, on écrira...

l'auteur suggère, hasarde, doute, envisage, se demande si, s'interroge, hésite, sous-entend, souhaite, évoque, laisse entendre que ...

lorsque plusieurs documents sont en convergence...

l'auteur accepte, accorde, admet, approuve, rejoint, avoue, concède, consent, convient, confirme, reconnaît, adhère à une thèse, partage les vues de, renchérit, fait écho, se rallie à l'opinion de ...

les auteurs se rejoignent, s'accordent, s'associent, sont unanimes, abondent dans le même sens, font chorus ...

 

  Voici de brefs passages empruntés à divers documents. Reformulez l'opinion de l'auteur en utilisant à chaque fois le (ou les) verbe(s) introducteur(s) qui vous semble(nt) approprié(s) :

Autrement dit, il faut faire sauter un certain nombre d’oppositions qui sont dans nos têtes et qui sont des manières d’autoriser des démissions : à commencer par celle du savant qui se replie dans sa tour d’ivoire. (P. Bourdieu, Le Monde diplomatique)

Pour ma part, je trouve très rassurant que les gens doutent. Car l'ambivalence est source de conflits, de débats et d'évolution. (B. Cyrulnik, "Le Nouvel Observateur")

La vieillesse dénonce l'échec de toute notre civilisation. C'est l'homme tout entier qu'il faut refaire, toutes les relations entre les hommes qu'il faut recréer si on veut que la condition du vieillard soit acceptable. Un homme ne devrait pas aborder la fin de sa vie les mains vides et solitaire. (S. de Beauvoir, La Vieillesse)

La force de Disney est d'avoir su, par le biais de cette présentation, recycler toutes les mythologies de l'enfance en une seule, la sienne, depuis Les Mille et une Nuits jusqu'à Lancelot du Lac. Et ce melting-pot des imaginaires européens et orientaux, en éludant leur ambiguïté, élude aussi leur pouvoir d'envoûtement. (P. Bruckner, La Tentation de l'innocence)

II est possible que la littérature telle que nous la connaissons, les livres tels que nous les pratiquons ne soient plus là pour très longtemps. On nous l'annonce, on nous le fait entrevoir à mille signes. Je ne suis ni prophète ni futurologue et ne hasarderai pas un pronostic; mais c'est un fait que de notre vivant, si je puis dire, les choses ont déjà beaucoup changé autour de nous, nous ne voyons plus, nous n'entendons plus tout à fait de la même façon qu'il y a trente ans, nous ne lisons plus de la même façon qu'autrefois. (J.L. Curtis, Questions à la littérature)

J'affirme qu'un peuple soumis pendant un demi-siècle au régime actuel des cinémas américains s'achemine vers la pire décadence. J'affirme qu'un peuple hébété par des plaisirs fugitifs, épidermiques, obtenus sans le moindre effort intellectuel, j'affirme qu'un tel peuple se trouvera, quelque jour, incapable de mener à bien une œuvre de longue haleine et de s'élever, si peu que ce soit, par l'énergie de la pensée. (G. Duhamel, Scènes de la vie future)

Il n'est pas vrai que quoi que ce soit puisse progresser en allant de beauté en laideur. Il n'est pas vrai que nous n'ayons besoin que d'acier bien trempé, d'automobiles, de tracteurs, de frigidaires, d'éclairage électrique, d'autoroutes, de confort scientifique. Je sais que tous ces robots facilitent la vie, je m'en sers moi-même abondamment, comme tout le monde. Mais l'homme a besoin aussi de confort spirituel. La beauté est la charpente de son âme. Sans elle, demain, il se suicidera dans les palais de sa vie automatique. (J. Giono, La Chasse au bonheur)

Ces mots nuancés qui fixaient rangs et qualités en laissant jouer toutes les tonalités subtiles des sensations et des sentiments, on ne les rencontre plus guère que dans nos dictionnaires et nos anthologies; à la rigueur sans doute la littérature peut toujours les retrouver, surtout lorsqu'elle ne craint pas de paraître démodée; mais pour peindre, situer, juger dans le langage de chaque jour, nous n'avons déjà presque plus rien à mettre entre le type bien et le salaud; les raisons et les torts, les qualités et les défauts forment des blocs opposés, entre lesquels apparemment nous ne concevons même plus de degrés. (M. Robert, La Vérité littéraire)

Il n'est pas possible de ne pas proclamer qu'il vaudrait mieux diffuser dans le public la compréhension des faits avérés et cohérents de la physique quotidienne qu'étaler complaisamment dans les colonnes des journaux ou sur les ondes le fatras de conjectures sans fondement. (P. Assouline, "Lire")
Insidieusement, au fil du temps, dans l'univers du libéralisme comme dans celui qui se prétendait socialiste, l'accent mis sur les recettes et les moyens du mieux-être a fini par éclipser l'objectif qu'ils sont supposés servir. Au besoin d'un supplément d'âme, on répond : régulation marchande, compétition, argent. (René Passet, "Le Monde diplomatique")
Agir, c'est ce que l'écrivain voudrait par-dessus tout. Agir, plutôt que témoigner. Écrire, imaginer, rêver, pour que ses mots, ses inventions et ses rêves interviennent dans la réalité, changent les esprits et les cœurs, ouvrent un monde meilleur. Et cependant, à cet instant même, une voix lui souffle que cela ne se pourra pas, que les mots sont des mots que le vent de la société emporte, que les rêves ne sont que des chimères. De quel droit se vouloir meilleur ? Est-ce vraiment à l'écrivain de chercher des issues ? (J.M.G. Le Clézio, Discours de réception du prix Nobel).
Dans un pays qui accueille un nombre toujours croissant d’étrangers, notre devoir est d’assurer une coexistence harmonieuse entre les uns et les autres. Pour dire les choses plus brutalement, d’éviter le conflit, d’empêcher la guerre civile. À cette fin, la France se doit de ne pas renoncer à elle-même. Dans certaines circonstances, la fidélité n’est pas une attitude passéiste. Elle est un projet d’avenir. Notre civilisation doit pouvoir s’affirmer face à ceux qui la contestent. (Alain Finkielkraut, "Être français")
Il semble que le travail des ingénieurs, des dessinateurs, des calculateurs du bureau d'études ne soit ainsi, en apparence, que de polir et d’effacer, d’alléger ce raccord, d’équilibrer cette aile, jusqu’à ce qu’on ne la remarque plus, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une aile accrochée à un fuselage, mais une forme parfaitement épanouie, enfin dégagée de sa gangue, une sorte d’ensemble spontané, mystérieusement lié, et de la même qualité que celle du poème. (A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes).
Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. […] Pourquoi ces nouveautés ne sont-elles point advenues ? J’en accuse les philosophes, dont je suis, gens qui ont pour métier d’anticiper le savoir et les pratiques à venir, et qui ont, comme moi, ce me semble, failli à leur tâche. Engagés dans la politique au jour le jour, ils ne virent pas venir le contemporain. Si j’avais eu, en effet, à croquer le portrait des adultes, dont je suis, il eût été moins flatteur. (Michel Serres, "Petite Poucette")
L'art, la philosophie et toutes les sciences humaines honorent la condition humaine. Mais pourquoi diable faut-il qu'un écrivain, qu'un poète, qu'un homme politique soit parfois aussi ignorant en matière scientifique qu'un sorcier d'une tribu oubliée dans la forêt vierge ou qu'un gourou religieux intégriste ? Nous admirons depuis toujours ces cours de « science pour les poètes» dispensés dans certaines des meilleures universités américaines, en général par des maîtres chevronnés. Aucun grand commis de l'État ne devrait y échapper afin qu'on puisse le juger sur autre chose que sa maîtrise des dossiers administratifs. (Georges Charpak, Mémoires d'un déraciné, physicien et citoyen du monde).