Variations romanesques sur Faust.

 

 

 Niveau : 1ère L –  Objet d'étude : Les réécritures.

  On pourrait rapprocher le docteur Faust, mythe germanique, d'un nombre important de fables universelles concernant le péché de connaissance : Faust, qui vend son âme au Diable moyennant la jeunesse et le pouvoir, n'est-ce pas Adam, n'est-ce pas Prométhée ? Il incarne en effet le caractère coupable de la libido sciendi, quand ce désir affirme l'Homme contre son Créateur. En Faust peuvent se reconnaître tous les hommes de recherche que tentent, tôt ou tard, des secrets défendus. La Renaissance s'est largement emparée de ce mythe dont elle a fait le parangon de l'aventure humaine.
  Mais le Romantisme devait contribuer à approfondir et élargir à la fois le personnage faustien : avec Goethe, il devient exemplaire d'une quête idéale d'accomplissement de l'esprit et du corps où se déploie la double postulation des hommes vers le Bien et le Mal. Les modernes, à travers le symbole du pacte diabolique, ont choisi de valoriser à travers Faust le problème d'une liberté engagée dans ce choix fondamental. Du récit traditionnel qui l'a popularisé (Volksbush, 1587), le mythe de Faust a investi par la suite le genre théâtral. Le propos de ce corpus est d'examiner les conditions du « retour » du personnage de Faust au roman et les conséquences que l'on peut en tirer sur le fond comme sur la forme : le genre romanesque épanouit sans conteste les manifestations du fantastique, et le personnage faustien, devenu emblématique de la question du progrès scientifique, épouse les enjeux de la modernité.
  L’objectif du corpus est d’étudier la fortune littéraire du mythe de Faust à travers des adaptations romanesques présentes sous forme d’extraits. On vise une réflexion sur l’intertextualité et la singularité des textes à travers la mise en parallèle des effets romanesques et théâtraux, la connaissance des genres et des registres ainsi qu’une approche de l’histoire littéraire et culturelle.

Corpus proposé :

  • Honoré de Balzac : Melmoth réconcilié (1835)
  • Thomas Mann, Le Docteur Faustus (1949), traduction de Louise Servicen
  • Jean Giono : Faust au village (1950)
  • Mikhaïl Boulgakov : Le Maître et Marguerite (1966-67), traduction de Claude Ligny
  • Michael Swanwick : Jack Faust (1997), traduction de Jean-Pierre Pugi.

 

Modalités d’exploitation :

➧ La séquence commence par une évocation du mythe de Faust (exposé d’élèves, lecture d’extraits du Faust de Marlowe et du Faust de Goethe).
➧ Elle se poursuit par les lectures analytiques du GT :

• Honoré de Balzac : Melmoth réconcilié (1835). Le roman de Balzac s’inspire du roman gothique de Maturin, Melmoth ou l’homme errant. Melmoth se débarrasse du pacte qu’il a signé avec Satan en abandonnant ses pouvoirs au caissier Castanier. Le roman transfère ainsi cette puissance diabolique sur celle de l’argent.
- Extrait choisi (texte en ligne) de « Le caissier se sentit changé complètement » jusqu’à « il n’eut plus envie ni de manger, ni d’aimer. »

•  Thomas Mann, Le Docteur Faustus (1949). Le roman est une biographie fictive d'un musicien, Adrian Leverkühn, racontée par son ami entre 1943 et 1945. Pendant que le personnage passe de l’humanisme traditionnel au nihilisme, l’Allemagne évolue vers l’issue catastrophique que sera l'avènement du nazisme. Le passage retenu expose les conceptions du professeur Eberhardt Schleppfuss, succédané de Méphistophélès.
- Extrait choisi : édition « Biblio » (Le Livre de Poche), pp.127-129. « Il fondait sa thèse […] Dieu qui fut obligé de nous l’octroyer. »

• Jean Giono : Faust au village (1950). Il s’agit d’un recueil de sept nouvelles dont nous n’étudions que la première, éponyme. On pourra mettre en valeur dans l’extrait choisi l’incertitude propre au fantastique : un camionneur rencontre à plusieurs reprises un individu énigmatique. Dans une très grande économie de moyens, la présence du Diable est suggérée (nombreuses expressions à double sens).
- Extrait choisi (Pléiade, Œuvres complètes V, pp.124-125), « Avant d’aborder les virages […] Tu n’as pas fini de tourner ? ».

•  Mikhaïl Boulgakov : Le Maître et Marguerite (1966-67). Le roman mêle avec bonheur les registres réaliste et fantastique. L’extrait choisi s’inscrit dans la tradition de la « nuit de Walpurgis ».
- Extrait choisi : édition Robert Laffont pp. 379-381. « Woland leva son épée […] Marguerite franchit cette porte. »

• · Michael Swanwick : Jack Faust (1997) Méphistophélès propose ici à Jack Faust de lui révéler toutes les vérités scientifiques qu’il souhaite afin que l’humanité périsse de ce savoir.
- Extrait choisi : édition Payot SF, pp. 36-38. « Ces mots le cinglèrent […] Tu sais que je ne peux rien te refuser. »

 

Prolongements :

Musique : Le thème faustien se prête à des évocations fantastiques où se sont plu les compositeurs romantiques (scènes sataniques, nuit de Walpurgis).
  On pourra les comparer dans trois extraits musicaux :
                Berlioz : La Damnation de Faust (1846), 4ème partie
                Gounod : Faust (1859), début de l’acte V
                Liszt : Méphisto-valse II (1881). Moins jouée que la première, celle-ci est plus… endiablée.


Cinéma :
                Friedrich Wilhelm Murnau : Faust, une légende allemande (1926)
                René Clair : La Beauté du diable (1949)
                Brian Yuzna : Faust, Love of the Damned (2001)
                Terry Gilliam : L'Imaginarium du docteur Parnassus (2009) .