L'AMITIÉ
RÉSUMÉ ET DISSERTATIONS

 

 

 

 

 

TEXTE OBSERVATIONS

  Notre monde ne considère pas l’amitié sous un angle moral. Nous pensons plutôt l’amitié comme un sorte de convivialité plaisante. Nous confondons le copain ou le camarade avec l’ami, ou nous prenons pour acquises des relations de fait, celles qui doivent se nouer entre des gens qui sont soumis aux mêmes règles dans une institution. Il est ainsi significatif que nous privilégions le mot sympathie, dont l'étymologie désigne, comme dans compassion, une communauté de sentiments. En se manifestant au-delà des limites du moi et de ses intérêts, la sympathie nous rend bien sûr l'autre plus proche. Elle déclôt l’individualité et l’ouvre à une région plus vaste, à tout ce qui vit, à tout ce qui est sensible, nous dit Bergson. Mais  la sympathie n'est pas l'amitié, qui est davantage, car la relation qu'elle désigne est réciproque et ne doit rien aux accidents qui nous placent ici plutôt que là parmi des êtres que nous n'avons pas choisis. Cette contingence nous permettra de déterminer des degrés dans l'amitié.
  On pourra d'abord évoquer une amitié plaisante, celle dans laquelle ce qui est aimé c’est l’agréable. Cette amitié est celle que nouent ceux qui recherchent ensemble les mêmes plaisirs. L’ami est celui qui a les mêmes jeux, les mêmes loisirs, celui dont la compagnie est agréable et festive. Cette forme d’amitié suit le principe d’Empédocle, qui veut que les semblables s'attirent, car ce qui rapproche les personne dans ce cas, c’est une communauté de goûts. C’est l’amitié privilégiée de la jeunesse en général. Mais l’agrément est cause très instable et fragile : le plaisir change au gré des circonstances et de la maturité de chacun. Ainsi cette amitié est accidentelle, comme est accidentelle sa cause. Elle peut se nouer et se dénouer au gré des circonstances.
  Appelons ensuite amitié utile, celle dans laquelle ce qui est aimé, c’est l’utilité. Cette amitié se rencontre chez ceux qui ont une relation fondée sur le service mutuel. L’ami est celui qui me rend service en m’apportant ce qui m’est utile et auquel je rends service dans le même sens. Ici l’amitié est gouvernée par le principe d’Héraclite selon lequel les contraires tendent à s'unir : ce que je n’ai pas, l’autre le possède et, inversement, je possède ce dont il a besoin, de sorte que nous avons besoin l’un de l’autre.
On constate par exemple que s'installent des relations entre des gens très différents par nature, mais dont les différences sont justement complémentaires, et qui s’apprécient pour cette raisonOr nos besoins sont relatifs aux circonstances. Aussi une telle amitié va-t-elle se dissoudre dès que l’utilité ne sera plus ressentie. L’amitié utile est une relation accidentelle parce que ce n’est pas la personne qui est aimée, mais seulement ce que l’on attend d’elle.
  Enfin, appelons amitié parfaite, ou amitié vertueuse, celle dans laquelle l’ami est celui à qui je veux du bien et qui me veut du bien. Cette dimension morale est très importante. On ne peut pas appeler ami celui qui vous encouragerait à la dépravation pour vous faire plaisir (celui qui offre de l’alcool à l’alcoolique, de la drogue au drogué). L’ami est celui qui a souci de votre bien et qui saura parfois vous remettre en question pour vous sortir de votre égarement.  En outre cette attention n'est pas, comme précédemment, accidentelle. Persévérer dans le bien, c’est affirmer sa propre nature. L'’amitié parfaite n'est pas une amitié d’un jour, et cette durée est celle de notre propre nature, pour autant qu’elle est portée vers le bien. On peut donc concevoir une amitié utile ou une amitié plaisante entre une crapule et un homme de bien, entre deux hommes vicieux, mais il est inconcevable d’y rencontrer une amitié parfaite. La connivence dans le mal rend impossible la plus haute forme d’amitié qui est aussi la plus naturelle.
  Pourtant, il faut avouer qu’une telle amitié est rare. Nous sommes le plus souvent motivés par le plaisir et l’utilité. L’amitié est vertu et non passion. La sympathie peut s’éprouver passivement, l’amitié se veut, elle s’entretient. Il est facile de souhaiter une telle amitié, plus délicat de l’entretenir, même si elle ne suppose pas l'ascétisme et englobe les deux amitiés précédentes : de vrais amis pourront naturellement se rendre service et chercheront les mêmes plaisirs. Kant ajoute qu’il y a dans l’amitié un équilibre si fragile qu’il relève pour ainsi dire d’un Idéal où doivent se concilier  le respect et l’amour. Les hommes sont tiraillés entre ces deux extrêmes : ou bien un respect purement formel, comme celui que l’on a à l’égard de ses collègues, ou bien un attachement passionnel, mais qui est réservé aux proches dans le cadre de la famille.
  Ceci ne laisse
donc guère de place à l'amitié. Elle la retrouverait si nous obéissions à des valeurs différentes que celles qui ont cours aujourd’hui. Nos modèles sociaux favorisent la relation passionnelle (dans le cinéma), une certaine complicité virile (autour du sport), une convivialité superficielle (autour du jeu et de la fête). Comment, dans le harcèlement dans lequel nous vivons, pourrions-nous être sensibles à la formule d’Épicure : « Du pain, de l’eau et de l’amitié » ? L’amitié paraît bien un Idéal : ce vers quoi nous voudrions tendre, mais que nous ne parvenons pas à atteindre.

Première étape : l'énonciation :
Une première - voire une seconde - lecture doit vous amener à identifier les caractères essentiels du texte, que votre résumé devra reproduire :
- situation d'énonciation (notamment, présence du je et du nous)
- niveau de langue (ainsi ce texte simple contient néanmoins des termes philosophiques)
- difficultés de vocabulaire (attention par exemple aux mots contingence, ascétisme...).

Deuxième étape : thème, thèse :
- Efforcez-vous de formuler pour vous-même le sujet du texte (au besoin, donnez-lui un titre : ici le texte pourrait s'intituler Les trois amitiés).
- Plus important encore : repérez la (ou les) thèse(s) et prenez soin de la (les) rédiger rapidement. Dans ce texte, la thèse soutenue est seule développée. On pourrait la formuler ainsi : Les amitiés fondées sur le plaisir et l'utilité sont périssables; seule l'amitié fondée réciproquement sur le bien réalise durablement notre nature, mais c'est aujourd'hui un idéal inaccessible.

Troisième étape : l'organisation :
La lecture du texte vous fait percevoir par les paragraphes différentes unités de sens. Ces paragraphes constituent cependant des indices insuffisants de l'organisation. Vous savez que tout raisonnement discursif s'accompagne de connexions logiques (nous les soulignons en rouge : en gras pour les connexions essentielles) qui vous feront percevoir l'enchaînement des arguments. La dernière phrase du premier paragraphe (introduction) laisse attendre un plan thématique puisque l'auteur annonce son examen des différents degrés de l'amitié : les mots de liaison essentiels (d'abord, ensuite, enfin) confirment cette attente.
  Comme toujours dans une argumentation, les arguments s'accompagnent d'exemples : leur caractère concret et circonstancié vous permet de les repérer d'emblée (nous les soulignons en bleu).

  C'est cette organisation que nous vous invitons à représenter précisément dans un tableau de structure : ne pensez pas que le fait d'établir ce tableau au brouillon vous fera perdre du temps. Une fois rempli, il vous permettra au contraire d'aller plus vite dans la reformulation, chaque unité de sens étant nettement repérée. La colonne Parties sépare chaque étape de l'argumentation, que la colonne Sous-Parties décompose si nécessaire. La colonne Arguments vous permet d'identifier rapidement chaque argument et d'aller déjà vers son expression la plus concise en repérant les mots-clefs. C'est cette colonne, surtout, qui vous sera précieuse. Quant à la colonne Exemples, elle vous permet de repérer ce que votre résumé pourra ensuite ignorer (attention cependant au fait qu'un long paragraphe d'exemples peut avoir une valeur argumentative !).

 

 

TABLEAU DE STRUCTURE

PARTIES SOUS-PARTIES ARGUMENTS (mots-clefs)

EXEMPLES

Notre monde > dans l'amitié. Notre monde > une institution. Confusion entre amitié et copinage. /
Il est ainsi > communauté de sentiments. Nous privilégions le mot sympathie. /
En se manifestant...bien sûr > Mais... dans l'amitié. La sympathie nous ouvre à l'autre, mais l'amitié est réciproque et ne doit rien au hasard. Bergson
On pourra d'abord > circonstances. On pourra > en général. L'amitié plaisante réunit les êtres selon leurs affinités. /
Mais l'agrément > chacun. Le plaisir est relatif et transitoire. /
Ainsi cette amitié > au gré des circonstances. Cette amitié est accidentelle et se dénoue au gré des circonstances.

/

Appelons ensuite > que l'on attend d'elle. Appelons > pour cette raison. L'amitié utile est bâtie sur le service mutuel.

relations de gens différents.

Or nos besoins > circonstances. Nos besoins sont relatifs aux circonstances. /
Aussi une telle > que l'on attend d'elle. Cette amitié va se dissoudre avec l'utilité. /
Enfin, appelons amitié > la plus naturelle.

Enfin, appelons > égarement.

L'amitié parfaite repose sur le souci réciproque du bien de l'autre.

celui qu'on ne peut appeler ami

En outre > portée vers le bien. Ce souci est durable car conforme à notre nature.
On peut donc > la plus naturelle. L'amitié parfaite exclut la connivence dans le mal.
Pourtant il faut > la famille.

/

L'amitié est une vertu exigeante où doivent se concilier le respect et l'amour.

Kant

Ceci ne laisse donc > à atteindre.

/

Nos valeurs sociales nous éloignent de l'amitié, qui reste un idéal inaccessible.

cinéma, sport, fête - Épicure

 

REFORMULATION

Résumez ce texte en 160 mots ±10%.

 

PARTIES

Observations sur les réductions

PROPOSITION DE RÉSUMÉ

1° §

La concession (bien sûr / mais) est traduite en seul membre de phrase.
  L'amitié n'est plus pour nous qu'un sentiment galvaudé qui nous fait plutôt parler de sympathie : celle-ci marque bien une ouverture à l'autre, mais l'amitié vraie est réciproque et sa nécessité la distingue des autres.

2° §

La conséquence (Ainsi) est exprimée par une relative, ce qui permet ici encore une seule phrase.
Une première forme d'amitié est bâtie sur  le plaisir (50) de nouer des liens avec qui nous ressemble. Mais le plaisir est relatif et variable, ce qui la rend éphémère.

3° §

La conséquence (Aussi) est ici rendue par la conjonction de coordination et.
Une autre repose sur l'utilité des services que les amis se rendent de façon complémentaire : mais nos besoins sont transitoires, et cette amitié disparaît avec eux.

4° §

L'addition (En outre) apparaît sous la forme du groupe apposé.
L'amitié  vertueuse (100) enfin repose sur le souci réciproque du bien de l'autre, et cette attention, durable comme notre nature, exclut le vice.

5° §

La formule concessive Même si est traduite par sans + infinitif.
Pourtant cette amitié reste aujourd'hui exceptionnelle car, sans être toujours austère, elle exige que s'y manifestent à la fois le respect et l'amour.

6° §

Le participe présent a une valeur causale qui traduit la dimension explicative de cette conclusion.
Invitant aux loisirs ou (150) aux passions, notre société nous éloigne ainsi de cet idéal. (160 mots)