EXERCICES DE CONTRACTION

 

 

   Cette page est destinée à appliquer les éléments de méthode proposés par les pages précédentes en fournissant une série d'exercices progressifs.

Vous trouverez en outre des exemples de contractions progressives sur nos pages destinées aux Classes préparatoires scientifiques :
Savoir et ignorerL'Héroïsme L'Amitié Mesure et démesure L'Animal et l'HommeLa Recherche du bonheur Puissances de l'imaginationPenser l'histoireÉnigmes du moiL'ArgentLe malLa justiceLa paroleLe temps vécuLa guerreLe monde des passionsServitude et soumissionL'aventureL'amour.

 

  CONTRACTEZ ces textes en 100 mots.

 

EXERCICE 1

  « S'informer fatigue »

     La presse écrite est en crise. Elle connaît en France et ailleurs une baisse notable de sa diffusion et souffre gravement d'une perte d'identité et de personnalité. Pour quelles raisons et comment en est-on arrivé là ? Indépendamment de l’influence certaine du contexte économique et de la récession il faut chercher, nous semble-t-il, les causes profondes de cette crise dans la mutation qu'ont connue, au cours de ces dernières années, quelques-uns des concepts de base du journalisme.
   En premier lieu l'idée même d'information. Jusqu’à il y a peu, informer, c’était, en quelque sorte, fournir non seulement la description précise - et vérifiée - d’un fait, d'un événement, mais également un ensemble de paramètres contextuels permettant au lecteur de comprendre sa signification profonde. Cela a totalement changé sous l'influence de la télévision, qui occupe désormais, dans la hiérarchie des médias, une place dominante et répand son modèle. Le journal télévisé, grâce notamment à son idéologie du direct et du temps réel, a imposé peu à peu une conception radicalement différente de l'information. Informer c'est, désormais, « montrer l'histoire en marche » ou, en d'autres termes, faire assister (si possible en direct) à l'événement. Il s'agit, en matière d'information, d'une révolution copernicienne dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences. Car cela suppose que l'image de l'événement (ou sa description) suffit à lui donner toute sa signification, et que tout événement, aussi abstrait soit-il, doit impérativement présenter une partie visible, montrable, télévisable. C'est pourquoi on observe une emblématisation réductrice de plus en plus fréquente d'événements à caractère complexe.
   Un autre concept a changé : celui d'actualité. Qu'est-ce que l'actualité désormais ? Quel événement faut-il privilégier dans le foisonnement de faits qui surviennent à travers le monde ? En fonction de quels critères choisir ? Là encore, l'influence de la télévision apparaît déterminante. C'est elle, avec l'impact de ses images, qui impose son choix et contraint la presse écrite à suivre. La télévision construit l'actualité, provoque le choc émotionnel et condamne pratiquement les faits orphelins d'images au silence, à l'indifférence. Peu à peu s'établit dans les esprits l'idée que l'importance des événements est proportionnelle à leur richesse en images. Dans le nouvel ordre des médias, les paroles ou les textes ne valent pas des images.
   Le temps de l'information a également changé. La scansion optimale des médias est maintenant l'instantanéité (le temps réel), le direct, que seules télévision et radio peuvent pratiquer. Cela vieillit la presse quotidienne, forcément en retard sur l'événement et, à la fois, trop près de lui pour parvenir à tirer, avec suffisamment de recul, tous les enseignements de ce qui vient de se produire. La presse écrite accepte de s'adresser non plus à des citoyens, mais à des téléspectateurs !
   Un quatrième concept s'est modifié. Celui, fondamental, de la véracité de l'information. Désormais, un fait est vrai non pas parce qu'il correspond à des critères objectifs, rigoureux et vérifiés à la source, mais tout simplement parce que d'autres médias répètent les mêmes affirmations et « confirment »... Si la télévision (à partir d'une dépêche ou d'une image d'agence) présente une nouvelle et que la presse écrite, puis la radio reprennent cette nouvelle, cela suffit pour l'accréditer comme vraie. Les médias ne savent plus distinguer, structurellement, le vrai du faux.
   Enfin, information et communication tendent à se confondre. Trop de journalistes continuent de croire qu'ils sont seuls à produire de l’information quand toute la société s'est mise frénétiquement à faire la même chose. Il n’y a pratiquement plus d'institution (administrative, militaire, économique, culturelle, sociale, etc.) qui ne se soit dotée d'un service de communication et qui n'émette, sur elle-même et sur ses activités, un discours pléthorique et élogieux. À cet égard, tout le système, dans les démocraties cathodiques, est devenu rusé et intelligent, tout à fait capable de manipuler astucieusement les médias et de résister savamment à leur curiosité. Nous savons à présent que la « censure démocratique » existe.
   À tous ces chamboulements s’ajoute un malentendu fondamental. Beaucoup de citoyens estiment que, confortablement installés dans le canapé de leur salon et en regardant sur le petit écran une sensationnelle cascade d'événements à base d’images fortes, violentes et spectaculaires, ils peuvent s’informer sérieusement. C'est une erreur majeure. Pour trois raisons : d'abord parce que le journal télévisé, structuré comme une fiction, n’est pas fait pour informer mais pour distraire ; ensuite, parce que la rapide succession de nouvelles brèves et fragmentées (une vingtaine par journal télévisé) produit un double effet négatif de surinformation et de désinformation ; et enfin parce que vouloir s'informer sans effort est une illusion qui relève du mythe publicitaire plutôt que de la mobilisation civique. S’informer fatigue, et c'est à ce prix que le citoyen acquiert le droit de participer intelligemment à la vie démocratique.

Ignacio RAMONET, Télévision et information. , Le Monde Diplomatique, octobre 1993.

 CORRECTION

 

Exercice  2 :

Pierre MENDÈS-FRANCE. Espérer. 
(Après-demain, 1967).
Vous présenterez une contraction de ce texte en 18O mots (un écart de 10 % en plus ou en moins est admis). Vous indiquerez le nombre de mots que comporte votre résumé.
Complétez cette contraction de 180 mots par les mots de liaison (cases encadrées) ou les mots-clés (espaces blancs).

  Il faut reconnaître qu'à la confiance et à la foi un peu naïves de nos pères dans le progrès, a succédé une inquiétude qui tourne parfois à l'angoisse. Certes, dans le domaine de l'avancement des connaissances et de la science, le bilan est extrêmement positif ; on sait, de nos jours, infiniment plus de choses, et on les sait mieux qu'il y a un siècle. Parallèlement, les frontières du monde à connaître s'éloignent sans cesse, de sorte que personne n'espère ou ne redoute plus « la mort de la science ». En même temps, les applications des connaissances peuvent donner en principe à l'homme, vis-à-vis de la nature, une indépendance, une sécurité chaque jour plus grandes. Mais dès qu'on passe du domaine de la science à celui de son utilisation et plus encore à celui du destin collectif de l'humanité, le tableau s'obscurcit dramatiquement. Même les applications pratiques des découvertes et des connaissances créent souvent des difficultés imprévues : le moteur qui doit libérer asservit en fait dans bien des cas ; la médecine guérit, mais l'allongement de l'espérance de vie pose des problèmes sérieux à la société ; l'urbanisation arrache les hommes aux rythmes et aux malédictions millénaires de la nature, mais elle sécrète des névroses individuelles et sociales qui assombrissent ses avantages. Enfin et surtout, notre temps a vu s'accomplir les plus grands massacres collectifs qu'on ait jamais connus, l'arbitraire et l'oppression n'ont jamais été aussi redoutables aux mains d'oligarchies ou de pouvoirs qui disposent de moyens techniques colossalement multipliés. Sans parler de l'explosion démographique mondiale, en face de ressources insuffisantes et, au surplus, trop souvent mal réparties et mal utilisées.
  Ce monde, caractérisé par l'expansion vertigineuse des sciences et des techniques, est si différent de celui où nous avons puisé nos règles de pensée, que l'angoisse nous saisit parfois. Un monde sans paysans sera-t-il un monde meilleur ? La conquête de l'espace, quand tout reste à faire sur terre, est-elle « raisonnable » ? Le perfectionnement toujours plus poussé et à n'importe quel prix, des engins de destruction massive, est-il vraiment un progrès ? Ces questions sont tellement légitimes qu'il ne faut pas s'étonner si des formes de pensée non rationnelles, des eschatologies religieuses ou autres prospèrent plus que jamais et continuent de hanter un grand nombre de nos contemporains, parfois parmi les jeunes.
  Faut-il donc dresser un bilan de faillite ? Je ne le crois pas. Il faut réagir contre les tentations du découragement. Sans doute attendions-nous trop, sinon du futur, du moins du présent, et c'est pourquoi nous sommes déçus.
  Mais, pour faire nos comparaisons, ne surestimons pas le passé de l'humanité. Ses périodes les plus brillantes et le plus policées ne cachaient-elles pas des arrière-plans de misère, d'oppressions et d'injustices cruelles grâce auxquelles seulement certaines réussites étaient possibles ? Nous situons trop facilement l'âge d'or derrière nous : mais les bergeries de Versailles ne doivent pas faire oublier qu'au XVIIIème siècle encore, les paysans français mouraient — au sens propre — de faim. Et les massacres contemporains les plus horribles ne sauraient faire pardonner ceux d'hier.
  En fin de compte, un bilan tout à fait honnête montre que le progrès dans l'organisation sociale se manifeste malgré tout, même si c'est avec lenteur et difficulté, sur des rythmes très différents ici et là, avec des arrêts, voire des reculs temporaires. De forces profondes se sont mises en mouvement et elles se révèlent irrésistibles. Les masses, autrefois résignées, exercent une pression contre laquelle rien ne peut prévaloir ; les jeunes, tournés vers l'avenir, les chercheurs, les intellectuels apportent leur concours. La démocratie politique ouvre les voies. L'histoire se faisait autrefois dans le bruit des bottes, des fusillades, des massacres, dans les cris souvent implacablement étouffés des victimes. Convenons-en, c'est tout autrement que s'opèrent aujourd'hui mutations et réformes de structure.
  Mais la raison fondamentale qui nous pousse à rejeter le pessimisme, c'est qu'hier encore, toutes les misères étaient ressenties comme des fatalités contre lesquelles il était vain de s'insurger ; à l'inverse, la société de demain, si elle porte encore en elle des formes d'aliénation inacceptables, refusera les horreurs qui nous étaient devenues familières et ses futurs artisans s'emploient dès maintenant à les prévenir. Même si l'avenir « meilleur pour tous » n'est pas aussi prochain que nous le voudrions, un nombre croissant d'hommes savent que leur sort peut s'améliorer et, du coup, ils cessent d'être résignés. Ils veulent se battre pour plus de justice et d'humanité. Et, tout compte fait, c'est cela le progrès.

 Le progrès suscite la méfiance. notre savoir s'est considérablement élargi et l'homme y a gagné une certaine à l'égard de la nature. , sur le plan pratique, la science est responsable de  ou de . Elle a donné  aux tyrans de toutes sortes une redoutable qui a ensanglanté l'histoire récente et créé un grave des peuples devant les ressources.
  Ces données nouvelles nous
et nous font douter du progrès ou chercher, comme chez les jeunes, des solutions .
  Doit-on
désespérer ? A mon avis, nullement. Notre espoir est déçu, sans doute, mais ne croyons pas que le passé était plus enviable, avec ses et ses .    , la société s'est peu à peu et des  nouvelles sont en route grâce à l'effort de l'intelligence et de la raison.
  
notre raison d'espérer, nous la trouvons  dans la nouvelle des peuples à prendre leur destin en main pour plus de justice. Et ceci est le vrai .

Placez dans ce résumé chacun des termes proposés ci-dessous :
désorientent - Au total - forces - organisée - donc - émancipation - Mais - barbaries - Certes - irrationnelles - puissance - désormais - dépendances - d'abord - famines - surtout - stress -  progrès - déséquilibre - cependant - détermination.

 

 

EXERCICE 3

  Vers une fracture générationnelle ?

   Les générations sont-elles en passe de devenir une nouvelle clé de lecture des fractures centrales de la société française ? En tous cas, à l’heure où l’on peine à dessiner, en France comme ailleurs, le visage des sociétés nationales, et où l’analyse en termes de classes sociales est de moins en moins suffisante, les clivages liés à l’âge pourraient connaître un regain de vitalité dans les années à venir.
   Cette particularité de notre époque, c’est bien entendu l’exceptionnel destin social de la « génération 68 », comme l’a rappelé récemment le sociologue Louis Chauvel. Celui-ci met en évidence, dans deux articles, les facteurs qui ont permis aux individus nés entre 1945 et 1955 de connaître un progrès sans précédent. La « génération 68 » succède à des générations qui ont connu des destins particulièrement dramatiques : la génération 1914 par exemple, celle de leurs parents, aura connu un début de vie active des plus difficiles dans le contexte de crise des années 1930, avant, surtout, de connaître les affres de la Seconde Guerre mondiale.
   Grandissant eux, pour la première fois depuis un siècle, en temps de paix, les « baby-boomers » vont profiter à plein de la dynamique des Trente Glorieuses : dans un pays en pleine reconstruction, le travail ne manque pas, ce qui leur permet de connaître, au cours des trois ans après la sortie des études, un taux de chômage moyen très faible d’environ 5%. Grâce notamment au développement de l’Etat-providence, de l’éducation et de la recherche (CNRS, universités), des services de santé, des entreprises semi-publiques (EDF, France Télécom…), ils vont être les principaux bénéficiaires de la forte demande en cadres et professions intellectuelles. Ils connaîtront ainsi une mobilité sociale ascendante inouïe, assurant une rentabilité maximale de leurs diplômes : dans les années 1970, 70% des titulaires d’une licence ou plus âgés de 30 à 35 ans sont cadres. Aujourd’hui, la « génération 68 » s’apprête à prendre sa retraite après une vide de travail pratiquement sans accroc, et après avoir fait jouer l’ascenseur social comme aucune autre génération auparavant.
   Malheureusement, cette parenthèse s’est très vite refermée : Les générations nées à partir de 1955 ont connu une dégradation progressive de leurs « chances de vie ». Le phénomène le plus important de ce point de vue est naturellement l’apparition d’un chômage de masse, qui frappe notamment les nouveaux venus sur le marché du travail. […]
   Constat pessimiste ? L. Chauvel admet qu’il est « sombre, mais il est fondé sur des bases empiriques fortes, des analyses solides, des résultats convergents ». D’autres auteurs dressent un tableau plus nuancé. On peut souligner aussi que les privilèges d’une génération ne jouent pas nécessairement comme un désavantage pour les autres générations. On a ainsi assisté à un renversement historique du sens des solidarités, provoqué par l’Etat-providence (avec l’instauration des retraites et le développement de l’éducation), qui fait que ce sont désormais principalement les jeunes qui bénéficient des solidarités familiales. Résultat : l’écart de revenus entre les âges se resserre, même s’il faut reconnaître que cette réduction des inégalités est « modérée ».
   Ces correctifs ne suffisent donc pas à entamer le constat général d’inégalités socio-économiques fortes entre les générations au détriment des jeunes. D’où le constat laconique de L. Chauvel : « Pour la première fois en période de paix, la génération qui précède ne laisse pas aux suivantes un monde meilleur à l’entrée de la vie. » En fait, selon lui, on a assisté, au milieu des années 1980, à l’inversion d’un phénomène qui jusque-là visait d’abord la protection et l’insertion des jeunes : voici que l’on s’est mis à assurer prioritairement la stabilité des plus âgés, le principal coût de ce changement étant, encore une fois, le chômage des jeunes. Ce basculement comporte de grands risques. Et tout d’abord celui d’une « dyssocialisation » de la jeunesse, c’est-à-dire non pas d’une absence de socialisation, mais d’une socialisation difficile, inadaptée. Concrètement, ce risque viendrait d’un manque de correspondance entre les valeurs et les idées que reçoit la nouvelle génération (liberté individuelle, réussite personnelle, valorisation des loisirs, etc.) et les réalités auxquelles elle sera confrontée (centralité du marché, hétéronomie, pénurie, manque d’emplois intéressants, ennui, etc.). Plus profondément, les difficultés psychosociales de la nouvelle génération (notamment les comportements violents, les incivilités en tous genres, le suicide, etc.) pourraient être liés de façon immédiate au fossé entre ce que les jeunes croient mériter (sur la base d’une comparaison entre les études et la position de leurs parents et les leurs) et ce qu’ils peuvent réellement connaître.
   Bien sûr l’avenir n’est pas encore joué, et la récente prise de conscience du phénomène par les politiques augure peut-être de mesures capables de faciliter l’insertion des jeunes dans le monde du travail. Reste qu’il y a encore loin de la conscience, bien réelle, des inégalités liées à l’âge, à leur prise en compte effective dans la décision collective et notre représentation de la société. En attendant, on ne peut que faire des conjectures sur notre futur immédiat.

Xavier MOLENAT, « Vers une fracture générationnelle », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, n°4, 2006.

 CORRECTION

 

Exercice  4 :

Alfred BIEDERMANN.
L'esprit romantique de la jeunesse actuelle.

(Le Romantisme européen, 1972).
Complétez le contraction du texte ci-contre par les mots de liaison (cases encadrées) ou les mots-clés (espaces blancs).

 Il est dans les lettres et les arts des écoles qui ne survivent guère aux générations qui leur ont donné naissance - faute, sans doute, d'une universalité, d'une profondeur humaine qui les auraient mises à l'abri du temps : ainsi le symbolisme en France,  l'expressionnisme en Allemagne, qui, pourtant, ont eu leur moment de vogue européenne. Aucun de ces mouvements ne s'est imposé comme ferment de renouvellement à travers les mutations périodiques de l'esprit européen. Le romantisme, par contre, n'a cessé d'agir au cours des époques qui l'ont suivi comme provocation ou repoussoir sur ceux qui cherchaient, dans les arts et les lettres, à frayer la voie vers des horizons nouveaux. Naguère, on affublait ironiquement de l'étiquette romantique toute attitude contraire au souci primordial de réalisme et de raison pratique. Aujourd'hui, la jeunesse se réclame volontiers d'une sorte de néoromantisme. La critique incisive du progrès technique, de ses objectifs strictement utilitaires et la peur de se trouver asservi à une civilisation industrielle mondiale, avec ses rechutes dans la barbarie et son insouciance du bonheur et de la vie de l'âme, tout cela a ramené l'attention vers les aspirations de l'âge romantique. Non pas, certes, pour les restaurer dans leurs formes historiques; rien n'est plus périmé aujourd'hui que les mièvreries sentimentales de 1830; mais certaines attitudes d'esprit typiques du romantisme resurgissent actuellement chez nos contemporains.
  Il y a d'abord ce refus de se laisser encadrer par les traditions philosophiques et sociales d'hier. L'adolescent d'aujourd'hui, c'est d'abord quelqu'un qui dit « non », j'entends qui se refuse à ouvrir aux institutions et aux mœurs en cours ce crédit de confiance, jusqu'à preuve de leur légitimité, que ses aînés consentaient plus libéralement : « non » un peu fou, un peu trop romantique peut-être, qui fait hocher la tête aux gens raisonnables, mais mise en question salutaire, susceptible de débloquer bien des structures fossilisées.
  Autre résurgence romantique : le retour à la nature. Jamais, sans doute, les jeunes qui pensent n'ont été plus sensibles aux menaces d'une rupture du contact entre l'homme et la nature. L'humanité moderne, ils le voient de plus en plus clairement, « se développe dans la nature [...] comme une sorte d'artifice universel » . L'homme, pris dans l'univers technique, se coupe de son milieu naturel, que, d'ailleurs, il ravale au rang de matériau. Nos contemporains, par réaction, éprouvent le besoin de rester liés, dans leur travail et leurs loisirs, avec la verdure et la lumière, la montagne et la mer, dussent-ils y perdre quelques raffinements ou commodités de la société d'abondance. Tout donne à penser que, ce comportement, le proche avenir le développera.
  Enfin, la référence délibérée au « moi » comme principe de valeur revient au premier plan. Elle entraîne le refus croissant des critères d'efficacité pratique, de réussite sociale, de rendement financier. Un certain affairisme à l'américaine périclite sous nos yeux. Les jeunes s'inquiètent du bénéfice moral, des satisfactions de l'esprit et du cœur que leur vaudront leur travail et leur effort. C'est dire que la considération de l'homme intérieur se trouve revalorisée et que l'esprit, qui tendait à n'être plus que l'instrument d'une exploitation technique du monde, redevient intéressant par lui-même, comme le vrai problème à résoudre, le vrai mystère à scruter. C'est là un autre symptôme de cette remontée des priorités romantiques en ce dernier tiers du xx° siècle.

Bien des      artistiques et littéraires  restent , faute d'avoir trouvé une audience assez large ou d'avoir su leur temps.
 Le
lui, s'est toujours imposé comme référence auprès de tous les .
  Traînant autrefois des connotations
en raison de son , il est revendiqué aujourd'hui par la qui y reconnaît, dans des formes , son refus du et son souci des valeurs .
 
On reconnaît  la volonté salubre sous ses allures de ne pas se laisser dans les valeurs des aînés.
 C'est
le souci de le contact  par la technique entre l'homme et la et cette ne fera que se confirmer.
  C'est
l'affirmation du qui rejette les priorités sociales, la ou le et réaffirme la souveraineté de l'esprit sur la .

Placez dans ce résumé chacun des termes proposés ci-dessous :
détérioré - enfin - matière - courants - péjoratives - excessives - carriérisme - aussi - éphémères - romantisme - nature - rentabilité - irréalisme - modifier - rétablir - moi - novateurs - jeunesse - tendance - nouvelles - matérialisme - d'abord - spirituelles - embrigader - figées.

 

 

EXERCICE 5

  Éloge de la parole

   Les propos de Socrate contre l’écriture sont loin d'être ceux du marginal grincheux que l'on évoque parfois. Ils sont au contraire au cœur d'un rapport à l'écriture courant dans l'Antiquité grecque et romaine (jusqu'au seuil de l'Empire, qui réservera un accueil plus favorable à l'écriture comme moyen de contrôle social). L'oral reste en effet le moyen de communication privilégié pour tout ce qui est essentiel à la vie publique, l'écrit n'ayant qu'un rôle d'appoint et de retranscription. Nous sommes là en présence d'une norme sociale forte, qui veut par exemple que tout au long de l'Antiquité, au moins jusqu'à l'Empire, il ait été impensable qu'un orateur lise un texte. Le débat qui témoigne d'une tension entre la parole et la communication concerne la résistance qui s'inaugure dans le monde grec à ce qui est vécu comme une artificialisation de la parole. Les sophistes, véritables professionnels de la parole, se voient accusés de manipulation dès qu'ils prétendent travailler le langage, le mettre en forme pour convaincre. Ce débat entre parole authentique et parole manipulée va traverser, jusqu'à aujourd'hui, toute l'histoire de la rhétorique et du rapport moderne à la parole et au langage. Aujourd’hui même la parole ne sort pas indemne de ce qu'elle est obligée de se donner des outils pour être communiquée. Plus ceux-ci éloignent la parole de l'oral et du face-à-face, plus la suspicion gagne. C'est pourquoi, loin de s'être succédé, les différents moyens de communication se sont cumulés, avec un privilège maintenu pour l'oral.
   Pourquoi l'oral est-il supérieur ? Un phénomène capital, dont aucun système d'écriture connu ne conserve la trace, le fait bien apparaître. Ce phénomène est l'intonation, qui stratifie souvent le discours oral en une structure hiérarchique où le message principal n'est pas prononcé sur le même registre selon les propositions imbriquées les unes dans les autres au sein de la phrase. Une reproduction graphique qui, bien qu'exacte pour le reste, ne note pas l'intonation, peut paraître quasiment inintelligible. L'écriture, comme l'image, est une réduction, une parole contrainte pour pouvoir durer, aller plus loin. Gain d'un côté, perte de l'autre. L'oral (comme le gestuel) serait plus proche de la parole, car il engage tout l'être dans une intonation globale. L'éloge de la parole est d'abord un éloge du face-à-face. Chacun d'entre nous est en fait confronté quotidiennement à une question simple (en théorie) : quel est le moyen de communication le plus approprié pour la parole que je souhaite tenir ? On constatera que plus la parole tenue est forte, plus nous cherchons le recours, quand il est possible, au face-à-face.
   Ainsi le débat qui s'est instauré sur les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies de communication reprend à sa façon ces anciennes questions. On sait qu'Internet a été entouré de la promesse d'une meilleure communication. Nous sommes là, toutefois, au cœur d'une utopie, car ce réseau ne favorise que la communication indirecte. Sa promotion a même longtemps reposé sur une apologie à la fois de ce type de communication (vous pourrez tout faire de chez vous, sans sortir) et d'une disqualification de la rencontre directe. Les propositions de cette utopie vont même plus loin. Du fait du développement des moyens de communication, la parole serait « meilleure » et la violence, liée au face-à-face, reculerait. L'illusion est ici à son comble, car au cœur de cette utopie est tapie une croyance de nature quasi religieuse et que l'on pourrait résumer ainsi : la communication, l'usage croissant de moyens de communication, sanctifierait la parole ainsi transportée.
   Pourtant la réalité d'Internet est plus modeste. Le réseau remplit en fait trois fonctions bien distinctes et qui sont chacune le prolongement d'un moyen de communication plus ancien. Le courrier électronique, d’abord, a repris les fonctions de la poste, avec une efficacité accrue mais sans changement structurel sur la nature de la parole ainsi échangée. On rencontre là les mêmes problèmes que dans l'usage général de l'écrit qui ne peut jamais prétendre qu'au statut de complément ou de substitut de la rencontre directe et de la parole face-à-face. Les sites Web, ensuite, ont certes accru notre pouvoir d'accéder à l'information, mais le problème de la qualité, de la validité et de la pertinence des informations en ligne reste posé. La meilleure information reste finalement celle qui est garantie par le médiateur le plus fiable, donc le plus proche, celui en qui l'on a confiance. Enfin les forums de discussion qui organisent des échanges indirects ne permettent pas toute l'ouverture de la communication que l'on avait supposée initialement. Ils servent surtout aux communautés déjà constituées et ne sont que de peu d'aide pour ouvrir le champ de la parole. Il s'y succéderait plutôt des « doubles dialogues », où chacun s'exprime sans forcément écouter l'autre.
   On peut en conclure qu’il est difficile d'argumenter à distance avec des personnes qu'on ne connaît pas, et d'ailleurs pour quoi leur dire ? Il ne suffit pas d'avoir à sa disposition un moyen de communication : encore faut-il avoir une parole à transmettre. Le fétichisme qui a entouré ces derniers temps la communication et ses techniques ne doit pas nous faire perdre de vue cette réalité fondamentale : la parole est bien la finalité de la communication.

Philippe BRETON, Éloge de la parole, 2003 .

 CORRECTION

 

Exercice  6 :   Claude ROY. L'apothéose du mot communication.
(Télérama, 12 juin 1985).
Vous présenterez une contraction de ce texte en 18O mots (un écart de 10 % en plus ou en moins est admis). Vous indiquerez le nombre de mots que comporte votre travail.
Complétez cette contraction de 180 mots en remplissant les espaces blancs par les mots-clés proposés.

  Les mots, les pauvres mots ont de grandes douleurs. On ne peut pas dire qu'ils souffrent en silence, puisqu'ils sont paroles. Mais ils souffrent. On les met à tous les usages, on leur fait tout dire, et le contraire de tout, on les met au service du noir et du blanc, de la vérité et du mensonge, de la paix et de la guerre. Il arrive même qu'ils en perdent la tête, c'est-à-dire le sens. Qu'ils en perdent même la vie : il y a des mots qui ont tant servi, et à de si drôles d'usages, qu'on n'ose plus les utiliser.
  Sans aller jusqu'à cette extrémité, périr en services commandés, les mots ont une histoire. Prenons le mot communication. Il y a une vingtaine d'années, c'était un terme auré de mélancolie et de déréliction. Il résonnait en mineur, comme un andante à fleur de larmes. Le drame d'exister, c'était que la communication entre les êtres est impossible. Tous les vivants sont des captifs solitaires, murés dans des cellules bétonnées ou des in pace profonds. Vanité des vanités, tout échange entre « existants » n'est que vanité. Malentendu des malentendus, tout n'est que malentendus. Alas, poor Yorick, la communication est coupée ! La mode intellectuelle était de prononcer le mot communication sur un ton à mi-chemin du chant funèbre et de la dérision.
  On pourrait objecter que nous souffrons ou nous réjouissons peut-être davantage d'un excès de communication que de son insuffisance. Communication verbale et communication sans mots nous entourent et nous assaillent sans relâche. Le visage muet et douloureux de cet inconnu, dans le métro ou le train, nous communique sa détresse. Le sourire de soleil de cette jeune fille dans la rue nous communique son allégresse. L'univers est une perpétuelle station émettrice de messages, une gigantesque entreprise de communication : les humains communiquent entre eux (parfois trop), les animaux, les plantes et les étoiles n'arrêtent pas de nous faire des signes.
  Quand les sémiologues ont pris la relève des existentialistes, la communication a tout de même repris du poil de la bête. Comme nous sommes toujours tentés de corriger un excès par un autre excès, on serait plutôt passé du manque de communication au trop-plein de signification, et de la déploration de notre solitude aux joyeux délires d'interprétation. Tout parle, tout veut dire, tout communique, et le fétu de paille dans le vent attend son interprète qui traduira son message (souvent un charabia).
  Dans l'usage quotidien, le mot communication est passé de l'ancienne tonalité de glas, du personnage de Beckett prisonnier jusqu'au cou d'une jarre ou d'un tas de sable, à une sonorité de joyeux clairon, au sourire épanoui du héros de la Communication. La Communication englobe tout, la parole et l'image, le locuteur et le câble porteur, le signifiant, l'insignifiant et le signifié, les médias et l'immédiat, le ministre de la Communication et la communication du ministre, l'émetteur et l'émis. Il y a dans les journaux des rubriques « Communication ». On forme des spécialistes de la communication. Devant un patient qui souffre de mutisme persistant, le Docteur Tans Pis et le Docteur Tant Mieux opinent en chœur : « il a un problème de communication ».
  Il n'est pas très certain que cette apothéose du mot communication corresponde à un progrès dans la réalité. Un des aspects dé cette Société du Spectacle qu'a décrite et analysée Guy Debord, c'est la Communication-Spectacle, pratiquée sur les mille formes de l'interviouve, de l'entretien, de la table ronde et du « colloque », dans la presse, à la radio, à la télévision, à l'université. J'ai longtemps cru que le rêve qui poursuit toute leur vie les anciens étudiants, le rêve de l'examen, (on vous pose une question que vous ne comprenez pas sur un sujet dont vous ignorez tout), était le prototype de la situation angoissante. La réalité propose pourtant un type de situation peut-être pire : l'interviouveur qui, sur un sujet qui ne l'intéresse pas, qu'il ne connaît absolument pas et qu'il est bien décidé à ne jamais connaître, nous pose une question qui n'a aucun sens et à laquelle il souhaite qu'il soit répondu en trente-deux secondes, dans un flash aveuglant de communication-bidon.
  Quand on a eu la sottise de se mettre dans cette situation-supplice, en revanche quel plaisir (rare) : trouver un interlocuteur qui n'est pas un interviouveur, avoir en face de soi quelqu'un qui, au sens littéral et au sens général, a « étudié la question », sentir un intérêt, une curiosité vraie, et s'entendre poser ces questions qui sont le contraire de la fausse question définie par Robert Musil : « Une question mal posée, à laquelle on ne peut répondre ni par oui, ni par non, ni par rien. »
  A l'enseigne de la Communication, toute ne communique pas, hélas, ou bien ce qui est « communiqué » n'est que fausse monnaie, poudre aux yeux et paille des mots. Mais quand l'envie de connaître et la possibilité de savoir se retrouvent, est-ce que cela ne porte pas d'autres noms que communication ? Des noms assez beaux : conversation, échange, dialogue, rencontre ?

  A force d'utiliser les mots sans , on finit par les priver de sens, et même par les condamner à mort. Il en est ainsi du mot communication. Il était entouré naguère encore de désespérées par lesquelles on signifiait la fatale des êtres. C'est d'ailleurs plus la des messages qui pose problème que leur , car tout est signe autour de nous et tout a son langage.
Avec la 
, la communication est devenue une et tout le monde, de l'homme politique au savant, s'est mis à le moindre langage.
Gardons-nous de nous en
. Notre société a fait de la communication un qui met souvent sur la scène des  chez qui l'indifférence le dispute à l' .
Quelle joie, au contraire, de rencontrer quelqu'un qui allie l'
à la ! Le mot communication cache beaucoup de . Mais quand la et l' se réalisent, n'y a-t-il pas des mots plus beaux que communication pour les ?

Placez dans ce résumé chacun des termes proposés ci-dessous :
vide - sémiologie - pléthore - sagacité - mode - échange - signifier - discernement - connotations - curiosité - carence - incommunicabilité - féliciter - questionneurs - écoute -  spectacle - valoriser - ignorance.

 

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