MONTAIGNE - Essais - Livre III
Chapitre XIII
De l'expérience

(extrait)

orthographe non modernisée

 

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[...]

  Quand je dance, je dance; quand je dors, je dors; voire, et quand je me promeine solitairement en un beau vergier, si mes pensees se sont entretenues des occurrences estrangieres quelque partie du temps, quelque autre partie, je les rameine à la promenade, au vergier, à la douceur de cette solitude, et à moy. Nature a maternellement observé cela, que les actions qu'elle nous a enjoinctes pour nostre besoing, nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l'appetit : c'est injustice de corrompre ses regles.

  Quand je vois, et Cæsar, et Alexandre, au plus espais de sa grande besongne, jouyr si plainement des plaisirs naturels, et par consequent necessaires et justes, je ne dicts pas que ce soit relascher son ame, je dicts que c'est la roidir, sousmetant par vigueur de courage à l'usage de la vie ordinaire ces violentes occupations et laborieuses pensées. Sages, s'ils eussent creu que c'estoit là leur ordinaire vacation, cette-cy l'extraordinaire. Nous sommes de grands fols : « Il a passé sa vie en oisiveté, disons-nous; je n'ay rien faict d'aujourd'huy. - Quoy, avez-vous pas vescu ? C'est non seulement la fondamentale, mais la plus illustre de vos occupations. - Si on m'eust mis au propre des grands maniements, j'eusse montré ce que je sçavois faire. - Avez vous sceu mediter et manier vostre vie ? vous avez faict la plus grande besoigne de toutes. »
 
  Pour se montrer et exploicter, nature n'a que faire de fortune, elle se montre egallement en tous estages, et derriere, comme sans rideau. Composer nos meurs est nostre office, non pas composer des livres, et gaigner, non pas des batailles et provinces, mais l'ordre et tranquillité de nostre conduite. Nostre grand et  glorieux chef-d'oeuvre, c'est vivre à propos. Toutes autres choses; regner, thesauriser, bastir, n'en sont qu'appendicules et adminicules, pour le plus. Je prens plaisir de voir un general d'armée au pied d'une breche qu'il veut tantost attaquer, se prestant tout entier et delivre à son disner, son devis, entre ses amys; et Brutus, ayant le ciel et la terre conspirez à l'encontre de luy et de la liberté Romaine, desrober à ses rondes quelque heure de nuict, pour lire et breveter Polybe en toute securité. C'est aux petites ames, ensepvelies du pois des affaires, de ne s'en sçavoir purement desmesler, de ne les sçavoir et laisser et reprendre :

O fortes pejoráque passi,
Mecum sæpe viri, nunc vino pellite curas,
Cras ingens iterabimus æquor.
1

  Soit par gosserie, soit à certes, que le vin theologal et Sorbonique est passé en proverbe, et leurs festins, je trouve que c'est raison, qu'ils en disnent d'autant plus commodéement et plaisamment, qu'ils ont utilement et serieusement employé la matinée à l'exercice de leur escole. La conscience d'avoir bien dispensé les autres heures, est un juste et savoureux condimant des tables. Ainsin ont vescu les sages; et cette inimitable contention à la vertu qui nous estonne en l'un et l'autre Caton, cett' humeur severe jusques à l'importunité, s'est ainsi mollement submise et pleue aux loix de l'humaine condition et de Venus et de Bacchus, suivant les preceptes de leur secte, qui demandent le sage parfaict autant expert et entendu à l'usage des voluptez naturelles qu'en tout autre devoir de la vie. Cui cor sapiat, ei et sapiat palatus.2

  Le relaschement et facilité, honore, ce semble, à merveilles et sied mieux à une ame forte et genereuse. Epaminondas n'estimoit pas que de se mesler à la dance des garçons de sa ville, de chanter, de sonner, et s'y embesongner avec attention fut chose qui desrogeat à l'honneur de ses glorieuses victoires, et à la parfaicte reformation des meurs qui estoit en luy. Et parmy tant d'admirables actions de Scipion l'ayeul, personnage digne de l'opinion d'une origine celeste, il n'est rien qui luy donne plus de grace, que de le voir nonchalamment et puerilement baguenaudant à amasser et choisir des coquilles, et jouer à cornichon-va-devant, le long de la marine avec Lælius, et, s'il faisoit mauvais temps, s'amusant et se chatouillant, à representer par escript en comedies les plus populaires et basses actions des hommes, et la teste pleine de cette merveilleuse entreprinse d'Annibal et d'Afrique, visitant les escholes en Sicile, et se trouvant aux leçons de la philosophie jusques à en avoir armé les dents de l'aveugle envie de ses ennemis à Rome. Ny chose plus remarquable en Socrates que ce que, tout vieil, il trouve le temps de se faire instruire à baller, et jouer des instrumens, et le tient pour bien employé.

[...]
  Le peuple se trompe : on va bien plus facilement par les bouts, où l'extremité sert de borne d'arrest et de guide, que par la voye du milieu, large et ouverte, et selon l'art, que selon nature, mais bien moins noblement aussi, et moins recommendablement. La grandeur de l'ame n'est pas tant tirer à mont et tirer avant, comme sçavoir se ranger et circonscrire. Elle tient pour grand, tout ce qui est assez, et montre sa hauteur à aimer mieux les choses moyennes que les eminentes. Il n'est rien si beau et legitime que de faire bien l'homme et deuëment, ny science si ardue que de bien et naturellement sçavoir vivre cette vie; et de nos maladies la plus sauvage, c'est mespriser nostre estre. Qui veut escarter son ame le face hardiment, s'il peut, lors que le corps se portera mal, pour la descharger de cette contagion; ailleurs au contraire, qu'elle l'assiste et favorise et ne refuse point de participer à ses naturels plaisirs et de s'y complaire conjugalement, y apportant, si elle est plus sage, la moderation, de peur que par indiscretion, ils ne se confondent avec le desplaisir.

  L'intemperance est peste de la volupté, et la temperance n'est pas son fleau : c'est son assaisonnement. Eudoxus, qui en establissoit le souverain bien, et ses compaignons, qui la montarent à si haut prix, la savourerent en sa plus gracieuse douceur, par le moyen de la temperance, qui fut en eux singuliere et exemplaire. J'ordonne à mon ame de regarder et la douleur et la volupté, de veuë pareillement reglée ("eodem enim vitio est effusio animi in lætitia, quo in dolore contractio3") et pareillement ferme, mais gayement l'une, l'autre severement, et selon ce qu'elle y peut apporter, autant songneuse d'en esteindre l'une que d'estendre l'autre. Le voir sainement les biens tire apres soy le voir sainement les maux. Et la douleur a quelque chose de non evitable, en son tendre commencement, et la volupté quelque chose d'evitable en sa fin excessive. Platon les accouple, et veut que ce soit pareillement l'office de la fortitude combatre à l'encontre de la douleur et à l'encontre des immoderées et charmeresses blandices de la volupté. Ce sont deux fontaines ausquelles qui puise, d'où, quand et combien il faut, soit cité, soit homme, soit beste, il est bien heureux. La premiere, il la faut prendre par medecine et par necessité, plus escharsement; l'autre, par soif, mais non jusques à l'ivresse. La douleur, la volupté, l'amour, la haine, sont les premieres choses que sent un enfant; si, la raison survenant, elles s'appliquent à elle, cela c'est vertu.

  J'ay un dictionaire tout à part moy : je passe le temps, quand il est mauvais et incommode; quand il est bon, je ne le veux pas passer, je le retaste, je m'y tiens. Il faut courir le mauvais, et se rassoir au bon. Cette fraze ordinaire de passe-temps, et de passer le temps represente l'usage de ces prudentes gens, qui ne pensent point avoir meilleur compte de leur vie que de la couler et eschaper, de la passer, gauchir, et, autant qu'il est en eux, ignorer et fuir, comme chose de qualité ennuyeuse et desdaignable. Mais je la cognois autre, et la trouve et prisable et commode, voyre en son dernier decours, où je la tiens; et nous l'a nature mise en main, garnie de telles circonstances, et si favorables, que nous n'avons à nous plaindre qu'à nous si elle nous presse et si elle nous eschappe inutilement. Stulti vita ingrata est, trepida est, tota in futurum fertur4. Je me compose pourtant à la perdre sans regret, mais comme perdable de sa condition, non comme moleste et importune. Aussi ne sied-il proprement bien, de ne se desplaire à mourir qu'à ceux qui se plaisent à vivre. Il y a du mesnage à la jouyr; je la jouis au double des autres, car la mesure en la jouissance depend du plus ou moins d'application, que nous y prestons. Principallement à cette heure que j'aperçoy la mienne si briefve en temps, je la veux estendre en pois; je veux arrester la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma sesie, et par la vigueur de l'usage compenser la hastiveté de son escoulement; à mesure que la possession du vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine.

  Les autres sentent la douceur d'un contentement, et de la prosperité; je la sens ainsi qu'eux, mais ce n'est pas en passant et glissant. Si la faut-il estudier, savourer et ruminer, pour en rendre graces condignes à celuy qui nous l'ottroye. Ils jouyssent les autres plaisirs comme ils font celluy du sommeil, sans les cognoistre. A celle fin que le dormir mesme ne m'eschapast ainsi stupidement, j'ay autresfois trouvé bon qu'on me le troublat pour que je l'entrevisse. Je consulte d'un contentement avec moy, je ne l'escume pas; je le sonde, et plie ma raison à le recueillir, devenue chagreigne et desgoustée. Me trouve-je en quelque assiette tranquille ? y a il quelque volupté qui me chatouille ? je ne la laisse pas friponer aux sens, j'y associe mon ame, non pas pour s'y engager, mais pour s'y agreer, non pas pour s'y perdre, mais pour s'y trouver; et l'employe de sa part à se mirer dans ce prospere estat, à en poiser et estimer le bon heur, et l'amplifier. Elle mesure combien c'est qu'elle doibt à Dieu, d'estre en repos de sa conscience et d'autres passions intestines, d'avoir le corps en sa disposition naturelle, jouissant ordonnéement et competemmant des functions molles et flateuses par lesquelles il luy plait compenser de sa grace les douleurs de quoy sa justice nous bat à son tour, combien luy vaut d'estre logee en tel poinct que, où qu'elle jette sa veuë, le ciel est calme autour d'elle; nul desir, nulle crainte ou doubte qui luy trouble l'air, aucune difficulté passée, presente, future, par dessus laquelle son imagination ne passe sans offence. Cette consideration prent grand lustre de la comparaison des conditions differentes. Ainsi je me propose, en mille visages, ceux que la fortune ou que leur propre erreur emporte et tempeste, et encores ceux-cy, plus près de moy, qui reçoyvent si lâchement et incurieusement leur bonne fortune. Ce sont gens qui passent voyrement leur temps; ils outrepassent le present, et ce qu'ils possedent, pour servir à l'esperance et pour des ombrages et vaines images que la fantasie leur met au devant,

Morte obita quales fama est volitare figuras,
Aut quæ sopitos deludunt somnia sensus
5 ,

lesquelles hastent et allongent leur fuitte, à mesme qu'on les suit. Le fruict et but de leur poursuitte, c'est poursuivre, comme Alexandre disoit que la fin de son travail, c'estoit travailler,

Nil actum credens cum quid superesset agendum6.

  Pour moy donc, j'ayme la vie et la cultive telle qu'il à pleu a Dieu nous l'octroier. Je ne vay pas desirant, qu'elle eust à dire la necessité de boire et de manger, et me sembleroit faillir non moins excusablement, de desirer qu'elle l'eust double (Sapiens divitiarum naturalium quæsitor acerrimus7), ny que nous nous sustantissions mettant seulement en la bouche un peu de cette drogue par laquelle Epimenides se privoit d'appetit et se maintenoit, ny qu'on produisist stupidement des enfans, par les doigts ou par les talons, ains, parlant en reverence, plus tost qu'on les produise encore voluptueusement par les doigts et par les talons, ny que le corps fut sans desir et sans chatouillement. Ce sont plaintes ingrates et iniques. J'accepte de bon coeur, et recognoissant, ce que nature a faict pour moy, et m'en agrée et m'en loue. On fait tort à ce grand et tout puissant donneur de refuser son don, l'annuller et desfigurer. Tout bon, il a faict tout bon. Omnia quæ secundum naturam sunt, æstimatione digna sunt8.

  Des opinions de la philosophie, j'embrasse plus volontiers celles qui sont les plus solides, c'est à dire les plus humaines, et nostres : mes discours sont, conformément à mes meurs, bas et humbles. Elle faict bien l'enfant, à mon gré, quand elle se met sur ses ergots, pour nous prescher que c'est une farouche alliance de marier le divin avec le terrestre, le raisonnable avec le desraisonnable, le severe à l'indulgent, l'honneste au des-honneste, que volupté est qualité brutale, indigne que le sage la gouste : le seul plaisir, qu'il tire de la jouyssance d'une belle jeune espouse, c'est le plaisir de sa conscience, de faire une action selon l'ordre, comme de chausser ses bottes pour une utile chevauchee. N'eussent ses suyvans non plus de droit et de nerfs et de suc au despucelage de leurs femmes qu'en a sa leçon ! Ce n'est pas ce que dict Socrates, son precepteur et le nostre. Il prise, comme il doit, la volupté corporelle, mais il prefere celle de l'esprit, comme ayant plus de force, de constance, de facilité, de varieté, de dignité. Cette cy ne va nullement seule selon luy (il n'est pas si fantastique), mais seulement premiere. Pour luy, la temperance est moderatrice, non adversaire des voluptez.

  Nature est un doux guide, mais non pas plus doux, que prudent et juste. Intrandum est in rerum naturam, et penitus quid ea postulet, pervidendum9. Je queste par tout sa piste : nous l'avons confonduë de traces artificielles; et ce souverain bien Academique, et Peripatetique, qui est vivre selon icelle, devient à ceste cause difficile à borner et expliquer; et celuy des Stoïciens, voisin à celuy-là, qui est consentir à nature. Est ce pas erreur d'estimer aucunes actions moins dignes de ce qu'elles sont necessaires ? Si ne m'osteront-ils pas de la teste que ce ne soit un très-convenable mariage du plaisir avec la necessité, avec laquelle, dict un ancien, les Dieux complottent tousjours. A quoy faire desmembrons nous en divorce un bastiment tissu d'une si joincte et fraternelle correspondance ? Au rebours, renouons le par mutuels offices. Que l'esprit esveille et vivifie la pesanteur du corps, le corps arreste la legereté de l'esprit, et la fixe. Qui velut summum bonum, laudat animæ naturam, et tanquam malum naturam carnis accusat, profecto et animam carnaliter appetit, et carnem carnaliter fugit, quoniam id vanitate sentit humana, non veritate divina10. Il n'y a piece indigne de nostre soin en ce present que Dieu nous a faict; nous en devons conte jusques à un poil. Et n'est pas une commission par acquit à l'homme de conduire l'homme selon sa condition : elle est expresse, naïfve et très-principale, et nous l'a le createur donnee serieusement et severement. L'authorité peut seule envers les communs entendemens, et poise plus en langage peregrin. Reschargeons en ce lieu. Stultitiæ proprium quis non dixerit, ignavè et contumaciter facere quæ facienda sunt : et alio corpus impellere, alió animum : distrahique inter diversissimos motus11?

  Or sus, pour voir, faictes vous dire un jour, les amusemens et imaginations que celuy là met en sa teste, et pour lesquelles il destourne sa pensée d'un bon repas et plainct l'heure qu'il employe à se nourrir; vous trouverez qu'il n'y a rien si fade en tous les mets de vostre table que ce bel entretien de son ame (le plus souvent il nous vaudroit mieux dormir tout à faict, que de veiller à ce à quoy nous veillons), et trouverez que son discours et intentions ne valent pas vostre capirotade. Quand ce seroient les ravissemens d'Archimedes mesme, que seroit-ce ? Je ne touche pas icy et ne mesle point à cette marmaille d'hommes que nous sommes et à ceste vanité de desirs et cogitations qui nous divertissent, ces ames venerables, eslevées par ardeur de devotion et religion à une constante et conscientieuse meditation des choses divines, lesquelles, preoccupans par l'effort d'une vifve et vehemente esperance l'usage de la nourriture eternelle, but final et dernier arrest des Chrestiens desirs, seul plaisir constant, incorruptible, desdaignent de s'attendre à nos necessiteuses commoditez, fluides et ambigues, et resignent facilement au corps le soin et l'usage de la pasture sensuelle et temporelle. C'est un estude privilegé. Entre nous, ce sont choses que j'ay tousjours veuës de singulier accord : les opinions supercelestes, et les meurs sousterraines.

  Esope ce grand homme vid son maistre qui pissoit en se promenant : « Quoy donq, fit-il, nous faudra-il chier en courant ? » Mesnageons le temps; encore nous en reste-il beaucoup d'oisif et mal employé. Nostre esprit n'a volontiers pas assez d'autres heures à faire ses besongnes, sans se desassocier du corps en ce peu d'espace qu'il luy faut pour sa necessité. Ils veulent se mettre hors d'eux et eschapper à l'homme. C'est folie; au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bestes; au lieu de se hausser, ils s'abbattent. Ces humeurs transcendantes m'effrayent, comme les lieux hautains et inaccessibles; et rien ne m'est à digerer fascheux en la vie de Socrates que ses ecstases et ses demoneries, rien si humain en Platon que ce pourquoy ils disent qu'on l'appelle divin. Et de nos sciences, celles-là me semblent plus terrestres et basses qui sont les plus haut montees. Et je ne trouve rien si humble et si mortel en la vie d'Alexandre que ses fantasies autour de son immortalisation. Philotas le mordit plaisamment par sa responce; il s'estoit conjouy avec luy par lettre de l'oracle de Jupiter Hammon, qui l'avoit logé entre les Dieux : « Pour ta consideration, j'en suis bien ayse, mais il y a de quoy plaindre les hommes qui auront à vivre avec un homme et luy obeyr, lequel outrepasse et ne se contente de la mesure d'un homme.»  Diis te minorem quod geris, imperas12.

  La gentille inscription dequoy les Atheniens honnorerent la venue de Pompeius en leur ville, se conforme à mon sens :

D'autant es tu Dieu, comme
Tu te recognois homme.

C'est une absolue perfection, et comme divine, de sçavoir jouyr loiallement de son estre. Nous cherchons d'autres conditions, pour n'entendre l'usage des nostres, et sortons hors de nous, pour ne sçavoir quel il y fait. Si, avons nous beau monter sur des eschasses, car sur des eschasses encores faut-il marcher de nos jambes. Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes nous assis que sus nostre cul.

  Les plus belles vies, sont à mon gré, celles, qui se rangent au modelle commun et humain, avec ordre, mais sans miracle et sans extravagance. Or la vieillesse a un peu besoin d'estre traictée plus tendrement. Recommandons la à ce Dieu, protecteur de santé et de sagesse, mais gaye et sociale :

Frui paratis et valido mihi
Latoe, dones, et, precor, integra
Cum mente, nec turpem senectam
Degere, nec cythara carentem.
13


1- " Braves guerriers, qui avez souvent partagé avec moi de plus rudes épreuves, aujourd'hui noyez vos soucis dans le vin; demain nous voguerons sur la mer immense." (Horace, Odes, I, VII, 30) 
2- "Que celui qui a le cœur sage ait aussi le palais délicat." (Paraphrase de Cicéron, De finibus, II, 8). 

3- "La dilatation de l’âme dans la joie n’est pas moins blâmable que sa contraction dans la douleur."  (Cicéron, Tusculanes, IV, XXXI).
4- "La vie de l'insensé est ingrate, elle est trouble; elle se porte tout entière dans l'avenir" (Sénèque, Épîtres, XV).
5- "Pareils à ces fantômes qui voltigent, dit-on, après la mort ou à ces songes qui abusent nos sens assoupis." (Virgile, Enéide, X, 641). 

6- "Croyant n'avoir rien fait tant qu'il restait quelque chose à faire." (Lucain, Pharsale, II, 637)
7- "Le sage recherche avec beaucoup d'avidité les richesses naturelles." (Sénèque, Épîtres, 119) 
8- "Tout ce qui est selon la nature est digne d'estime." ( Cicéron, De finibus, III, 6)
9- "Il faut entrer dans la nature des choses et voir exactement ce qu'elle exige."  ( Cicéron, De finibus, V, 16)
10
-  "Quiconque vante l'âme comme le souverain bien et condamne la chair comme mauvaise, assurément il embrasse et chérit l'âme charnellement et charnellement fuit la chair parce qu'il en juge selon la vanité humaine, non d'après la vérité divine." (Saint Augustin, Cité de Dieu, XIV, 5)
11-  "Qui n'avouent pas que le propre de la sottise soit de faire lâchement et en maugréant ce qu'on est forcé de faire, de pousser le corps d'un côté et l'âme de l'autre, de se partager entre des mouvements si contraires." (Sénèque, Épîtres, 74) 
12- "C'est en te soumettant aux dieux que tu règnes sur le monde." (Horace, Odes, III, VI, V)
13- "De jouir des biens que j'ai acquis, avec une santé robuste, voilà ce que je te demande de m'accorder, fils de Latone, et je t'en prie, que mes facultés restent entières; fais que ma vieillesse ne soit pas ridicule et puisse encore toucher la lyre." (Horace, Odes, I, XXXI, 17).

 

 

 


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