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Le
résumé (ou contraction) de texte suppose une bonne
connaissance des caractères du discours
argumentatif, dont vous trouverez les notions
indispensables sur les pages du site consacrées
aux épreuves du Baccalauréat ou du BTS :
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Dans
le cadre des programmes des années précédentes, vous
trouverez des éléments méthodologiques et des exemples de
résumés :
EXEMPLE
1
TEXTE |
OBSERVATIONS |
La démocratie, au sens étymologique du mot,
désigne le gouvernement par le peuple. Une réflexion
sur ses nouvelles formes passe naturellement par
l’examen de la place des citoyens dans
l’organisation et la direction des affaires
publiques. Elle passe également par l’étude de la
persistance de l’oligarchie et de l’autocratie dans
nos sociétés, puisque l’idéal démocratique est né du
rejet de la loi du plus fort et de la hiérarchie
sociale au profit des principes d’égalité et de
liberté.
Mesurer la participation citoyenne implique donc
de jeter d'abord un
regard attentif sur divers aspects de la vie
politique comme le taux de participation aux
processus électoraux, le niveau de l’engagement
social et de l’action militante, l’efficacité des
différentes méthodes de participation publique, la
compétence civique ainsi que le niveau de l’éthique
sociale des citoyens. On doit également
considérer l’influence qu’exercent les principaux
acteurs de la scène publique que sont les
politiciens et les médias puis se demander si
l’espace décisionnel accordé aux citoyens est
suffisant ou s’il n’y a pas lieu de l’élargir et de
l’augmenter de façon significative. Enfin,
il importe de jeter un regard attentif aux nouvelles
formes de participation citoyenne élaborées et
expérimentées depuis un certain nombre d’années
déjà.
Il n’est pas sans intérêt de rappeler au
préalable qu’être citoyen
signifie justement posséder le droit, sinon le
privilège de participer librement à la vie de la
communauté politique à laquelle on appartient. Cette
participation se fait par la discussion avec les
autres membres de la collectivité pour déterminer
les paramètres du bien commun parce que le dialogue
fondé sur la tolérance, le respect et l’empathie
permet de concilier davantage les intérêts
individuels et l’intérêt général dans l’esprit d’une
coexistence harmonieuse et pacifique. Incidemment,
plusieurs études contemporaines ont démontré que la
participation des citoyens dans l’élaboration des
solutions aux problèmes de leur communauté comporte
d’énormes avantages. Cela permet d'abord
d’éveiller les consciences et de développer la
compétence civique en faisant reculer les frontières
de l’ignorance. Cela favorise également
l’esprit communautaire lequel exige confiance,
coopération et compromis entre les individus. Cela
améliore enfin la
prise de décision, la rendant plus juste, plus
rationnelle, plus adéquate, plus acceptable et mieux
acceptée. À cet égard, il est intéressant de noter
que les plus récentes recherches en politiques
publiques sur l’architecture sociale révèlent que,
appelés à définir le bien-être au vingt et unième
siècle, les citoyens eux-mêmes soulignent
l’importance de développer des occasions
significatives d’engagement et de participation
civiques.
En effet,
si la démocratie est une forme très ancienne de
gouvernement, la réalité montre qu’elle est en même
temps très jeune et même, à bien des égards,
relativement embryonnaire. Dans l’histoire moderne,
elle a, presque partout, à peine un siècle. Auparavant,
la majorité des citoyens, principalement les
femmes, n’avaient même pas droit de vote. Et on
considérait en général qu’une fois leur bulletin
dans l’urne, les gens n’avaient plus rien à dire.
Le Parlement, institution fondatrice de la
démocratie moderne, était lui-même un pouvoir
oligarchique détenant le monopole de l’expression
démocratique et refusant d’inviter les citoyens à
l’accompagner dans l’exercice de ses
responsabilités. Cette façon de voir a été
remise en question dans la foulée de la
démocratisation de l’instruction, de l’accès au
savoir et de l’entrée en scène des médias de masse.
Il a fallu l’émergence d’une véritable opinion
publique pour que les représentants du peuple et les
dirigeants « élus » lèvent progressivement les
restrictions au droit de vote et à la création
d’associations citoyennes, puis qu’ils comprennent
qu’il leur était désormais indispensable non
seulement de prendre le pouls de la population, mais
également de négocier leurs interventions avec elle,
sinon de partager le pouvoir avec elle. De la «
démocratie sans le peuple », on a cherché à passer à
la « démocratie avec le peuple » pour donner
naissance à la participation publique, processus par
lequel ceux qui ont la mission de décider et
d’édicter les règles sociales invitent les citoyens
concernés à s’exprimer et à commenter les choix
envisagés.
Après quelques décennies d’usage, la question
est aujourd’hui
de savoir ce qu’a donné et donne toujours cette
participation citoyenne. Pour tous ceux qui s’y sont
intéressés, la participation publique présente un
bulletin équivoque. Dans la
colonne positive, on ne peut pas nier que
plusieurs décisions gouvernementales et
parlementaires ont pu être modifiées et même
abandonnées en faveur du point de vue citoyen. Les
autorités ont été éveillées à de nouvelles réalités
et de nombreux citoyens ont pu à maintes reprises
exprimer craintes et oppositions autant qu’avis et
accords. Au fil du temps,
plusieurs ont pu établir un contact régulier et un
dialogue fructueux avec la classe politique au
point où certains citoyens se sont vu confier des
responsabilités de gestionnaires locaux de
différents services défrayés par les fonds
publics. D’autres, les dirigeants des grandes
organisations socioéconomiques, ont même été
invités à assumer des responsabilités politiques
réelles dans le contexte de l’entrée en scène de
la démocratie sociale, produit des exercices de
concertation des grands acteurs sociaux.
Ce bilan positif comporte cependant
un revers. Les méthodes d’expression citoyenne
utilisées un peu partout, particulièrement les
audiences publiques, les comités consultatifs, les
groupes échantillons et les sondages d’opinion, se
sont très souvent révélées de mauvais canaux de
communication entre les citoyens et leurs
gouvernements. L’un des principaux reproches
formulés à l’endroit de ces méthodes est qu’elles ne
permettent généralement qu’un flot d’information à
sens unique, sans véritable interaction
significative ni influence déterminante. Elles sont
aussi presque toujours l’apanage des porte-parole
des groupes d’intérêt et des corps intermédiaires ou
des individus ayant un statut socioéconomique élevé.
La majorité des citoyens n’y sont pas directement
associés. Elles sont enfin davantage conçues pour
approuver sinon avaliser des décisions déjà prises,
pour tester l’opinion publique, pour vendre des
projets à la population si ce n’est pour la
contrôler jusqu’à la manipuler, plutôt que pour
favoriser une large participation citoyenne au
processus décisionnel. En somme, ces méthodes de
participation publique comportent dans leur nature
même des vices de forme qui les rendent passablement
contestables du point de vue démocratique. Si, en
général, elles permettent aux citoyens d’exprimer
leurs intérêts, leurs besoins, leur sentiment face
aux enjeux publics, elles ne permettent pas
cependant d’explorer à fond toutes les avenues, tous
les points de vue, de peser le pour et le contre, de
développer une véritable conscience collective ainsi
qu’une vision éclairée, stable et rationnelle,
nécessaire pour former un solide jugement public et
prendre une décision responsable tant sur le plan
moral qu’émotionnel. En définitive, les dirigeants
politiques utilisent davantage la participation
publique pour sa valeur symbolique sur le plan
démocratique que pour sa contribution effective aux
processus décisionnels.
On comprend donc
mieux pourquoi la participation publique suscite
aujourd’hui tant de frustration, de cynisme et de
désintérêt parmi la population. Pourtant,
paradoxalement, les citoyens sont de plus en plus
nombreux à vouloir participer de façon plus
renseignée, plus intense et plus efficace aux
orientations et aux activités de la sphère publique.
Rejetant la nature cosmétique des pratiques de
participation, de plus en plus de gens réclament
qu’on leur permette d’exercer une influence
significative, sinon un contrôle réel sur les
décisions qui concernent leurs conditions de vie et
leur environnement au sens le plus large du terme.
Cela explique pourquoi, un peu partout, plusieurs
cherchent et expérimentent de nouvelles méthodes
permettant l’instauration d’une véritable démocratie
participative.
Jean-Pierre Charbonneau
«De la démocratie sans le peuple à la démocratie
avec le peuple.»
Ethique
publique, 2005.
|
Première
étape
l'énonciation :
Une première, voire une seconde, lecture doit vous
amener à identifier les caractères essentiels du
texte, que votre résumé devra reproduire :
- situation
d'énonciation (de type expressif ici);
- niveau de langue (soutenu);
- vocabulaire : le texte ne présente pas de sérieuses
difficultés sur ce plan.
Attention néanmoins aux mots embryonnaire,
incidemment, oligarchique, frustration, cynisme,
cosmétique.
Deuxième
étape
thème, thèse :
- Efforcez-vous de formuler pour vous-même le sujet du
texte (au besoin, donnez-lui un titre.
Ici,
le texte pourrait s'intituler : D'une
démocratie introuvable).
- Plus important encore : repérez la (ou les) thèse(s)
et prenez soin de la (les) rédiger rapidement.
Dans ce texte, l'auteur, estime que malgré quelques
progrès la participation citoyenne est insuffisante.
Troisième
étape
l'organisation :
La lecture du texte vous fait percevoir par les
paragraphes différentes unités de sens. Cependant les
paragraphes constituent des indices insuffisants de
l'organisation. Vous savez que tout raisonnement
discursif s'accompagne de connexions logiques (nous
les soulignons en rouge
: en gras
pour les connexions essentielles) qui vous feront
percevoir l'enchaînement des arguments.
Comme toujours dans une argumentation, les
arguments s'accompagnent d'exemples : leur caractère
concret et circonstancié vous permet de les repérer
d'emblée (nous les soulignons en bleu).
C'est cette
organisation que nous vous invitons à représenter
précisément dans un tableau de structure
: ne pensez pas que le fait d'établir ce tableau au
brouillon vous fera perdre du temps. Une fois rempli,
il vous permettra au contraire d'aller plus vite dans
la reformulation, chaque unité de sens étant nettement
repérée :
- la colonne Parties sépare chaque étape de
l'argumentation, que la colonne Sous-Parties
décompose si nécessaire.
- la colonne Arguments vous permet
d'identifier rapidement chaque argument et d'aller
déjà vers son expression la plus concise en repérant
les mots-clefs. C'est cette colonne, surtout, qui vous
sera précieuse.
- quant à la colonne Exemples, elle vous
permet de repérer ce que votre résumé pourra ensuite
ignorer (attention cependant au fait qu'un long
paragraphe d'exemples peut avoir une valeur
argumentative !).
|
I
- TABLEAU DE STRUCTURE
Le
résumé
ne peut être réalisé sans une analyse précise de la
structure du texte. Il devra en effet rendre compte de
manière concise des relations qui lient les différents
arguments et de leur rapport respectif afin de donner une
image exacte de l'économie générale du texte. Il convient
pour cela de repérer les articulations logiques
(connecteurs, paragraphes, lexique) et de dresser un tableau
qui permettra de mieux distinguer ce qui est essentiel de ce
qui est accessoire.
PARTIES |
SOUS-PARTIES |
ARGUMENTS
(mots-clefs) |
EXEMPLES
|
La
démocratie... ? d'égalité et de
liberté.
(1er §)
Introduction. |
/
|
Il
convient d'examiner la place réelle des citoyens
dans la démocratie moderne. |
/ |
Mesurer...
implique donc
... ? nombre d'années
déjà.
(2ème §) Conséquence. |
...
jeter d'abord un regard
attentif... ? des
citoyens. |
Il
faut considérer les formes de la participation
citoyenne. |
/
|
On
doit également...?
significative. |
Il
faut étudier l'influence des politiques et des
médias. |
/ |
Enfin
il importe...? nombre
d'années déjà. |
Il
faut faire attention aux nouvelles formes de
participation. |
|
Il
n'est pas... au
préalable ?
participation civiques.
(3 §).
Exposé préliminaire. |
Il n'est pas sans intérêt... ?
d"énormes avantages.
|
La
participation des citoyens à leur communauté a
d'énormes avantages. |
/
|
Cela
permet d'abord
d'éveiller les
consciences... ? l'ignorance.
Cela favorise également...
? les individus.
Cela améliore enfin...
? participation civiques. |
Cela éveille les consciences;
favorise l'esprit communautaire;
améliore la prise de décision.
|
/
|
En
effet à parvenir...? les
choix envisagés
(4e §) Cause.
|
/
|
L'émergence
d'une véritable opinion publique impose une
démocratie avec le peuple. |
droit de vote
des femmes - caractère oligarchique du Parlement.
|
Après
quelques décennies... aujourd'hui
? processus décisionnels.
(5ème et 6ème §)
Opposition. |
Après
quelques... ?
bulletin équivoque. |
Le
bilan de cette participation est équivoque. |
/ |
Dans
la colonne positive... ?
acteurs sociaux. |
De
nombreuses décisions gouvernementales ont été
amendées par l'action citoyenne. |
responsabilité
de gestionnaires locaux. |
Ce
bilan positif... cependant?
processus décisionnels. |
Les
méthodes de participation publique restent
insuffisantes et réservées à certains. |
/ |
On
comprend donc ?
participative.
(7ème §) Conclusion |
|
Les
citoyens sont en quête de nouvelles méthodes. |
/
|
II
- REFORMULATION
RÉSUMEZ CE TEXTE EN
140 mots ±10%.
Les contraintes de l'exercice :
- une
reformulation fidèle au système énonciatif
(le jeu des pronoms, les registres) et à
l'organisation du texte (vous en
conserverez les connecteurs logiques essentiels).
- une
réduction en un nombre défini de mots assortie
d'une marge de + ou - 10% (rappelons
qu'on appelle mot toute unité
typographique signifiante séparée d'une autre par
un espace ou un tiret : ainsi c'est-à-dire
= 4 mots, mais aujourd'hui = 1 mot
puisque les deux unités typographiques n'ont pas
de sens à elles seules). Vous aurez soin
d'indiquer le nombre de mots que compte votre
résumé et d'en faciliter la vérification en
précisant nettement tous les cinquante mots le
nombre obtenu.
- une
recherche systématique de l'équivalence par des
synonymes.
- une
langue correcte, sur le plan de l'orthographe
comme de la syntaxe, qui évite le simple collage
des phrases-clés du texte.
|
Comment procéder ?
que
faut-il garder ?
la situation d'énonciation,
le système énonciatif,
la progression argumentative, les mots de liaison (ou leurs
équivalents).
que
faut-il supprimer ?
les exemples (s'ils ne sont pas trop développés ou s'il ne
s'agit pas d'exemples argumentatifs).
les redites : en dégageant la progression des arguments,
vous repérerez mieux ceux qui, dans chaque partie, se
répètent sous une autre forme.
comment
faire ?
englober : les exemples importants, les images
peuvent parfois se développer sur plusieurs lignes. Les
supprimer sans discernement serait dangereux. Mieux vaut les
réduire à une formulation plus dense.
nominaliser : une phrase complexe est
toujours susceptible d'être trop longue et lourde.
Choisissez dès que possible la phrase simple, l'adjectif au
lieu de la relative, le nom au lieu du verbe.
choisir des synonymes pertinents : c'est l'une
des difficultés du résumé. Votre niveau de vocabulaire fera
toujours la différence. Mais il ne faut pas non plus pousser
trop loin cette recherche de synonymes : relever un champ
lexical dominant peut donner quelques indications et
souffler quelques autres mots simples.
Proposons-nous de résumer ce texte de 1200 mots environ en
140 mots (±10%).
Nous allons décomposer la démarche en traitant successivement
chaque unité de sens dégagée par le tableau de structure.
Chacune d'elles nous offrira en outre de quoi appliquer les
règles essentielles de la concision. Vous observerez
comment, pour reformuler chaque unité de sens, le résumé
s'efforce de se limiter à une seule phrase.
PARTIES
|
Observations
sur les réductions
|
PROPOSITION
DE RÉSUMÉ |
1° §
|
/
|
Il importe
d'enquêter sur la place effective des citoyens
dans nos sociétés démocratiques et sur la
persistance des pouvoirs qui les gouvernent.
|
2°
§
|
La
succession des trois sous-parties peut aboutir à
une seule phrase.
|
Il faut
ainsi considérer les formes de la participation
citoyenne, étudier l'influence des politiques et
des médias, faire attention enfin aux nouvelles
formes de participation.
|
3° §
|
/
|
Rappelons
d'abord quelle est l'importance de cete
participation en démocratie. Elle éveille les
consciences, favorise l'esprit communautaire,
améliore la prise de décision.
|
4° §
|
L'adjectif
jeune suffit à rendre compte du passage
à l'actualité.
|
En
effet notre jeune démocratie a consacré le rôle de
l'opinion et de l'assentiment populaire. |
5° & 6° §
|
L'opposition
de ces paragraphes est rendue par un simple
balancement dans la phrase.
|
Le
bilan est mitigé : d'un côté plusieurs décisions
gouvernementales ont été amendées par l'action
citoyenne, mais d'un autre cette action reste
limitée et sert trop souvent d'alibi aux pouvoirs
en place. |
7° §
|
/
|
Les
citoyens sont donc à la recherche de formes
nouvelles de démocratie participative. |
Présentation
du résumé
|
Il
importe d'enquêter sur la place effective des
citoyens dans nos sociétés démocratiques et sur la
persistance des pouvoirs qui les gouvernent. Il faut
donc considérer les formes de la participation
citoyenne, étudier l'influence des politiques et des
médias, faire attention enfin aux nouvelles formes
de participation. Rappelons [50] d'abord quelle est
l'importance de cette participation en démocratie.
Elle éveille les consciences, favorise l'esprit
communautaire et améliore la prise de décision. En
effet notre jeune démocratie a consacré le rôle de
l'opinion et de l'assentiment populaire. Le bilan
est mitigé : d'un côté plusieurs [100] décisions
gouvernementales ont été amendées par l'action
citoyenne, mais, d'un autre, cette action reste
limitée et sert trop souvent d'alibi aux pouvoirs en
place. Les citoyens sont donc à la recherche de
formes nouvelles de démocratie participative.
[140 mots]
|
EXEMPLE
II
1
- Résumez ce texte en 170 mots.
L'idée de civilisation
Georges Bastide (Mirages et certitudes de la
civilisation, 1953)
Lorsque nous prononçons le mot de civilisation
dans la vie
quotidienne,
en dehors de
toute préoccupation d'analyse
et d'approfondissement philosophiques et en
nous laissant porter pour ainsi dire par le
sens commun,
il semble bien que nous entendions par ce mot
un certain nombre d'acquisitions dont le
caractère général et essentiel serait d'être imputables
à l'homme :
tout objet ou tout fait de civilisation porte
la marque
d'une présence
ou d'une intervention
humaine
actuelle ou passée; et inversement tout objet
ou tout fait qui ne révèle pas cette présence
ou cette intervention humaine sera classé
parmi les choses, non de la civilisation, mais
de la nature. Certes, dans tout objet de
civilisation, la matière est bien naturelle
car l'homme ne fait rien de rien, mais cette
matière a toujours subi une information de la
part de l'homme. "L'art, c'est l'homme ajouté
à la nature", a-t-on dit : c'est à cette
intervention humaine au sens large que nous
pensons aujourd'hui lorsque nous prononçons le
mot de civilisation. Le plus modeste sentier
de montagne est un fait de civilisation au
même titre que le plus somptueux des palais,
tandis qu'une hutte de castor ou une ruche
sont tenues pour des choses purement
naturelles, si habile que puisse nous en
paraître l'architecture.
A quoi reconnaissons-nous donc cette
présence , et cette intervention humaines
lorsqu'elles ne sont pas immédiatement
manifestes par l'action effective d'un être
humain ? C'est que nous percevons en tout fait
ou en tout objet de civilisation une
intentionnalité qui réveille aussitôt
un écho en nous-même.
Ces faits ou ces objets manifestent chez leurs
auteurs une tendance constante, spécifiquement
humaine, et
c'est pourquoi tout
homme la retrouve
aussitôt en lui. D'une façon toute générale,
ces acquisitions humaines qui constituent la
civilisation au sens le plus commun du mot,
témoignent de ce que l'on peut appeler, en un
sens tout aussi commun, une volonté d'affranchissement.
Ces acquisitions doivent, en effet, permettre
en premier lieu une indépendance
sans cesse accrue de l'homme par rapport aux fatalités
naturelles.
La nature fait-elle peser sur l'homme la fatalité
du nécessaire,
comme la nécessité
biologique
où nous sommes de marcher sur la terre ferme
et l'impossibilité
anatomique et physiologique
de traverser les mers et les airs ? La
civilisation s'ingénie à rendre ces nécessités
contingentes. La nature nous accable-t-elle de
la non moins lourde fatalité
de la contingence,
du hasard,
de l'imprévu,
comme en sont remplis tous les phénomènes
biologiques ? La civilisation s'efforce de
faire de ces contingences
des nécessités dont elle est maîtresse. C'est
cette volonté de nous rendre "maîtres
et possesseurs"
de la nature qui manifeste son intentionalité
spécifiquement humaine dans tous les faits de
civilisation.
Par voie de corollaire, les
acquisitions de la civilisation doivent
permettre en second lieu une richesse accrue
du clavier des désirs humains. Quand on a
soif, disait un ascète, c'est d'eau qu'on a
soif. Et cela devrait être vrai dans l'ordre
de la nature. Mais sur ce besoin
fondamental,
la civilisation peut broder mille variations.
Et non seulement elle peut broder à l'infini
sur les thèmes de la nature, mais elle peut
créer de toutes pièces des thèmes de désirs
nouveaux et sans analogie dans les comportement
vitaux élémentaires.
Dans cette catégorie entreraient tous les
faits de civilisation par lesquels s'oublient
le vouloir-vivre
de l'individu et de l'espèce
: la science
pure, l'art,
et toutes les formes d'activité
philosophique et religieuse
qui visent un objet transcendant, hors de ce
monde, et qui tiennent cependant une place
importante dans la notion de civilisation.
Enfin, en troisième lieu et toujours
par voie de corollaire, la civilisation permet
à ces désirs dont le clavier s'enrichit et se
nuance, d'obtenir une facilité plus grande
dans leurs moyens de satisfaction. Cette
facilité se traduit, dans son apparence
globale et selon le vœu de Descartes, par une
"diminution de la peine des hommes", dont
l'aspect objectif est une rapidité
plus grande dans la satisfaction des désirs,
une diminution
de l'intervalle
qui sépare la naissance du désir de son
assouvissement. Ce résultat est obtenu par
l'installation d'un système
de réponses pour ainsi dire automatiques
au geste par lequel se manifeste le désir
naissant. Dans ce système, à telle touche du
clavier doit répondre avec sécurité et promptitude
ce que réclame le désir.
Sous ce triple aspect général que nous
donne un premier contact avec la notion
commune, la civilisation nous apparaît donc
comme une sorte de monde où tout est à
l'échelle humaine en ce sens que tout y porte
la marque de cette intentionnalité
fondamentale par laquelle l'homme s'affranchit
des servitudes naturelles par le jeu d'un
accroissement quantitatif et qualitatif de ses
désirs ainsi que des moyens de le satisfaire.
Une vue instantanée prise sur ce monde nous y
montrerait une foule d'habitudes et
d'aptitudes chez les individus, une
collectivisation de ces habitudes et de ces
aptitudes dans des institutions et des mœurs,
le tout soutenu par une infrastructure
matérielle d'objets fabriqués dans lesquels
l'art s'ajoute à la nature pour en faire une
sorte d'immense machine à satisfaire avec
toujours plus de rapidité et de précision un
nombre toujours plus grand de désirs toujours
plus raffinés. Le civilisé est celui qui se
meut à l'aise dans ce monde.
|
A/
Réduire
les énumérations :
Trouvez un
mot (substantif ou adjectif) capable de rendre compte
des énumérations coloriées dans le texte :
1°§ :
dans la
vie quotidienne - en dehors de toute préoccupation
d'analyse - le sens commun
imputables
à l'homme - marque - présence - intervention humaine
2°§ : un
écho en nous-même - tendance - constante spécifiquement
humaine - tout homme la retrouve
affranchissement
- indépendance - maîtres et possesseurs
fatalités
naturelles
- fatalité du nécessaire - nécessité biologique -
impossibilité anatomique et physiologique - fatalité de
la contingence
contingences
- hasard - imprévu
3°§ :
besoin
fondamental - comportements vitaux élémentaires -
vouloir-vivre de l'individu et de l'espèce
science
pure - art - activité philosophique et religieuse
4°§ : rapidité
- système de réponses pour ainsi dire automatiques -
promptitude
B/ Inscrivez
les mots obtenus dans les espaces vides de ce résumé
(case
blanche pour les mots de liaison).
2
- RÉDUIRE UNE ENUMÉRATION.
Le
texte
ci-dessous énumère assez "lourdement" quatre
bons puis quatre mauvais usages de la parole.
Comment reformuler ce passage de manière plus
concise ?
|
Les
usages
particuliers de la parole sont les suivants :
premièrement, d'enregistrer ce que, en
réfléchissant, nous découvrons être la cause de
quelque chose présente ou passée, et ce que les
choses présentes peuvent produire ou réaliser, ce
qui, en somme est l'acquisition des arts.
Deuxièmement, de révéler aux autres cette
connaissance à laquelle nous sommes parvenus, ce qui
revient à se conseiller et à s'apprendre quelque
chose les uns aux autres. Troisièmement, de faire
savoir aux autres nos volontés et nos desseins, afin
que nous nous donnions les uns aux autres une aide
mutuelle. Quatrièmement, de contenter et
d'enchanter, soit nous-mêmes, soit les autres, en
jouant avec nos mots, pour le plaisir ou l'agrément,
innocemment.
A ces usages, correspondent quatre abus.
Premièrement, quand les hommes enregistrent
incorrectement leurs pensées, par des mots dont le
sens est variable, mots par lesquels ils
enregistrent comme leurs des idées qu'ils n'ont
jamais comprises, et ils se trompent. Deuxièmement,
quand ils utilisent les mots métaphoriquement,
c'est-à-dire dans un sens autre que celui auquel ils
étaient destinés, et, par là, induisent les autres
en erreur. Troisièmement, quand, par des mots, ils
déclarent une volonté qui n'est pas la leur.
Quatrièmement, quand ils utilisent des mots pour se
blesser les uns les autres. Étant donné que la
nature a armé les créatures vivantes, certaines avec
des dents, d'autres avec des cornes, et d'autres
[encore] avec des mains, ce n'est qu'un abus de
parole de blesser quelqu'un avec la langue, à moins
que ce ne soit quelqu'un que nous sommes obligés de
gouverner, et alors, ce n'est pas le blesser, mais
le corriger et l'amender.
Thomas Hobbes, Léviathan.
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